Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Van Dyck (Antoine) (suite)

Les portraits

C’est dans les centaines de portraits peints durant toute sa carrière que Van Dyck se révèle le mieux : par le choix savant des poses, d’une élégance sans apprêt ; par l’art de donner une valeur expressive aux harmonies sévères ou chatoyantes du costume, aux coiffures, aux collerettes... ; par la pénétration psychologique qui définit, au moyen de la silhouette, du regard, des mains nerveuses, milieux sociaux, caractères et goûts.

Van Dyck a pratiqué, avec une égale maîtrise, trois types de portraits qui correspondent, en gros, aux trois étapes de sa maturité. Les portraits peints en Italie sont en majorité de grands tableaux décoratifs sur fond d’architecture ou de rideaux : à la splendide symphonie de rouges du Cardinal Bentivoglio (Florence, palais Pitti) succède la galerie des portraits en pied de l’aristocratie génoise, guerriers, dignitaires vêtus de noir, dames pleines de réserve donnant la main à leurs enfants. Van Dyck a découvert les portraits peints quinze ans plus tôt à Gênes par Rubens ; il en a tiré profit, avec plus de souplesse et de variété — mettant l’accent sur l’élégance des mains, présentant ses modèles, pour les grandir, comme s’il les voyait en contrebas —, mais en usant des mêmes grandes masses de couleur, où les dominantes noires et rouges s’opposent souvent. Les portraits d’Anton Brignole-Sale à cheval (Gênes), de Thomas Carignan (Turin), de la Dame génoise avec sa fille (Bruxelles) sont, entre autres, de magnifiques exemples du genre.

Les portraits anversois, particulièrement nombreux dans les années 1627-1632, sont presque toujours en buste ; la sobriété prédomine dans le vêtement, où noirs et gris tiennent un rôle majeur. À côté des dignitaires espagnols et des ecclésiastiques, les plus nombreux sont des bourgeois, familiers du peintre, amis (Jan de Wael et sa femme à Munich), collègues (les peintres Marten Pepyn à Anvers, Gaspar De Crayer à Munich, le sculpteur François Duquesnoy à Bruxelles, le musicien Henri Liberti au Prado) — détendus, cordiaux, avec une note de bonhomie qui n’exclut pas la distinction.

La période anglaise paraît plus inégale, avec une surproduction quelquefois hâtive. Mais elle apporte une note et des recherches nouvelles, un raffinement accru. Van Dyck semble avoir trouvé son climat d’élection dans cette cour libre et décontractée, nerveuse, sportive ; il n’y voit que de beaux cavaliers et des jeunes femmes romanesques. Les portraits royaux — dont les plus éblouissants sont la « grande pièce », Charles Ier, la reine Henriette d’Angleterre et leurs enfants (collection de la reine Élisabeth), et le fameux Charles Ier à la chasse du Louvre —, ceux de gentilshommes debout ou assis, avec de fréquentes échappées sur un paysage, les couples de figures en buste (Van Dyck et sir Endymion Porter, Prado), les gracieuses jeunes femmes (Mary Ruthven en robe bleue, Prado), toutes ces œuvres captent l’instant, « sauvent » l’éphémère avec la même intensité que les portraits de Vélasquez*. La palette de blancs, gris d’argent, grenats, jaunes, éclaircie par le jeu d’étoffes veloutées, les ombres chaudes, le recours aux fonds de paysage en clair-obscur donnent à certains Van Dyck de Londres une subtilité mystérieuse. On comprend la séduction exercée par le peintre, par son aisance, sa grâce parfois teintée de mélancolie, même s’il ne peut rivaliser avec Rubens comme créateur de formes et de mythes.

Aussi son influence — internationale comme sa carrière — fut-elle rapide et durable. Il domine l’école espagnole de la seconde moitié du siècle : Murillo est son tributaire et plus encore les peintres madrilènes, Carreño* et tous les portraitistes. Mais il est surtout le véritable fondateur de l’école anglaise, le créateur de cette peinture aristocratique dont Reynolds* et Gainsborough* seront les héritiers.

P. G.

 L. Cust, Anthony Van Dyck. An Historical Study of his Life and Work (Londres, 1900). / G. Glück, Van Dyck, des Meisters Gemälde (Stuttgart et Leipzig, 1931). / M. Mauquoy-Hendrickx, l’Iconographie d’Antoine Van Dyck (Palais des académies, Bruxelles, 1956 ; 2 vol.). / L. Van Puyvelde, Van Dyck (Elsevier, 1959). / H. Vey, Die Zeichnungen Anton Van Dycks (Bruxelles, 1962 ; 2 vol.). / P. Didière, Antoine Van Dyck (Meddens, Bruxelles, 1969).

Van Eyck

Peintre(s) flamand(s) du xve s.



Le problème de Hubert Van Eyck

Le pluriel « les Van Eyck » est-il de mise ? Les controverses n’ont pas manqué. Hubert a été traité de « personnage de légende » par Émile Renders, et les arguments de ce dernier sont troublants. Certes, il a existé un Hubert Van Eyck, on admet qu’il fut peintre, mais était-il comme on l’a cru longtemps le frère aîné de Jan et son devancier, c’est-à-dire le premier grand maître de l’école flamande ? L’inscription qui, sur le retable de l’Agneau mystique de Gand, lui attribue le commencement de l’ouvrage semble n’être pas originale. Quant au poème de Lucas de Heere (1534-1584) consacré au célèbre retable, il date de 1565, et aucun de ceux qui ont parlé des peintres flamands avant cette date, à commencer par Cyriaque d’Ancône (1391-1452), n’ont jamais fait mention d’Hubert. Des discussions, souvent passionnées, n’ont pas réussi à résoudre le problème. Si quelques détails biographiques ont pu être réunis sur Hubert van Eyck, qui serait mort à Gand en 1426, les œuvres qui lui furent attribuées ne relèvent que d’un ensemble de déductions et de conjectures. Jusqu’à nouvel ordre, et malgré le monument gantois élevé en l’honneur des deux frères, Jan est le seul dont une bonne partie de l’œuvre soit connue, libérée de toute hypothèse. Il a en effet signé et daté une dizaine des panneaux qui nous sont parvenus, les autres lui étant attribués avec plus ou moins de certitude. Seul de l’époque à procéder ainsi, il les a parfois marqués d’une devise : « Als ich kan », que l’on peut traduire par « De mon mieux ».


Jan Van Eyck

(Maeseyck ? v. 1390 - Bruges 1441).