Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Versailles (suite)

L’histoire


La ville des rois

La plus ancienne mention de la localité remonte au xie s. : un certain Hugues de Versailles figure alors comme témoin dans une donation d’Eudes, comte de Chartres, en faveur de l’abbaye de Saint-Père. Dès cette époque, un hameau semble s’être constitué autour du château des sires de Versailles, vassaux du roi de France. Le village souffre très probablement des ravages de la guerre de Cent Ans et de la peste, sa population n’excédant guère une centaine d’âmes au xvie s.

Le château est reconstruit en style Renaissance, vraisemblablement pour le compte de Martial de Loménie de Brienne, sous-secrétaire d’État aux finances de Charles IX. Lorsqu’à sa mort la seigneurie passe à la famille de Gondi, le hameau du Moyen Âge est devenu un bourg de près de 500 habitants où les voyageurs qui se rendent de Paris en Normandie s’arrêtent volontiers. Quant au nouveau château, il héberge des hôtes illustres, à commencer par Henri IV. Cependant, l’intérêt des rois de France pour le domaine de Versailles date non pas du « Vert-Galant », mais de son fils et successeur : le caractère boisé et giboyeux de la région plaît en effet au grand chasseur qu’est Louis XIII. Celui-ci passe souvent la nuit au manoir, à proximité duquel il se constitue une « garenne » de plusieurs centaines d’hectares ; en 1632, le souverain achète la seigneurie à Jean-François de Gondi. Enfin, il fait exécuter des travaux d’agrandissement par l’architecte Philibert Le Roy. Néanmoins, mis à part la substitution de la juridiction royale à la justice seigneuriale, la vie du village ne subit pas de bouleversement majeur.

Tout change à partir de 1662 : Louis XIV, enthousiasmé par le site, entame alors l’édification de l’actuel palais. Désireux d’être entouré en permanence de ses nobles, le Roi-Soleil attire ces perpétuels endettés en décrétant l’insaisissabilité des immeubles construits à Versailles, en contrepartie de l’observation de strictes règles d’urbanisme. Des facilités de cession de terrain achèvent de favoriser la construction aux alentours. L’immense chantier, où affluent par milliers ouvriers, terrassiers, manœuvres, maçons, décorateurs, bourdonne pendant vingt ans ; le grand nombre d’accidents de travail commandera d’ailleurs la création de la maison de la Charité, devenue ultérieurement l’hôpital de Versailles.

Peu à peu, une vraie ville sort de terre autour du palais royal et de ses dépendances (Orangerie, Grandes et Petites Écuries). Les portails des hôtels aristocratiques (Lauzun, Noailles, Condé, Turenne, Villeroi, Gramont, Gesvres), que prolongent d’immenses jardins, s’ouvrent le long de larges rues pavées, éclairées et ombragées d’arbres. Non loin, des maisons de bois abritent les petites gens : ouvriers, domestiques, commerçants et artisans attirés par l’importance et la qualité de la clientèle, sans parler d’une masse plus ou moins trouble (des rixes éclatent presque toutes les nuits). Bref, toute une population mène une vie trépidante, en quête de fortune rapide : on spécule beaucoup dans l’immobilier. En 1715, Versailles avoisine les 20 000 âmes, chiffre considérable pour l’époque, mais cet essor se trouve brutalement stoppé, au lendemain de la mort de Louis XIV.

Car le Régent et la Cour quittent Versailles, suivis, en quelques semaines, de la moitié des habitants. En 1722, le retour de Louis XV rend la vie et la prospérité à la cité, mettant ainsi fin à la période de léthargie, qui aura duré pendant toute la Régence. Au cours du règne de Louis XV, d’importants travaux d’urbanisme sont réalisés, notamment dans les nouveaux quartiers de Saint-Louis et du Parc-aux-Cerfs : construction du Poids-le-Roi (halle aux farines), de l’église Saint-Louis, des carrés Saint-Louis (marché), des écuries de la reine, des hôtels de Mme de Pompadour, de la Guerre, de la Marine et des Affaires étrangères ; agrandissement de l’hôpital ; création du collège d’Orléans ; sans parler des modifications considérables apportées à l’agencement intérieur du château. L’extension de l’agglomération, facilitée par le comblement de l’étang de Clagny, se poursuit sous Louis XVI en direction du nord.

À la fin de l’Ancien Régime, Versailles, capitale du royaume, est devenue un grand centre administratif où vivent 50 000 personnes (courtisans, « officiers », magistrats, artisans, bourgeois) et dont les innombrables auberges et hostelleries accueillent des visiteurs venus de toute la France. La vie y est animée par les nombreuses distractions dues à la présence du roi : certaines, traditionnelles, tels les feux d’artifice, réceptions, défilés militaires, processions, représentations théâtrales (la salle Montansier date de 1777) ; d’autres, plus inattendues (envol du ballon de Montgolfier en 1783). Pourtant, les jours de Versailles, ville royale, sont comptés. Certes, la réunion des États généraux et le serment du Jeu de paume s’y déroulent au tout début de la Révolution, mais son importance décline rapidement après le départ de Louis XVI, ramené de force à Paris (6 oct. 1789).


Depuis 1789

La cité a beau devenir le siège d’un évêché et le chef-lieu du département de Seine-et-Oise (1791), le chiffre de sa population n’en tombe pas moins à 25 000 en 1793. Au cours des années suivantes, Versailles, désormais éclipsée par Paris, acquiert la physionomie de ville de garnison qu’elle a conservée depuis : la création d’une manufacture d’armes (1795) est suivie, cinq ans plus tard, de l’installation de l’École d’instruction des troupes à cheval et des trompettes (future École de cavalerie de Saumur).

Les Versaillais accueillent la venue au pouvoir de Bonaparte avec faveur (1799), témoignant ainsi de leur goût pour l’ordre et la stabilité politique ; c’est d’ailleurs dans l’ex-capitale royale que nombre d’anciens émigrés se fixent à leur retour d’exil.

Aussi la ville coule-t-elle des jours paisibles sous l’Empire, à peine troublés par le bref séjour du pape Pie VII en route pour le sacre de Napoléon (1804) et par des combats d’arrière-garde opposant les troupes françaises aux Alliés (1815). Peu après, Versailles reçoit dans l’enthousiasme la visite de Louis XVIII. Pourtant, son rôle de capitale est bien fini : aucun des frères de Louis XVI ne s’y installera.