Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Van Dyck (Antoine)

En néerlandais Antoon Van Dijck, peintre flamand (Anvers 1599 - Londres 1641).


Le plus grand peintre flamand du xviie s. après Rubens*, et le plus européen, familier des princes, choyé par l’aristocratie internationale, Van Dyck dut au portrait une gloire rapide, qui ne s’est jamais ternie. Mais cet aspect majeur ne doit pas faire oublier que sa brève carrière comporte une part importante d’autres œuvres, religieuses et profanes : elle est aussi féconde que précoce.

Fils d’un commerçant en soieries d’Anvers dont la nombreuse famille vit dans l’aisance, Van Dyck ne fait que des études élémentaires ; mais, à dix ans, il entre comme apprenti chez Hendrik Van Balen (1575-1632), un peintre polyvalent, qui avait séjourné à Venise. À quatorze ans, il signe un Portrait de vieillard (collection Del Monte, La Haye) d’une pâte savoureuse, d’une surprenante maîtrise, et quelques mois plus tard son Autoportrait, gracile, fier et rêveur (Académie des Beaux-Arts de Vienne). À dix-huit ans, avant d’avoir le titre de maître (qu’il obtient en 1618), il dirige, en dehors de la maison familiale, un libre atelier de camarades qui produit et vend en série des bustes d’apôtres à la manière de Rubens : solides études d’après nature, souvent truculentes, parfois d’une mélancolie pensive. Œuvres religieuses (le Saint Martin charmant de l’église de Saventhem, le Couronnement d’épines du Prado à Madrid, etc.) ou mythologiques (Silène ivre des Musées royaux de Bruxelles) lui assurent vite l’indépendance matérielle. Avec Rubens, son illustre aîné, il entretient des relations amicales : sans avoir été son élève, il travaille pour lui, reprenant en petit format, à l’usage des graveurs, certaines grandes compositions du maître — avec une perfection technique qui explique l’incertitude de certaines attributions.

Une faveur croissante semble à l’origine de son expatriation. Thomas Howard, comte d’Arundel, maréchal de Jacques Ier d’Angleterre et amateur d’art passionné, veut s’attacher le jeune peintre comme conseiller technique pour ses achats. Van Dyck se rend à Londres au début de 1621, obtient une pension du roi et part pour l’Italie, où il doit accompagner la comtesse d’Arundel. Accueilli à Gênes en novembre par des compatriotes, peintres et marchands, les frères de Wael, il passe par Rome — où il fait le portrait du cardinal Bentivoglio — pour rejoindre sa protectrice à Venise. Il la suit à Mantoue, à Milan, à Turin, puis après son départ s’installe à Gênes, où il devient le peintre préféré de l’aristocratie. Après un voyage à Palerme (1624) écourté par la peste, suivi d’un séjour à Rome — mais « les études sérieuses ne lui agréent pas », selon Joachim von Sandrart —, il demeure à Gênes jusqu’en 1627.

Revenu à Anvers, il y déploie pendant cinq ans une activité intense, peignant de grands tableaux religieux pour les églises de la ville et de la région (Gand, Termonde, etc.) et des portraits de toute la société anversoise. Il met en train une grande Iconographie — cent portraits, souvent « imaginaires », de personnages illustres — qui sera gravée d’après ses grisailles.

Il conserve, cependant, le contact avec Londres, et répond en 1632 à l’appel du roi Charles Ier. Peu après son arrivée, le voici « peintre principal » du roi, aux appointements de 200 livres, et chevalier. Le grand architecte Inigo Jones est chargé d’installer la maison de « sir Anthony Van Dyck » à Blackfriars, le roi et la reine visitent souvent son atelier.

Adopté par la société londonienne, que séduisent sa distinction et son aménité — mais conciliant les distractions mondaines avec un travail acharné —, Van Dyck semble bien fixé en Angleterre : il y épousera Mary Ruthven en 1640. Hélas, la guerre civile éloigne la Cour et tarit le Trésor : l’artiste, dont la pension et les ouvrages ne sont plus payés, cherche d’autres mécènes ; à la mort de Rubens (mai 1640), il espère hériter de ses commandes décoratives.

Il se rend à Anvers — qu’il n’avait revu qu’une fois en 1634 et où il est fêté par la corporation des peintres —, prospecte la cour de l’infant à Bruxelles, puis celle de France : il est à Paris au début de 1641. Mais sa santé, qui laissait à désirer, empire brusquement. Il regagne Londres pour assister à la naissance de sa fille, faire son testament, et mourir le jour du baptême...

Ainsi s’achève, brutalement, le destin de ce « prince charmant » qui a brillé dans tous les genres de la peinture, sans oublier les eaux-fortes, peu nombreuses, mais admirables de liberté et de luminosité (Christ au roseau, Lucas Vorsterman), ni ces dessins, dont l’étude est récente, parmi lesquels se détachent de remarquables paysages (British Museum).


Les compositions religieuses et mythologiques

Van Dyck se situe certes dans l’orbite de Rubens, comme tous les Flamands de son siècle, mais il n’est pas son satellite. Comme lui essentiellement coloriste et doué d’une touche ample et spontanée, il reprend souvent les thèmes et les compositions du maître (Calvaire de Saint-Michel de Gand et Coup de lance de Rubens), comme il le fait avec Titien* dans le Couronnement d’épines du Prado ou le Jupiter et Antiope de Gand. Mais Van Dyck conserve toujours son timbre propre : moins humaniste et universel que Rubens, il est aussi moins débordant de vie, moins musclé : son art est plus nerveux, son chant plus discret.

Même dans les grands tableaux d’autel de la seconde époque anversoise (Madone du rosaire de Palerme, achevée après le retour d’Italie, Extase de saint Augustin de Saint-Augustin d’Anvers, Adoration des bergers de Notre-Dame de Termonde, etc.), les ordonnances restent plus simples et paisibles que chez Rubens. Et, surtout, Van Dyck répugne à la violence, fuit la cruauté des supplices (le placide Martyre de saint Jacques de Valenciennes). S’il conserve l’emphase baroque, c’est sur un mode plus élégiaque que dramatique. Ses chefs-d’œuvre religieux sont ces Vierges de pitié du musée des Beaux-Arts d’Anvers, aux courbes suaves, aux gestes savamment rythmés dans une lumière de crépuscule, et ces « Intimités chrétiennes » aux accords moelleux de bleus, d’ocres et de carmin, où la Vierge se penche sur l’Enfant avec une tendresse inquiète (Vierge à la crèche de la galerie Corsini à Rome) : Van Dyck annonce Murillo* — si ce n’est parfois l’Italien Carlo Dolci (1616-1686). Dans l’ordre profane, les nus sont moins opulents, plus voilés (Renaud et Armide, Louvre) que ceux de Rubens ; les paroxysmes font défaut (Mort de Cléopâtre, Sibiu, Roumanie).