Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

végétation (suite)

Formations sempervirentes et formations caducifoliées

Pour les arbres en particulier, pour tous les végétaux vivaces en général, l’évolution de la physionomie et du feuillage au cours de l’année permet d’opposer des végétaux toujours verts et d’autres qui n’ont de feuilles que pendant la saison favorable. Pour les arbres, la quasi-totalité du sous-embranchement des Gymnospermes est sempervirente (à l’exception des Mélèzes et des Cyprès chauves). Au contraire, beaucoup de genres du sous-embranchement des Angiospermes comportent à la fois des espèces sempervirentes et des espèces à feuilles caduques annuelles.

Lorsqu’il s’agit d’établir une relation logique entre les conditions climatiques au cours de l’année et la sempervirence, les avis divergent presque totalement, et les auteurs s’accordent à reconnaître cette relation logique seulement pour les régions équatoriales caractérisées par une humidité et une chaleur constantes, et conviennent que la permanence de ces conditions favorables va de pair avec la pérennité du feuillage, c’est-à-dire que les feuilles vivent plus d’une année, souvent deux à trois ans, et se renouvellent à des intervalles irréguliers, soit par rameaux, soit par arbres tout entiers. Dans ce dernier cas, il faut remarquer que ce n’est pas l’arbre, exactement, qui est sempervirent, mais la forêt constituée d’essences forestières d’espèces différentes et qui ne renouvellent pas leurs feuilles en même temps.

L’unanimité s’arrête là. Certains auteurs, constatant que la sempervirence, inégalement développée, certes, existe sous tous les climats, les plus froids comme les plus chauds, les plus secs comme les plus humides, nient une relation de cause à effet entre les climats actuels et la sempervirence. Ils pensent que celle-ci traduit une lente adaptation morphologique d’un certain nombre d’espèces à des facteurs d’évolution (donc en partie des conditions climatiques) qui appartiennent pour l’essentiel à des temps et à des conditions révolus. Aussi bien la sempervirence n’est qu’un héritage, et ce caractère est plus ou moins bien adapté aux conditions actuelles. D’autres auteurs, constatant la présence de nombreuses espèces sempervirentes non seulement dans les climats équatoriaux, mais aussi dans les climats de type méditerranéen, dans les climats continentaux, dans ceux des hautes latitudes, en montagne, en ont cherché les raisons dans les conditions climatiques actuelles. En dehors de la zone tropicale humide, ce caractère traduit toujours une adaptation à des conditions défavorables pendant une partie de l’année sans que, pour autant, la belle saison soit très favorable. Aussi, dans ces conditions, les arbres sempervirents peuvent-ils concurrencer victorieusement les arbres à feuilles caduques. Dans les régions de climat méditerranéen, la saison favorable est, en quelque sorte, coupée en deux, au printemps et à l’automne ; l’été est trop sec, et l’hiver insuffisamment chaud ; dans ces conditions, les Chênes verts, les Pins, les Cèdres, les Sapins ont souvent rejeté aux marges des espèces à feuilles caduques, tels le Chêne pubescent, le Charme-Houblon, etc. Dans les régions de hautes latitudes et en montagne, l’été paraît trop court et insuffisamment chaud pour permettre le développement d’un feuillage chaque année ; aussi des arbres à aiguilles persistantes relaient-ils vers le nord et en altitude les arbres à feuilles caduques. S’ils assimilent peu, ils peuvent le faire dès que les conditions redeviennent favorables au printemps ; d’autre part, ils supportent mieux les grands froids que la plupart des espèces à feuilles caduques tempérées.

Il faut, cependant, remarquer que quelques espèces à feuilles caduques croissent sous les climats les plus rudes du globe : vers le nord, taïga en Europe et en Asie, forêt hudsonienne au Canada ne se terminent pas par des résineux, mais par des Saules et des Bouleaux ; en Patagonie, ce sont des Hêtres (Nothofagus) qui relaient les Conifères vers le sud ; en Sibérie centrale et orientale, où régnent les hivers les plus froids du globe, c’est un Mélèze (Larix dahurica).

Au contraire des deux cas précédents, les belles forêts sempervirentes tempérées océaniques de la façade occidentale du continent américain rappellent la position écologique de la sempervirence tropicale : là aussi, avec des hivers relativement doux, même au nord, une humidité abondante et régulière, une insolation réduite par une forte nébulosité, les conditions ne sont jamais très défavorables. D’autres caractères viennent renforcer cette similitude : la formation est extraordinairement dense et exubérante ; même les arbres, poussant partout, peuvent devenir épiphytes.


Types de classification

Pour permettre la comparaison des végétations du monde, et pour les cartographies à petite échelle, de nombreux types de classification ont été proposés à partir des critères énoncés ci-dessus. Les premiers grands essais sont l’œuvre d’Allemands de la fin du xixe s. : Andreas Franz Wilhelm Schimper (1856-1901), Eduard Rübel (1876-1960)... Ils ont fait l’objet, depuis, de nombreuses modifications et améliorations. La classification établie par l’Unesco comprend cinq classes de formations (forêt fermée, forêt claire, buissons et fourrés, sous-arbrisseaux et landes basses, formations herbacées), divisées chacune en sous-classes (sempervirentes, caducifoliées, xéromorphes), ce qui porte leur nombre à quinze. Dans ces sous-classes, on distingue encore des groupes, des sous-formations... Les auteurs canadiens distinguent vingt classes de formations.

Toutefois, lorsqu’il s’agit de dresser une carte des formations végétales potentielles du monde, l’utilisation de ces savants édifices physionomiques se révèle insuffisante. L’homme, en effet, sur plus de la moitié des terres émergées, a beaucoup trop modifié la végétation originelle pour que l’image que l’on s’en fait puisse être étendue à partir des résidus, quand ils existent. Aussi a-t-on beaucoup extrapolé à partir des conditions écologiques actuelles, et d’abord des conditions climatiques. Cette extrapolation est d’autant plus délicate qu’on est en droit de supposer que, pour de vastes territoires, la destruction massive de la végétation originelle par l’homme a aussi changé les conditions écologiques.