Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

végétation (suite)

Comme pour toute cartographie, la notion d’échelle est déterminante. Sur une carte très petite de la végétation du monde, seuls quelques grands traits bioclimatiques peuvent être représentés. Sur un plan, au contraire, on peut représenter tous les individus. Aussi, la représentation des ensembles de végétation comporte-t-elle une part d’autant plus grande d’interprétation, de simplification, voire d’extrapolation que l’échelle est plus petite.

La végétation étant le meilleur intégrateur des conditions naturelles actuelles et passées, d’une part, mais aussi le meilleur révélateur des actions humaines diffuses et étendues, d’autre part, ses représentations cartographiques sont indispensables pour la compréhension des paysages et des régions du globe.

Les aires : variété et évolution

Une aire de répartition peut être continue ou disjointe. La répartition continue la plus large caractérise les espèces cosmopolites (occupant presque tout le globe terrestre), comme nombre de plantes aquatiques (Lentilles d’eau, Roseaux, Potamots, Nayas) et beaucoup de mauvaises herbes qui accompagnent souvent l’Homme (la Bourse-à-pasteur, le Pissenlit, le Plantain...) ; d’autres espèces sont seulement circumterrestres, c’est-à-dire qu’elles sont localisées entre certains parallèles : il faut surtout citer les circumpolaires (Carex laponicum) ou celles qui n’acceptent que les régions tropicales (Hibiscus, Strychnos...). Parfois, ces aires correspondent à des espèces en phase de colonisation. Aux continues de grandes dimensions s’opposent les endémiques, qui se limitent à un territoire plus ou moins restreint, comme par exemple un massif montagneux, une île. L’étendue de ces territoires varie de l’Australie tout entière à une unique station de quelques mètres carrés (Lysimaque de Minorque). De même, le Ginkgo, le Métasequoia et le rarissime Cathaya sont limités à quelques stations dans les montagnes de la Chine intérieure ; citons aussi les Séquoias des Rocheuses et les espèces des sommets du Hoggar, du Tibesti et du Tassili, où près de 50 p. 100 sont endémiques (Myrte, Olivier, Lavande...). En France, sur les 4 200 bonnes espèces (linnéons) de Phanérogames, plus d’une centaine sont endémiques, principalement dans les massifs montagneux : dans les Pyrénées, une vingtaine ; dans les Alpes occidentales, une trentaine ; en Corse, plus d’une soixantaine, strictement inféodées à cette île.

L’endémisme prononcé que l’on constate pour les espèces de la flore corse se retrouve dans beaucoup d’îles ; 15 p. 100 à Madère, 30 p. 100 aux Canaries. Dans les îles éloignées des continents, le degré d’endémisme est encore plus élevé : 50 p. 100 à Sainte-Hélène, près de 70 p. 100 en Nouvelle-Calédonie, en Nouvelle-Zélande et à Madagascar (où deux familles sont complètement endémiques), plus de 80 p. 100 aux Hawaii et la quasi-totalité aux Nouvelles-Hébrides. De telles flores peuvent être considérées comme constituées de formes anciennes (paléo-endémisme).

Les néo-endémiques sont des plantes à aire restreinte, mais d’origine récente, et bien souvent des variétés d’espèces en pleine évolution, par exemple celles de Pinus montana (uncinata, Mughus, pumilio), de Pinus nigra, de l’Aulne vert, de diverses Joubarbes... Ordinairement, une aire assez vaste est rarement continue, et, si l’on peut en étudier les détails, on trouve à sa périphérie des stations satellites de surface plus réduite : ce sont des aires fragmentées.

Quand l’aire d’une espèce est divisée en différentes parties fortement éloignées les unes des autres, on la dit « discontinue » ou « disjointe ». Autrefois fondée sur une origine polytopique (naissance d’une espèce en divers points du globe), l’explication de ce type d’aire fait maintenant appel soit à des migrations (vent, courants, oiseaux), soit à la fragmentation d’une aire primitive plus importante, conséquence d’un changement des contours des mers et des continents, d’une régression devant des espèces plus dynamiques ou de modifications écologiques dans les régions intermédiaires. C’est le cas pour les espèces arctico-alpines (Arabis alpina, Dryas octopetala, Linnæa borealis, Betula nana...) favorisées par des glaciations quaternaires (extension de l’aire sur toute l’Europe). Les derniers réchauffements inter- et postglaciaires les ont repoussées vers les régions nordiques et cantonnées dans des stations à surface très réduite (tourbières, hauts sommets des montagnes) où a subsisté une écologie qui leur a permis de survivre (stations froides). Ces localisations sont dites par certains auteurs « stations reliques » ; d’autres emploient le terme de relicte, réservant le premier à des espèces anciennes presque totalement disparues (Ginkgo...).

Ces aires peuvent s’étendre grâce à la multiplication des individus et à leurs moyens de dissémination, mais aussi se réduire par diminution de leur nombre et finalement s’éteindre. La multiplication est particulièrement abondante dans les groupes inférieurs (les Champignons pouvant émettre plusieurs millions de spores par jour, les Algues ayant la facilité intense de se multiplier quand les conditions écologiques sont favorables : fleurs d’eau). Les phénomènes de dispersion sont aussi assez importants chez les Phanérogames, puisque normalement les graines, les fruits, voire les organes ou des plantes entières peuvent servir à la dissémination de l’espèce (diaspores). Mais à ces phénomènes s’oppose la destruction, considérable, des semences. Ainsi, sur les millions de graines d’Orchidées, bien rares sont celles qui peuvent trouver le milieu convenable (présence d’un Champignon symbiote) qui leur permettra de redonner un individu nouveau. Il en est de même des arbres : pour un Chêne, par exemple, c’est un nombre infime de glands qui donnera des individus adultes. On est là en présence d’une sélection naturelle par la concurrence, qui limite la prépondérance d’une espèce. On constate donc un gaspillage effrayant d’énergie par la nature, qui produit un nombre gigantesque de germes voués à la destruction.