Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Venise (suite)

Le 28 février 1297, la serrata (fermeture) del Maggior consiglio en interdit l’accès aux hommes nouveaux. Garantie depuis 1314 par l’inscription obligatoire sur un registre (Livre d’or du xvie s.) des éligibles, dont la qualité est reconnue héréditaire en 1323, cette règle n’est suspendue qu’à trois reprises au bénéfice des familles qui se sont illustrées lors des guerres de Chioggia (31 case nuovissime en 1380), de Crète (en 1646) et de Morée (en 1684). Sur les 210 familles patriciennes qui ont siégé dans ce conseil, 87 ont disparu avant le xvie s.

En fait, le contrôle du pouvoir réel est détenu depuis longtemps par des conseils spécialisés.

• Les conseils spécialisés issus du Maggior consiglio.
La Ouarantia. Apparue en 1179, elle est à la fois un organe législatif (élaboration de projets fiscaux) et judiciaire ayant compétence tant en matière civile que criminelle. Tribunal d’appel pour les causes extravénitiennes, ce conseil n’a plus dès le xive s. qu’un rôle judiciaire.
Le Sénat. Assemblée des invités (Pregadi, « les Priés ») du doge, dont le nombre passe de 60 en 1230 à 120 vers 1450 et à 300 vers 1550, le Sénat (qui n’existe sous ce nom qu’à partir du xive s.) admet en effet successivement en son sein la Quarantia, le Conseil des Dix, les trois Avogadori de Comun en 1293, les neuf Procuratori di San Marco en 1442. Confiant la solution des problèmes importants à des commissions temporaires de Sages, il accroît sa compétence législative aux dépens du Maggior consiglio ; il désigne les ambassadeurs, organise la défense et notamment la flotte de guerre, nomme en cas de crise le capitaine général de la mer, puis le capitaine général de la terre, contrôle la vie économique par l’intermédiaire des cinq Savi alla mercanzia (à partir de 1506).

Pouvoir judiciaire

La Quarantia (cf. pouvoir législatif : conseils spécialisés).

Pouvoir exécutif

• Il Collegio (le Collège). Né à la fin du xive s. de la réunion des 10 membres de la Signoria et des 16 Sages de la Consulta, ce conseil de 26 membres élargit sa compétence au xvie s. aux affaires diplomatiques (réception des ambassadeurs et étude de leur correspondance).

• La Serenissima Signoria (la Seigneurie). Organe suprême de la République, elle comprend 10 membres : le doge, ses 6 conseillers du Minor consiglio et les 3 capi de la Quarantia, qui préparent les projets à soumettre au Grand Conseil et au Sénat.

• Le doge. Héritier du duc byzantin de Venise du viie s., le doge est élu à vie d’abord par le peuple, au nom duquel il exerce un pouvoir patriarcal presque absolu jusqu’au xiie s. Confiée à 40 électeurs en 1172, organisée plus tard selon un système compliqué comportant onze scrutins, l’élection est validée par la prestation d’un serment (promissio ducalis), puis confirmée annuellement par la cérémonie des épousailles de la mer (sposalizio del mare). Porteur des symboles du pouvoir exécutif (manteau de pourpre, épée, bonnet en forme de corne), le doge est honoré de titres prestigieux : « Excellent seigneur par la grâce de Dieu, doge de Venise, duc de Dalmatie et de Croatie et (de 1204 à 1358) seigneur du quart et demi de l’Empire de Romanie. » Devenu ensuite « prince sérénissime », il préside la Signoria et le Collegio, mais perd la réalité du pouvoir au profit des conseils, sans l’accord desquels il ne peut agir, surtout après l’échec de la conjuration antinobiliaire de Marino Falier en 1354-55. En 1457, la déposition par le Conseil des Dix de Francesco Foscari diminue encore son autorité.

• Il Minor consiglio (Petit Conseil). Présidé par le doge, il comprend depuis 1172 6 conseillers nommés par le Grand Conseil à raison de un par sestier.

• Les 3 chefs (capi) de la Quarantia. C’est la troisième composante de la Signoria.

• La Consulta. Depuis la fin du xive s. 3 commissions permanentes de Sages reçoivent une délégation du Sénat pour traiter auprès de la Signoria des questions spécialisées :
— les 6 Savi Grande, pour la politique générale ;
— les 5 Savi agli ordini, pour les règlements maritimes ;
— les 5 Savi alla Terraferma, pour la conquête et l’administration des provinces continentales.

• Il consiglio dei Dieci (le Conseil des Dix). Institué à titre temporaire en 1310 (conspiration de Baiamonte Tiepolo), puis à titre permanent en 1355 par décret du Grand Conseil (complot de Marino Falier), il comprend 10 conseillers ordinaires élus pour un an par le Grand Conseil, mais le doge et ses 6 conseillers participent à ses délibérations pour assurer la protection de l’État. À partir de 1539, il s’adjoint de manière permanente 3 inquisiteurs d’État nommés pour un mois. Dès lors, son autorité apparaît sans bornes.

Capitaux et sociétés

La rogadia est un système ancien par lequel un capitaliste investit des capitaux d’origine foncière dans le commerce maritime ou confie à un marchand le soin de vendre à l’étranger une marchandise d’un seul type.

La colleganza unilatérale associe un bailleur de fonds fournissant tout le capital et un marchand itinérant qui se répartissent les profits à raison des trois quarts pour le premier et de un quart pour le second.

La colleganza bilatérale associe un bailleur de fonds apportant les deux tiers du capital et un marchand itinérant qui fournit le tiers restant. Aussi le bénéfice est-il réparti par moitié (la rémunération du capital restant, en fait, des trois quarts).

La commission est un système par lequel les hommes d’affaires vénitiens devenus sédentaires consignent leurs marchandises à des agents établis à demeure à l’étranger ; ceux-ci sont rétribués par une commission de 2 p. 100 sur les ventes et de 1 p. 100 sur les achats.

Les fraternes sont des associations familiales permanentes caractérisées par la mise en indivis des biens et des activités marchandes des membres d’une même famille et s’appuyant de plus en plus sur ceux d’entre eux qui siègent dans les conseils vénitiens.