Forme de composition musicale consistant à exploiter une structure de base, la transformant lors de chaque nouvelle apparition, dans sa courbe mélodique, sa tonalité, son mode, son harmonisation, etc.
Ces métamorphoses peuvent soit entretenir vis-à-vis du modèle initial une ressemblance plus ou moins distinctement perceptible par l’auditeur, soit, tirant substance d’une ou des composantes de cette structure, en transcender le prétexte dans des pages quasi autonomes.
Variants et invariants
Explicite en ce qui concerne la forme variation, cette définition se trouve naturellement restrictive eu égard aux variants et invariants dont l’omniprésence dans les domaines de la technique et de l’expression musicale est telle qu’ils ne peuvent être laissés dans l’ombre. L’invariant représentera d’une part une structure mélodique, harmonique ou rythmique obstinée — en général immuable tout au long de l’œuvre — et désignera d’autre part l’idée thématique servant d’assise à une composition, ainsi que nous le verrons plus loin. Par l’intermédiaire des variants, cet invariant subira de multiples transformations, qui, schématiquement, constitueront le principe même de développement. Creuset de la connaissance, de la réflexion, de l’imagination, de la recherche, de toute mutation et création, les variants apparaissent donc bien comme l’élément moteur de la composition musicale. En effet, en musique, le discours s’articule essentiellement autour d’un son, d’un accord, d’un timbre, d’un rythme, d’un thème, d’une forme, d’une nuance, d’un phrasé, d’un tempo, etc., autant de matériaux susceptibles de mille métamorphoses, ainsi que A. Berg* l’illustre magnifiquement dans le troisième acte de Wozzeck (invention sur un thème, sur une note, un rythme, un accord de six sons, une tonalité, enfin sur un perpetuum mobile). Ces variants se détachent plus clairement encore lorsqu’ils sont confrontés à des invariants (ostinatos) en une sorte de discipline compositionnelle rigoureuse que s’imposent les créateurs chez lesquels elle engendre les formes d’expression les plus travaillées, les plus épurées.
Vie du langage et des formes
Par ce biais, on constate aisément que le champ de la variation est illimité. Qu’ainsi il n’est pas exagéré d’avancer que toute musique est variation et seulement variation, qu’enfin c’est de ce dynamisme intrinsèque même que procèdent, en constante renaissance et perpétuel devenir, la vie du langage et celle des formes. En un mot, la vie de l’œuvre musicale. Cela explique qu’en dix siècles d’existence le constant problème du renouvellement morphologique, chaque fois posé, fut chaque fois résolu, grâce à l’extraordinaire vitalité, l’incommensurable souplesse et variété du langage musical. N’en est-il pas de même des formes toujours repensées, élargies, « variées » par ceux qui estimaient leur cadre trop étriqué, inadapté à la réception et la révélation de leur message ?
Le variant, moteur de l’imagination
Pour montrer l’importance du variant sur l’imagination et en saisir les différentes implications dans la création musicale, il suffit de prendre comme exemple l’Invention en ut majeur (BWV 772) pour clavecin de J.-S. Bach*, dont l’approche est relativement aisée. Un simple survol analytique de cette page étonnante révèle qu’elle procède intégralement de la première mesure, l’invariant, répétée non moins de trente-sept fois. Mais la variété de ses expositions soit originelles, soit renversées, de ses développements combinés à un cheminement harmonique vers les tons voisins d’ut annihile tout effet de répétition et la saturation qui pourrait en découler, et tend même à faire oublier l’élément moteur initial. Le variant apparaît bien ainsi comme le personnage agissant dans la composition, d’autant qu’il affecte plus globalement tout leitmotiv ou cellule cyclique, les imitations, les développements de sonate, de symphonie ou de fugue, toute structuration formelle, enfin tout espace modal, tonal, polytonal, dodécaphonique, sériel ou concret. Cette entité variant-imagination-création expliquerait la faveur précoce des compositeurs pour les formes à variations, qui, tel un fil d’Ariane, les guident dans le labyrinthe de la composition musicale.