Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Viêt-nam (suite)

La révolution d’août 1945 et l’avènement de la république démocratique du Viêt-nam

Dès 1943, le Viêt-minh, allié des Anglo-Saxons, de la Chine et de l’U. R. S. S., s’est solidement implanté dans sept provinces septentrionales, où est créée son « Armée de libération du Viêt-nam ». L’été de 1945 voit les événements se précipiter. Ayant liquidé la guerre avec l’Allemagne à l’ouest, l’U. R. S. S. se tourne contre le Japon à l’est. Le 6 août, les États-Unis lancent leur bombe atomique sur Hiroshima. Le 15, le Japon capitule. Le temps presse. Il faut que le peuple vietnamien décide lui-même de son sort en arrachant l’indépendance des mains japonaises avant le retour en force des Français. Le 19 août, la révolution vietnamienne éclate à l’instigation du Viêt-minh. Rapidement, le pouvoir révolutionnaire s’installe à Hanoi, puis à Huê et à Saigon, se substituant aux autorités japonaises et locales en s’emparant des positions clés.

À Huê, Bao Dai abdique et « passe le pouvoir aux forces révolutionnaires ».

Le 27 août, apprenant que les Alliés chinois vont occuper le Nord pour y effectuer le désarmement japonais, le Viêt-minh comprend qu’il lui faut montrer aux Chinois que le Viêt-nam est déjà un pays libre et indépendant. Le 29, Nguyên Ai Quôc, devenu Hô Chi Minh, forme un gouvernement provisoire comprenant neuf communistes sur les quinze membres du cabinet. L’ex-empereur Bao Dai, redevenu prince Vinh Thuy, en est le conseiller suprême.

Le 2 septembre 1945, Hô Chi Minh proclame solennellement l’indépendance et la république démocratique du Viêt-nam.


Sur le chemin de Diên Biên Phu et de Genève

La formation d’un gouvernement à majorité communiste est toutefois difficilement acceptée, tant par les Chinois nationalistes du Guomindang (Kouomin-tang, le parti de Tchang Kai-chek*), hostiles à la formation d’un État socialiste sur leurs arrières, que par les Anglo-Saxons, qui ont décidé d’admettre le retour de la souveraineté française. Quant à la France, qui a réussi le tour de force de se retrouver sur le banc des vainqueurs, elle ne songe qu’à ressusciter le protectorat.

Dans ces conditions, le Viêt-minh décide, avant le débarquement allié, de créer une situation de fait et de neutraliser les ennemis de la république démocratique (proches du Guomindang, pronippons, trotskistes) en organisant des élections générales pour élire une Assemblée nationale constituante.

Le pouvoir révolutionnaire reste faible dans le Sud, trop éloigné du gouvernement central, qui siège à Hanoi : le 5 octobre 1945, des unités françaises sous le commandement du général Leclerc prennent le contrôle de l’agglomération Saigon-Cho Lon. Poursuivant leur avantage et ravitaillés en armes par les Anglo-Saxons, les Français réoccupent bientôt le sud du Viêt-nam, le Cambodge et le Laos, tandis qu’un haut-commissaire de France s’installe à Saigon. Avec le retour des Français, la république démocratique naissante se trouve assaillie de toutes parts par des problèmes inextricables d’ordres économiques, financier, social, politique et diplomatique. Le plus grave danger est la présence des troupes nationalistes chinoises du général Lu Han (Lou-Han), qui semble bien décidé à ne jamais partir du pays. Fin politicien et hardi stratège, Hô Chi Minh va jouer les Français contre les Chinois. Le 6 mars 1946, des accords interviennent entre Hô Chi Minh et Jean Sainteny : la France reconnaît la république démocratique du Viêt-nam comme un État libre ayant son gouvernement, son parlement, son armée et ses finances, mais faisant partie de la Fédération indochinoise et de l’Union française. Les Chinois, n’ayant plus aucune raison d’occuper le Viêt-nam, se retirent. Mais les accords du 6 mars provoquent une violente réaction dans les milieux français de Saigon, qui les considèrent comme une capitulation devant le Viêt-minh et refusent de se sentir engagés par les accords signés, selon eux, entre Paris et les autorités viêt-minh.

Afin de clarifier la situation, Hô Chi Minh rencontre le haut-commissaire, l’amiral Thierry d’Argenlieu, mais les divers entretiens aboutissent à un constat d’échec, tandis que les guérillas communistes s’organisent dans le Sud sous le commandement de Nguyên Binh.

Hô Chi Minh s’engage alors à signer à Paris un traité définitif sur la base nouvelle d’un rassemblement populaire vietnamien indépendant et démocratique capable de rallier les non-communistes (Liên Viêt). Mais, au cours du vol qui l’emporte vers la France, il apprend que d’Argenlieu vient de proclamer unilatéralement la « république autonome de Cochinchine ».

Dès lors, la conférence, qui devait finalement se tenir à Fontainebleau (juill.-sept.), est marquée par des obstacles insurmontables. Le gouvernement français, qui est l’objet de pressions de la droite et du centre à la suite des manifestations communistes de soutien à Hô Chi Minh, répugne à une réforme de structure engageant l’empire colonial.

Le 16 septembre 1946, la délégation vietnamienne de Pham Van Dông quitte la France sans qu’un traité soit intervenu. Hô Chi Minh, pour gagner un répit précieux avant les événements violents qu’il imagine peut-être et surtout parce qu’il croit encore à un accord possible, signe le 14 septembre un modus vivendi fait de concessions réciproques avant le référendum envisagé.

Malgré le retour triomphant de Hô Chi Minh, la conférence de Fontainebleau est, en raison de l’hostilité des Français d’Indochine, une impasse qui prélude à un affrontement : Vô Nguyên Giap prépare la résistance ; d’Argenlieu, alarmé par la victoire de la gauche au référendum constitutionnel ainsi qu’aux élections de l’automne de 1946, décide d’imposer une solution par un coup de force. Les 19 et 23 novembre 1946, la marine française bombarde Haiphong, provoquant la mort de nombreux civils.

Les appels, in extremis, de Hô Chi Minh à Léon Blum, président du Conseil, restent lettre morte.

Le 19 décembre 1946, la guerre d’Indochine* commence par l’insurrection viêt-minh. Sur le plan politique, elle est marquée par l’impasse des tentatives de paix (contacts Hô Chi Minh-Paul Mus en mai 1947) et par l’intervention de Bao Dai dans la diplomatie vietnamienne.