Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Viêt-nam (suite)

Le 12 septembre 1930, la révolution paysanne du Nghê Tinh atteint son paroxysme et réussit à fonder des soviets locaux, qui, pendant trois mois, vont régir les territoires libérés et entreprendre le partage des terres. Ces soviets attirent bientôt la répression la plus sévère. Ces graves événements marquent pour le parti communiste le début d’une sombre période, mais ils font comprendre à Paris qu’une évolution politique est nécessaire.

Le partisan de la collaboration inconditionnelle, Pham Quynh (1892-1945), propose un modernisme tempéré et des hommes nouveaux. Le jeune prince Vinh Thuy (né en 1913), d’éducation européenne et apparemment populaire, apporte la solution espérée en montant sur le trône en 1932 sous le nom de règne de Bao Dai, avec Pham Quynh comme chef de cabinet. Mais, loin de faire figure de réformiste partisan d’une monarchie constitutionnelle, Bao Dai n’a pas même l’apparence du pouvoir : trop lié à son entourage français, il est sans poids politique.

Alertée par la révolution avortée de 1930, l’administration coloniale tente de limiter certains abus, d’améliorer les conditions de travail, d’augmenter la production du riz en lui ouvrant des débouchés et de jeter les bases d’une infrastructure d’aménagement du territoire. Néanmoins, les inégalités sociales subsistent et l’économie stagne.

Les révolutionnaires regroupés au sein du nouveau parti communiste indochinois (P. C. I.), soutenu par le Komintern, s’organisent clandestinement pour créer des structures solidement implantées dans la population.

En mai 1936, l’arrivée au pouvoir du Front* populaire en France suscite un enthousiasme énorme au Viêt-nam. Du même coup, Nguyên Ai Quôc préconise, sans abandonner des positions de classe, de faire front avec toutes les forces démocratiques (y incluant la bourgeoisie nationale et les Français progressistes) et d’ajourner provisoirement la lutte armée et la réforme agraire pour mettre l’accent sur la revendication de droits démocratiques. Le parti rappelle, toutefois, que, parallèlement, les organismes clandestins doivent poursuivre leur travail souterrain.

Le gouvernement Léon Blum permet au P. C. I. de multiplier ses initiatives et d’étendre son influence. Une période de fiévreuse fermentation politique voit naître de multiples partis nationalistes ainsi que des mouvements politico-religieux (caodaïsme). De nombreuses tendances s’affrontent dans la presse, aux élections et sur les bancs de l’université.

La chute du Front populaire ramène le régime répressif au Viêt-nam (Lê Hông Phong est arrêté, Nguyên Ai Quôc reste dans la clandestinité). La Seconde Guerre mondiale entraîne la dissolution de toutes les organisations de gauche (P. C. I. et trotskistes). En novembre 1939, le P. C. I. préconise le combat pour liquider la colonisation française et le féodalisme mais, reconnaissant l’imminence du péril de l’impérialisme japonais, appelle à l’union toutes les couches sociales des peuples indochinois contre le Japon, alors allié de l’Allemagne.


La Seconde Guerre mondiale

La brusque défaite française devant l’Allemagne en 1940 crée un choc considérable dans l’esprit des Vietnamiens, d’autant que le Japon se fait menaçant. Tōkyō impose de faire transiter par le Viêt-nam septentrional ses troupes, en guerre contre la Chine, et acquiert ainsi certaines « facilités » supplémentaires (utilisation d’aérodromes à des fins militaires).

Sans aide extérieure et bientôt contrôlé par Vichy, le gouvernement général tente de gagner du temps pour sauvegarder sa souveraineté menacée. Profitant de la démission de fait du pouvoir de la France, le P. C. I. lance dans la région de Bac Son une opération de partisans qui doit préluder à une insurrection. Mais les autorités françaises réagissent et cherchent à décapiter le mouvement.

Nguyên Ai Quôc, conscient de la menace de l’instauration d’un régime autoritaire importé par le Japon, préconise alors l’union nationale et la lutte sur le terrain du nationalisme en suspendant momentanément les visées de contenu socialiste. D’ailleurs, la conjoncture nationale et internationale lui dicte la nécessité de passer à un combat prioritaire pour l’indépendance. En mai 1941 est créée la Viêt-nam-Dôc-lâp Dông-minh, en abrégé Viêt-minh (Front de l’indépendance du Viêt-nam).

Malgré la position officielle de Tōkyō, uniquement soucieuse d’utiliser les pays de l’Indochine comme sources d’approvisionnement et comme bases d’appui, les activistes panasiatiques, qui sont partisans de la « Sphère de co-prospérité de la Grande Asie orientale », encouragent les nationalistes et les sectes ultranationalistes (caodaïsme, Hoa Hao), d’autant que divers groupes se tournent vers le Japon et envisagent le retour du prince Cuong Dê, qui y vit toujours exilé.

Avec la guerre du Pacifique, le Viêt-minh est de plus en plus conscient de l’agonie de la puissance française (la courte guerre franco-siamoise, en janvier-mars 1941, donne au Siam, soutenu par Tōkyō, trois provinces cambodgiennes et deux laotiennes, en dépit du succès des armées françaises). Contacté par les services spéciaux américains (OSS), le Viêt-minh entre dans le théâtre d’opérations des Alliés. À ce titre, il reçoit des armes et utilise l’alliance chinoise pour s’implanter habilement.

À partir de 1944, le Japon recule partout devant les Alliés. Conscient du péril que peut constituer une volte-face des troupes françaises en Indochine (quelques réseaux anti-vichystes s’étaient déjà créés), Tōkyō réclame la mise immédiate des forces françaises sous commandement nippon. Devant le refus du gouverneur général Jean Decoux, un coup de force met fin à l’autorité française (9 mars 1945). Aussitôt, les milieux vietnamiens qui sont liés aux Japonais mobilisent les masses populaires contre les Français. Le 11 mars, l’empereur Bao Dai proclame la fin du protectorat et le droit du Viêt-nam à l’indépendance. Le nouveau cabinet Trân Trong Kim (1887-1953) s’efforce de reprendre les leviers de commande des mains japonaises, mais la guerre a créé des conditions de vie difficiles, et la famine fait rage dans le Nord.