Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

végétation (suite)

Le mode de dissémination agit beaucoup sur le tracé des limites des aires. Cette dispersion peut se faire par le vent (anémochorie) — grâce soit à la légèreté des germes, soit à des expansions qui facilitent la « prise au vent » (ailes des Samares, restes de pièces florales, soies plumeuses...) — ou par des inflorescences, ou même par des plantes entières (Rose de Jéricho, Lecanora esculenta ou manne du désert). Les eaux douces favorisent également l’extension des aires : ainsi l’Elodea canadensis, introduite en Irlande en 1836, avait conquis toutes les rivières d’Europe en 1900 ! (Seuls les pieds femelles ont été importés et cette espèce se multiplie donc uniquement par voie végétative en Europe.) On doit citer également le fameux Eichhornia crassipes, originaire de l’Amérique, qui a colonisé par suite de son importation dans différents jardins botaniques tropicaux, d’une manière intense, toutes les eaux douces du domaine pantropical. Les courants marins sont eux aussi la cause de nouveaux peuplements, mais là l’extension est limitée aux rivages : ainsi, les noix de Coco transportées par l’océan sont capables de germer sur les plages de nombreux atolls du Pacifique. Les animaux interviennent également et ainsi certaines aires correspondent assez bien aux trajets d’Oiseaux migrateurs. L’Homme est enfin un facteur de dispersion, et donc de modification des aires naturelles, soit d’une manière intentionnelle, par acclimatation d’espèces intéressantes pour lui, soit lors de ses déplacements ou de transports de marchandises.

La limitation de ces aires est due le plus souvent à des causes géographiques (océans, montagnes), mais aussi à des facteurs climatiques (les espèces circumterrestres) ou biotiques La concurrence, dans un même biotope, d’une espèce plus vigoureuse que l’autre en fait disparaître une progressivement. Ainsi, actuellement, à un échelon local, on voit dans les prés salés des côtes de la Manche s’établir une Graminacée (Spartina Townsendi) qui fait régresser lentement les espèces qui y étaient auparavant (Salicornia stricta...). Mais un facteur primordial est d’ordre paléobiogéographique ; il permet de connaître autant que faire se peut l’origine des espèces ainsi que leur répartition primitive. La paléogéographie reconstitue avec plus ou moins de précision les limites des terres émergées aux différentes époques géologiques. La théorie des « ponts continentaux » fut longtemps mise en avant pour expliquer les aires de répartition de certaines espèces ; l’hypothèse de la « dérive des continents », qui a suscité beaucoup de passions, est reprise actuellement avec la théorie des « plaques » et explique la répartition de flores fossiles dispersées maintenant sur divers continents autour de l’océan Indien (continent de Gondwana). Enfin, la reconstitution des climats anciens, surtout au Quaternaire, a permis d’expliquer diverses migrations et de comprendre des aires disjointes, comme on l’a vu pour les arctico-alpines.

J.-M. T. et F. T.

Cartes de végétation à grande échelle

• Objectifs. Parmi les entreprises de sauvegarde et de sauvetage de ce qui demeure en France de milieux réputés naturels, tout particulièrement certains espaces forestiers, les plus importantes et les plus urgentes d’entre elles concernent un assez petit nombre de surfaces relativement restreintes, en tête desquelles se situent les forêts du centre du Bassin de Paris.

La sauvegarde de ce qui existe implique d’abord une connaissance solide de ce qui est ; de ce souci primordial, de plus en plus de gens ont aujourd’hui conscience : dessiner des contours d’espaces verts, de forêts, est indispensable mais très insuffisant si l’on veut atteindre à une politique pleinement éclairée d’intervention, d’aménagement, voire de défens.

À ce premier intérêt d’inventaire, d’archivage, déjà en lui-même très polyvalent, s’ajoutent au moins deux intérêts scientifiques : par ces bases, dûment datées, il est possible de suivre l’évolution de ces milieux naturels, tels que les groupements végétaux par exemple, les rendements en bois, et d’essayer de corréler ces faits évolutifs avec les paramètres naturels des milieux correspondants, mais également avec les diverses interventions passées et présentes des hommes ; il est également possible, grâce à une bonne visualisation de ces diverses composantes, de choisir des emplacements de stations d’études et de mesures scientifiques, mésologiques et écologiques dont l’implantation aura le plus de chance d’être représentative de conditions de milieux déjà bien cernées.

• Techniques. Cette connaissance repose d’abord sur un inventaire équilibré et précis ; celui-ci implique un travail de recensement minutieux sur le terrain. Sa mise au net implique la constitution d’un certain nombre de cartes à grande échelle. Une carte unique représentant avec précision les éléments constitutifs d’une forêt nécessite une légende beaucoup trop lourde, des artifices qui la rendent peu lisible. Aussi ces cartes thématiques représentent un moyen terme entre des cartes analytiques simples mais trop nombreuses et une carte unique qui, pour être lisible, serait obligatoirement « orientée », soit dans un sens scientifique, soit dans un sens de conservation, de production... De telles cartes demeurent possibles, mais elles impliquent d’autres choix. D’où le nom de « cartes thématiques de base » donné à celles qui sont représentées ici.

En effet, d’autres cartes pourraient être réalisées, portant sur le repérage (topographie, cheminements avec relevés et extensions), sur les biomasses et les rendements de la forêt. L’ensemble de ces cartes, en ajoutant les cartes mésologiques classiques, géologiques, géomorphologiques, climatiques, pourrait constituer un atlas.

Ces cartes ont été réalisées dans l’un des plus grands massifs forestiers du Bassin parisien, celui de Saint-Gobain (Aisne), et couvrent actuellement 4 000 ha. 470 ha sont représentés ici. Levés de terrain par F. Albospeyre ; maquettes par F. Albospeyre et M. C. Jurilli. Coordination et rédaction : François Morand, avec la collaboration de Marcel Bournerias. Ces travaux ont été réalisés avec l’aide du ministère de l’Environnement, de l’E. N. S. de Saint-Cloud, du C. N. R. S., de l’Office du tourisme de l’Aisne, du Rotary international et de l’université Paris-X (Nanterre).

F. M.