Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Ver (suite)

Un héritage discutable de Linné

Si certains Vers sont connus et décrits depuis l’Antiquité, ils ne sont pas reconnus comme un groupe défini ; dans la seconde moitié du xvie s., Ulisse Aldrovandi place Vers de terre, Vers des plantes, Tænias, Ascaris et... Limaces dans les « Insectes terrestres apodes », tandis que des Vers annelés marins et les Sangsues voisinent avec des Crustacés, des Étoiles de mer et même certains Poissons chez les « Insectes aquatiques ».

Dès 1735, Linné fait des « Vermes » l’une des six classes du règne animal ; dans les éditions successives de son Systema naturae, le groupe s’étoffe de multiples genres, mais nous offre l’image d’un fourre-tout pour les Invertébrés autres que les Insectes. Ainsi, dans la treizième édition, l’ordre des Intestina réunit des genres comme Ascaris, Trichocephalus, Fasciola, Tænia, Hirudo (Sangsue), Lumbricus, Planaria, Sipunculus, mais aussi Linguatula et Myxine, qu’on éloigne maintenant des Vers ; celui des Mollusca rassemble d’actuelles Annélides (Nereis, Aphrodite), des Anémones de mer, des Ascidies, des Oursins, des Étoiles de mer ainsi que quelques Gastropodes comme les Limaces.

Sans vouloir contester les mérites de l’œuvre du naturaliste suédois, on ne peut en masquer les imperfections dans le domaine des animaux inférieurs. Il ne faudra pas moins d’un siècle pour clarifier la situation chez les Vers.


L’apport du xixe siècle

On ne tarda pas à délimiter les Annélides (Lamarck, 1802) ; l’embranchement des Plathelminthes et celui des Némathelminthes sont reconnus par Karl Vogt en 1851. La définition d’autres groupes et de leurs affinités ne va pas sans peine ; il s’agit d’explorer au microscope l’anatomie des animaux, de rechercher dans le développement embryonnaire l’apparition des structures fondamentales, de tenir compte des incidences de la vie parasitaire sur la morphologie, d’exploiter les données de l’évolutionnisme naissant pour des êtres qui n’ont guère laissé de fossiles, enfin d’intégrer dans un ensemble passablement disparate les nouvelles espèces découvertes.

Selon le critère retenu, on a proposé des rapprochements trop souvent incertains ou artificiels. Les Némertes, d’abord rapprochées des Planaires, furent réunies par G. Cuvier aux Nématodes, puis de nouveau rapprochées des Turbellariés avant qu’on en fasse un embranchement distinct. Jean de Quatrefages rassemblait sous le nom de Géphyriens les Sipunculides, les Échiurides et les Priapulides. Puis, en 1897, Yves Delage et Edgard Hérouard créaient l’éphémère embranchement des Vermidiens (ou Vers aberrants) pour réunir les Géphyriens, les Bryozoaires, les Rotifères, les Kinorhynques, les Chétognathes et les Brachiopodes.


Conceptions actuelles

Il n’est pas possible de définir zoologiquement le type « Ver ». Les êtres que l’on serait tenté de désigner par ce nom se retrouvent dans dix embranchements, que l’on considère comme les plus primitifs des Métazoaires triploblastiques. Ils se répartissent en deux séries distinctes, d’après l’absence ou la présence de cœlome, cavité embryonnaire formée par le mésoderme. Les Plathelminthes, les Acanthocéphales, les Priapuliens, les Mésozoaires, les Némertes, les Némathelminthes et les Rotifères sont des « Acœlomates », tandis que les Annélides, les Sipunculiens et les Échiuriens représentent les plus simples des « Cœlomates ».

M. D.

➙ Annélides / Némathelminthes / Plathelminthes / Rotifères.


Vers parasites

Les Vers parasites, ou Helminthes, comprennent des Vers ronds (Némathelminthes) et des Vers plats (Plathelminthes).

Parmi les Némathelminthes, un ordre intéresse surtout le parasitologue : les Nématodes. Il s’agit de Vers non segmentés, pourvus d’une cuticule et d’un tube digestif complet, à sexes séparés. En pathologie humaine, les principaux d’entre eux sont les Ascaris (Ascaris lumbricoides), les Oxyures (Enterobius vermicularis), les Ankylostomes (Ankylostoma duodenale, Necator americanus), les Anguillules (Stongyloides stercoralis), les Filaires (Onchocerca volvulus, Wuchereria Bancrofti, Loa-loa et Dracunculus medinensis), la Trichine (Trichinella spiralis) et les Trichocéphales (Trichuris trichiura). Ces différentes espèces sont responsables, à des degrés divers, de manifestations cliniques et de perturbations biologiques pouvant rompre l’équilibre de l’hôte (v. nématodes pathogènes).

Les Plathelminthes comprennent les Trématodes et les Cestodes. Les Trématodes sont des Vers non segmentés, pourvus d’une cuticule molle et d’un tube digestif sans anus, à sexes séparés ou hermaphrodites. Les Cestodes sont des Vers segmentés, sans cuticule ni tube digestif ; ils sont hermaphrodites ; leur tête est porteuse de crochets ou de ventouses. Parmi les Cestodes rencontrés en clinique humaine, on citera les Tænias, responsables de téniasis (Tænia saginata et T. solium, Hymenolepis nana) et de bothriocéphalose (Diphyllobothrium latum) lorsqu’ils parviennent à l’état adulte chez l’Homme, et d’impasses parasitaires lorsqu’ils y parviennent à l’état larvaire (Cysticercus cellulosæ, Cœnurus serialis et Echinococcus granulosus ou multilocularis).

Parmi les Trématodes doivent être mentionnés les Bilharzies, ou Schistosomes (Schistosoma hæmatobium, S. Mansoni, S. japonicum et S. intercalatum), et les Douves, ou Distomes (Fasciola hepatica ou gigantica, Clonorchis sinensis, Fasciolopsis buski, Dicrocœlium dentriticum).

Le rôle pathogène des Helminthes peut s’exprimer par divers types d’actions. L’action spoliatrice est, dans l’ensemble, faible : le Ver détourne à son bénéfice des éléments nutritifs, et en particulier le sang ; cela est valable pour les Ankylostomes, responsables d’hémorragies par spoliation. L’action mécanique est incontestable pour certains Vers (en particulier les Ascaris), qui peuvent provoquer par leur grand nombre des occlusions intestinales ou par leur localisation des obstructions des voies biliaires. L’action traumatique (indirectement responsable de surinfections) est très rare. L’action irritative et inflammatoire, marquée chez les Trématodes et les Cestodes, est plus faible chez les Nématodes. Enfin et surtout, l’action toxique est très importante. Due à la sécrétion de produits de dégradation, elle peut déterminer des accidents graves. Elle est volontiers responsable d’hyperéosinophilie sanguine et tissulaire, parfois d’anémie ou de réactions de type allergique. Elle peut, en effet, provoquer une sensibilisation de l’organisme, qui se traduit le plus souvent par une élévation des anticorps. L’organisme est sensibilisé non pas tant aux protéines du Ver (en raison de l’imperméabilité de la cuticule) qu’aux métabolites excrétés.