Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

variation (suite)

Le faciès alpin, dont nous avons déjà parlé, montre la plasticité végétale ; outre les divers caractères morphologiques, les espèces annuelles de la plaine deviennent bisannuelles ou vivaces. À 1 800 m d’altitude, 94 p. 100 des plantes sont vivaces, alors que seulement 50 p. 100 le sont dans la région parisienne. Le changement de port selon les climats est une morphose courante. Des arbres de pays tempérés, introduits dans un pays chaud, modifient leur rythme de saison. À la Réunion, où une saison chaude à pluies abondantes succède à une saison fraîche et sèche, les Cerisiers, les Pêchers, les Pommiers, les Mûriers, les Chênes, les Vignes prennent un feuillage subpersistant (toutes les feuilles ne tombent pas en même temps).


Somations animales

De nombreux Mammifères colorés, plus ou moins brunâtres en été, subissent en hiver une mue du pelage, qui blanchit (Belette, Hermine, Écureuil...). Les animaux polaires restent blancs toute l’année. Le phénomène est suffisamment général pour que C. W. L. Gloger ait formulé une règle statistique établissant un rapport entre la couleur des Mammifères, la température et l’humidité. Dans les régions chaudes et humides se développent des pigmentations mélaniques, alors que dans les régions froides et sèches prédominent des colorations jaunâtres, brunâtres (déserts) devenant plus ou moins grisâtres (steppes) avec prédominance de blanc dans les régions polaires. Il en est de même pour des Oiseaux variés.

Les variations de température et d’humidité agissant sur les pupes provoquent des somations dans les dessins et les couleurs des Insectes ; elles reproduisent souvent des variétés spontanées (dimorphisme saisonnier, races géographiques).

L’alimentation exerce des effets divers sur les dimensions du tube digestif, sur la fécondité, sur la taille. Les expériences réalisées sur les Rats, les Poules, les Grenouilles montrent que le régime carné provoque l’allongement notable de l’intestin grêle et la réduction du gros intestin ; le régime végétarien entraîne un allongement du gros intestin. Une alimentation abondante et riche accroît la fécondité des Mammifères, des Oiseaux domestiques, des Insectes. L’alimentation exerce aussi une action sur la taille ; à l’action génétique s’ajoute celle du milieu ; des larves du Diptère Calliphora mal nourries donnent des pupes naines qui produisent des adultes nettement plus petits. Après plusieurs générations d’individus nains, une alimentation abondante fait apparaître des pupes et des adultes de taille normale.

Le développement musculaire, fonction de l’exercice, est aussi une somation.


Intérêt des somations

La somation correspond souvent à une adaptation à des conditions de vie particulières ; elle permet ainsi le maintien de la plante ou de l’animal dans des milieux spéciaux. Mais somation ou accommodât ne sont pas héréditaires (non-hérédité des caractères acquis) ; ils ne peuvent donc se transmettre et ne constituent que des réactions individuelles à certains facteurs. De ce fait, ils ne présentent pas de valeur évolutive. Cependant, les somations, en favorisant la survie de certains organismes, participent à l’équilibre des populations et par suite peuvent peut-être modifier le pool génique de ces populations.


Variations polygéniques

Entre variations discontinues et variations continues se placent des variations paraissant continues et qui ne le sont pas. La polygénie de certains caractères explique cette apparence ; la plupart des caractères quantitatifs (dimensions, poids, couleurs des métis) sont régis par de nombreux gènes, les uns agissant dans le sens plus, les autres dans le sens moins ; de nombreux individus intermédiaires se placent entre les deux extrêmes, ce qui donne l’illusion d’une variation continue. Le polygone de fréquence de la taille de nombreux adultes, établi en plaçant en abscisse les diverses classes de tailles et en ordonnée le nombre d’adultes de chaque classe, montre la classe qui possède une plus grande fréquence ; on l’appelle mode ; de part et d’autre du mode, le polygone est symétrique, ce qui prouve qu’il y a autant de chances pour que se manifestent les variations en plus ou en moins. Ce polygone symétrique est monomodal ; mais le polygone est parfois asymétrique et multimodal avec deux ou plusieurs modes ; cela traduit l’hétérogénéité du matériel étudié ; par exemple, la longueur des pinces du mâle de Forficula auricularia donne un polygone à deux modes correspondant à deux maximums : pince courte et pince longue. Dans tous ces caractères héréditaires, le polygénisme masque la variation discontinue.

Hugo De Vries

Botaniste et biologiste néerlandais (Haarlem 1848 - Lunteren 1935).

Professeur à Amsterdam (1877), puis à l’université de Würzburg (1897), puis de nouveau à Amsterdam jusqu’en 1918. Il est élu correspondant de l’Académie des sciences de Paris le 10 février 1913. Ses premières recherches intéressent la turgescence, la plasmolyse des cellules végétales, les tropismes et la vie cellulaire des plantes. Il formula une théorie de l’hérédité, dite « de la pangenèse intracellulaire », qui se rattache à celle des gemmules de Darwin.

Fort séduit par les diverses théories évolutives, De Vries souhaitait découvrir une plante qui présentât des transformations évolutives ; il crut l’avoir trouvée en 1886 dans une Onagracée (Œnothera Lamarckiana), originaire d’Amérique du Nord, qui poussait spontanément dans des jardins abandonnés à Hilversum. À côté de la plante typique se trouvaient des plantes en différant par plusieurs caractères, comme des sous-espèces. De 1886 à 1900, il expérimenta au jardin botanique d’Amsterdam ; sur 53 000 pieds obtenus, il en trouva 800 qui différaient de la plante type, se reproduisaient par autofécondation et se maintenaient d’une façon stable. Ces variations d’un type spécial, brusques, discontinues, sporadiques, indépendantes de l’action du milieu, étaient immédiatement héréditaires ; à ces variations, De Vries donna le nom de mutations.