Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

végétation (suite)

Enfin, on s’aperçoit qu’à pousser trop loin des classifications physionomiques et structurales, un peu comme en phytosociologie, on juxtapose des catégories justifiées et d’autres qui sont pratiquement vides. Aussi présenterons-nous une classification plus traditionnelle et plus modeste, opposant avant tout les formations végétales ouvertes aux formations végétales fermées. À l’intérieur de ces deux grandes classes, on distinguera d’abord les formations forestières élevées et les formations basses ligneuses et herbacées. Enfin, situés en positions particulières sur les terres émergées, bords des eaux et montagnes seront traités à part.


Formations végétales fermées


Les forêts sempervirentes

• La forêt ombrophile tropicale. Les termes français et étrangers qui désignent cette grande forêt fermée des régions équatoriales et intertropicales (forêt de pluie [ou forêt ombrophile], rain forest, Regenwald, pluviisilva...) correspondent tous au facteur écologique essentiel, qui est l’importance et la constance de la pluie. On la qualifie aussi de forêt dense ou, si l’on veut insister sur la permanence des organes aériens verts, on dira également forêt intertropicale sempervirente (tropical evergreen forest).

Cette forêt dense recouvre trois grands domaines distincts géographiquement et, par conséquent, distincts au plan floristique. Dans la cuvette amazonienne, surtout au sud de l’équateur, elle couvre continûment tout le rebord oriental des Andes et ne s’arrête que vers 2 000 m d’altitude. En Afrique, elle occupe un vaste secteur allant de la Sierra Leone aux montagnes bordant les Grands Lacs africains, mais, à l’inverse de l’Amazonie, elle ne dépasse l’équateur vers le sud que de quelques degrés de latitude et, actuellement, ce vaste domaine est coupé en deux par les savanes, arborées ou non, du Togo à l’ouest du Nigeria. Dans l’Asie du Sud-Est et en Insulinde, la forêt dense couvre de vastes surfaces, plus étendues qu’en Afrique, mais très morcelées ; sur le continent, on la trouve dans trois positions, dans les plaines très humides (delta du Gange...), sur les côtes (côte orientale du Viêt-nam), rebords des montagnes très arrosées et bordures de leurs piémonts (Birmanie, Assam...) ; on la rencontre aussi dans toutes les îles de la Sonde et sur la côte nord-est australienne. À côté de ces trois grands domaines, la forêt dense est également représentée plus modestement dans trois régions côtières montagneuses qui sont plus ou moins en situation d’isolats : Ghāts occidentaux en Inde, côte orientale de Madagascar, bordure orientale de la serra do Mar au Brésil.

• La forêt boréale. Beaucoup d’auteurs appellent ainsi cette forêt sempervirente des hautes latitudes septentrionales parce qu’à cause de la dissymétrie des terres émergées elle n’a pas son équivalent dans l’hémisphère Sud. On peut la qualifier plus précisément de forêt sempervirente aciculifoliée (Nadelwald, needleleaf evergreen forest), parce qu’elle est constituée essentiellement de Conifères, c’est-à-dire d’arbres à aiguilles. D’autres auteurs, enfin, l’ont appelée taïga. Il vaut mieux, toutefois, restreindre l’extension de ce terme non seulement au Nord eurasiatique, mais encore à la partie la plus élevée en latitude de ce domaine, lorsque la forêt s’éclaircit avec des arbres qui ne sont plus jointifs, c’est-à-dire là où la forêt de Conifères, jusque-là fermée, commence à s’ouvrir.

Cette forêt très vaste, aussi bien en Amérique qu’en Eurasie, se développe au nord du 45e ou du 50e parallèle jusqu’à la toundra. C’est la formation végétale qui a l’extension la plus parfaitement zonale de toutes. Couvrant des territoires immenses, elle est la forêt la plus vaste du monde, occupant près de 30 p. 100 de la surface forestière mondiale. Avec la sempervirence, elle frappe par son immensité et sa simplicité : cinq ou six genres de Conifères, cinq ou six espèces de feuillus (Bouleau, Saule nain, Aulne, Peuplier, Sorbier) ; de surcroît, les forêts monospécifiques sont fréquentes, ce qui constitue une exception dans la biosphère. Pour trouver l’équivalent, il faut l’intervention de l’homme (cultures, plantations forestières).

Cette forêt zonale circumboréale est limitée au nord par une seule formation, la toundra. Au sud, par contre, les contacts sont plus complexes : en Europe occidentale et centrale, la forêt tempérée à feuilles caduques lui fait suite ; mais, en Europe orientale et en Sibérie centrale et orientale, on passe progressivement à une formation mixte de Conifères et de feuillus ; enfin, en Sibérie occidentale, la forêt de Conifères entre en contact directement avec la prairie. En Amérique du Nord, la situation est encore plus complexe : de l’est à l’ouest, on retrouve bien la disposition précédente, mais se déroulant en sens inverse ; bordent successivement la forêt hudsonienne, une forêt mixte, une forêt à feuilles caduques, la prairie, la steppe dans les Rocheuses américaines orientales et centrales (avec ou sans épineux) ; mais surtout la forêt boréale se prolonge loin vers le sud sans que ses caractères changent beaucoup (grâce aux montagnes Rocheuses de direction méridienne) et, d’autre part, sur son flanc sud-ouest, elle passe rapidement à une autre forêt de Conifères, la forêt tempérée pacifique.

Dans cette formation végétale extraordinairement homogène à l’échelle de la planète, les seules exceptions sont dues au mauvais drainage de beaucoup de dépressions aménagées par les inlandsis quaternaires sur les vieux boucliers. Des lacs et des tourbières occupent ces dépressions, qui sont en quelque sorte des parcelles de toundra incluses dans la forêt.

• La forêt méditerranéenne. Dans les cinq régions de climat méditerranéen du monde (pourtour de la Méditerranée, Californie centrale, Chili central, sud-ouest de l’Afrique du Sud, sud-ouest de l’Australie) se trouve une forêt ou dominent des arbres assez fortement ramifiés, dont les feuilles sont petites, luisantes, coriaces et persistantes. On la qualifie de forêt sclérophylle (sclerophyll forest, Durilignosa). Elle correspond assez bien au régime pluviométrique méditerranéen, caractérisé d’abord par un été sec, et s’étend entre le 30e et le 45e parallèle tant dans l’hémisphère Nord que dans l’hémisphère Sud, sur les façades occidentales des continents.