Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Venise (suite)

Entre la mer et la terre


Le recul oriental

Les Byzantins reprennent Constantinople le 25 juillet 1261. Alliés aux Génois par le traité de Nymphée du 13 mars 1261, ils accordent à ces derniers les privilèges dont bénéficiaient les Vénitiens, de nouveau exclus de la mer Noire.

Tout en s’associant aux tentatives faites par les princes d’Occident pour reconquérir Constantinople, notamment à celle de Charles Ier d’Anjou en 1281-82 (traité d’Orvieto du 3 juill. 1281), à celle de Charles de Valois en 1304-1307 et à celle de Philippe de Tarente en 1320, les Vénitiens se réinstallent à Constantinople et à Thessalonique et pénètrent de nouveau en mer Noire en vertu des chrysobulles impériaux du 18 juin 1265, du 15 juin 1285 et du 4 octobre 1302.

Définitivement victorieuse de Pise à la Meloria en 1284, Gênes tente d’empêcher cette restauration de la puissance vénitienne qui l’a chassée d’Acre en 1258. En vain. Au terme de quatre guerres (1261-1270 ; 1294-1299 ; 1351-1355 ; 1378-1381) au cours desquelles les Génois atteignent les portes de la lagune (1379, guerre de Chioggia), Venise reste seule maîtresse de l’empire de la Mer. Annexant temporairement Nègrepont (1383-1390), Athènes (1395-1402), Thessalonique (1423-1430) et Patras, occupant, pour longtemps, Corfou en 1386, ainsi que Tinos et Mykonos en 1390, la Sérénissime se heurte alors à des ennemis beaucoup plus redoutables : les Turcs, dont la progression vers l’ouest est à peine ralentie par la défaite que leur inflige Tīmūr Lang à Ancyre en 1402. Malgré l’aide militaire de ses clients de la mer Égée, auxquels se joignent les hospitaliers de Rhodes et les rois de Chypre, malgré surtout l’héroïsme de son baile Girolamo Minotto, Venise ne peut empêcher les Ottomans de s’emparer de Constantinople le 29 mai 1453, puis de ses dernières positions en mer Noire : Trébizonde en août 1461 et surtout son comptoir de Tana en 1475.

Entre-temps, les Turcs occupent la Grèce. Les Vénitiens, alliés de l’Albanais Skanderbeg et du roi de Hongrie Mathias Corvin, qui interviennent alors respectivement en Épire et en Macédoine, reconquièrent temporairement la Morée en 1464-65. Incapables de reconquérir les îles et les ports du nord de l’Égée (1465-1469), impuissants à secourir Nègrepont, occupée en juillet 1470, menacés par un raid ottoman dans le Frioul en 1478, ils renoncent officiellement le 24 janvier 1479 à Nègrepont, à Argos et même à Scutari (auj. Shkodër), d’où les Turcs partent occuper Otrante (juill. 1480 - sept. 1481). L’achat à Catherine Cornaro de Chypre en 1489 prolonge jusqu’en 1571 la présence de Venise en Méditerranée orientale, mais la perte de Coron et de Modon en 1499-1500 compromet ses liaisons maritimes.


La conquête de la Terre Ferme

Malgré la loi de 1274 qui leur a interdit l’acquisition de biens fonciers en Terre Ferme, la montée des ambitions politiques des villes voisines contraint les Vénitiens à s’engager dans une politique compensatrice d’expansion continentale. Faute de moyens en hommes, Venise recrute dans toute l’Europe dès la fin du xive s. une armée de sujets ou d’alliés. Le commandement est confié à des mercenaires, les condottieri ; les Vénitiens font élever par A. Verrocchio un immortel monument équestre au plus célèbre d’entre eux, Bartolomeo Colleoni (1400-1475), mais ils n’hésitent pas à faire exécuter les plus ambitieux, tel Francesco Bussone, dit Carmagnola (v. 1385-1432). Venise se constitue un vaste État de Terre Ferme, sous l’impulsion de trois doges énergiques : Michele Steno (1400-1413), Tommaso Mocenigo (1414-1423) et Francesco Foscari (1423-1457). Au lendemain de la paix de Turin (août 1381), qui conclut la guerre de Chioggia, l’élimination des Génois leur permet de reprendre Trévise (1389) en opposant les Carrara de Padoue aux Scaligeri de Vérone et au duc d’Autriche.

Enlevant dès 1404 Vicence, abattant ensuite la puissance des seigneurs de Padoue, où ils entrent le 22 novembre 1405, acquérant enfin Vérone, la Sérénissime occupe ensuite le Frioul en deux étapes (1411 et 1418-1420), tout en reconquérant les villes dalmates : Zara en 1409 ; Trau, Scutari et Dulcigno (auj. Ulcinj) entre 1418 et 1420. Au sud, les Este de Ferrare sont neutralisés, et Ravenne annexée en 1441.

Venise, devenue une grande puissance péninsulaire, heurte de ce fait les projets expansionnistes des Visconti, seigneurs de Milan ; elle s’allie à Florence pour soutenir contre ses rivaux trois guerres (1425-1428 ; 1431-1433 ; 1435-1441). Si la première lui permet d’occuper Brescia, les deux autres tournent surtout à l’avantage de Francesco Sforza. Profitant alors de l’avènement de ce dernier au trône ducal en 1450, ainsi que de la chute de Constantinople en 1453, Venise fait signer à ce prince la paix de Lodi (9 avr. 1454), à laquelle s’associe bientôt Florence. Ainsi un équilibre de fait s’établit en Italie du Nord entre ces trois principautés urbaines. Libres désormais de se consacrer entièrement à la lutte contre les Turcs, les Vénitiens peuvent se permettre en outre d’assumer sans danger les responsabilités d’une puissance continentale à l’heure même où leur prospérité est menacée par la montée des puissances atlantiques, qui s’affirment avec force après la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492.

Les institutions de Venise

Pouvoir législatif

• Arengo. Cette assemblée du peuple, réunie en placitum (plaid), perd en 1143 toute initiative législative, se bornant à ratifier, par acclamation (collaudatio), les décisions du Conseil des sages ; en 1172, elle perd aussi le droit d’élire le doge au profit d’une commission électorale de 40 membres, puis disparaît en fait en 1423.

• Maggior consiglio (Grand Conseil).
Organe à compétence universelle, issu du Conseil des sages il ne comprend à l’origine que 35 patriciens (un par trentaccia vers 1200). Accru des populari (430 membres en 1261), il ne légifère qu’à partir de 1250. Dès 1286, une proposition de loi tend à en réserver l’accès aux patriciens ayant eu un ascendant paternel siégeant dans ce conseil (case vecchie des origines ; case nuove des xiie et xiiie s).