Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Van de Velde (les)

Famille de peintres néerlandais qui comprend principalement : esaias, willem le Vieux, adriaan et willem le Jeune.


Esaias Van de Velde (Amsterdam 1590 ou 1591 - La Haye 1630).

Entre 1610 et 1618, il séjourne à Haarlem*, où se poursuit une intense activité picturale. Il devient ensuite peintre de la cour du prince Maurice Nassau à La Haye. D’abord peintre de genre et de sites urbains, il donne toute la mesure de son talent dans le paysage et se dégage de l’ordonnance classique chère à Gillis Van Coninxloo (1544-1607), qui a probablement été son maître. Grâce aux croquis et aux dessins qui précèdent le travail en atelier, il inaugure une manière nouvelle fondée sur l’observation directe du motif, qu’il traduit avec une précision sans faille ; il est responsable de l’apport réaliste dans la peinture néerlandaise. Pour la première fois apparaissent ces ciels immenses de la plaine hollandaise, qui confèrent une étonnante ampleur à des œuvres de dimensions modestes. Les arbres, l’eau toujours présente complètent ces visions qui retracent fidèlement le visage d’un pays. Le Bac (1622, Rijksmuseum, Amsterdam) est l’un des meilleurs exemples de cette conception picturale qui deviendra une tradition. Ses œuvres tardives sont caractérisées par la fluidité des touches et par une certaine monochrome que l’on retrouve chez son élève Van Goyen*, qui poursuit brillamment la voie tracée.

Willem Van de Velde dit le Vieux, frère du précédent (Leyde 1611 - Londres 1693).

Établi à Amsterdam depuis 1635, puis à Londres à partir de 1673, où il est peintre de la cour de Charles II, il est, comme son frère, un remarquable dessinateur. Peintre de marines, il y ajoute un aspect nouveau : le combat naval. Ses compositions, très animées, évoquent les épisodes des nombreuses batailles livrées par les Hollandais aux Anglais. Il ne se permet aucune fantaisie. Chaque tableau est un document se référant à un combat, avec date à l’appui, et chaque élément est rendu avec une précision scrupuleuse : les vaisseaux avec tous leurs agrès, les canons, les chaloupes, etc.

Adriaan Van de Velde, fils et élève du précédent (Amsterdam 1636 - id. 1672).

À Haarlem, il a été élève de Jan Wynants (v. 1630-1684) et peut-être de Philips Wouwerman (1619-1668). À l’inverse des grands paysagistes de son pays, qui réduisent l’homme à un personnage minuscule ou le négligent tout à fait, il peuple ses compositions — influencées par les pastorales italiennes — de nombreuses figures humaines et d’animaux proches de ceux de Paulus Potter (1625-1654). Mais, malgré une parfaite maîtrise technique, aucun accent personnel n’émane de ses paysages aux lumières nacrées.

Willem Van de Velde dit le Jeune, frère du précédent (Leyde 1633 - Londres 1707).

Élève de son père et de Simon de Vlieger (v. 1600 - 1653), il travaille d’abord à Amsterdam, puis à Londres (1673), où il devient, comme son père, peintre de la cour du roi d’Angleterre Charles II (1677). Sur ordre des États généraux de Hollande, il accompagne la flotte hollandaise et assiste à de nombreux combats navals, dont il fait de remarquables croquis. Ces dessins, où se mêlent souvent le crayon et le lavis, ont une puissance d’évocation supérieure à celle des tableaux, plus méticuleux. Les détails, sans y être négligés, se fondent dans des évocations étonnantes, où, avec un minimun de moyens, apparaissent des navires poussés par le vent sur une mer tantôt démontée, tantôt calme miroir, à peine ridée. Plus imaginatif et plus divers que son père, abandonnant parfois le combat naval pour la simple marine, Willem Van de Velde le Jeune y fait preuve de la même volonté documentaire, mais il affectionne alors les ciels à l’horizon incertain, dont il rend admirablement l’atmosphère et les lumineuses subtilités.

R. A.

 K. Zoege von Manteuffel, Die Künstlerfamilie Van de Velde (Bielefeld, 1927). / H. P. Baard, Willem Van de Velde de Onde, Willem Van de Velde de Jonge (Amsterdam, 1942).

Van de Woestijne (Karel)

Écrivain belge (Gand 1878 - Zwijnaarde 1929).


Les premiers vers de Van de Woestijne attirèrent rapidement l’attention. Les circonstances s’y prêtaient ; Bruxelles participait au mouvement européen, aussi bien dans le domaine de l’architecture (H. Van de Velde), de la peinture (J. Ensor) que dans celui de la littérature, représentée par la revue la Jeune Belgique, d’expression française, et par Van Nu en Straks (Aujourd’hui et demain), de langue néerlandaise, à laquelle collabora Van de Woestijne dès 1897. Né à Gand dans une famille de commerçants aisés, le jeune Karel, précoce et solitaire, sait lire à l’âge de trois ans et dévore bientôt tout ce qu’il trouve dans la bibliothèque familiale, ne prenant que rarement part aux jeux de ses jeunes frères. Il fait de bonnes études de philologie germanique à l’université, se lie d’amitié avec Stijn Streuvels (1871-1969) et Herman Teirlinck (1879-1967) et se tourne, contrairement à ses compatriotes Maeterlinck et Verhaeren, vers la langue néerlandaise. Il passe en compagnie de son frère Gustave (1881-1947), qui est peintre, cinq ans à Sint-Martens-Latem, rendez-vous de nombreux artistes. Par la suite, il connaîtra quelques avatars : journaliste, fonctionnaire au ministère des Beaux-Arts, il enseignera la littérature néerlandaise à l’université de Gand pendant les dernières années de sa courte vie, apparemment sans relief, sans conflits, mais intérieurement tourmentée et désespérée. Les poèmes publiés en 1903 par Van de Woestijne sont accueillis par un vaste public. Penché sur son état d’âme, incapable d’agir, l’auteur exprime sa lassitude, son angoisse et la lutte continuelle entre la sensualité et l’esprit qui se livre en lui, dans Het vaderhuis (la Maison paternelle). Ces confessions symboliques sont drapées dans une langue lourdement rythmée et raffinée où se trouvent de nombreuses tournures et expressions flamandes qui en augmentent encore la musicalité, née du jeu des consonnes, mais aussi des voyelles sourdes, violentes ou chaudes. Prisonnier du désir maladif de constater sa propre décadence, Van de Woestijne en est écrasé. Il supplie Dieu dans ses prières de lui épargner le réveil du lendemain, la mort étant la seule issue. Quelques rares moments de sérénité et de bonheur naturel (De gulden schaduw [l’Ombre dorée, 1910]) sont suivis d’une détresse plus grande encore. Ces sentiments font peu à peu place à une spiritualité grandissante, presque mystique, dans De modderen man (l’Homme de boue, 1920), God aan zee (Dieu devant la mer, 1926) et Het bergmeer (le Lac de montagne, 1928), où le poète atteint le sommet de son art, se rapprochant de la divinité au prix d’efforts surhumains, formant un contraste saisissant avec Gezelle*, dont la foi était simple et paisible. La poésie épique de Van de Woestijne : Interludiën (Interludes, 1912-1914), Zon in den rug (le Soleil dans le dos, 1924), traite de sujets mythologiques dans un style dense qui rappelle l’âge d’or des rhétoriqueurs et l’éclat de la Renaissance. Sa prose, selon certains supérieure aux poèmes, est d’inspiration biblique, folklorique ou symbolique dans Goddelijke verbeeldingen (Imaginations divines, 1908) et De bestendige aanwezigheid (la Continuelle Présence, 1918), frappante par sa simplicité extrême dans De boer die sterft (le Paysan qui meurt), qui est une version modernisée de l’Elckerlijc médiéval. Ce récit renferme quelques-unes des plus belles pages de la littérature flamande. Évitant tout détail accessoire, tout élément superflu, l’auteur montre le paysan dans sa solitude face à la mort. Devant ses yeux se présentent les joies que ses cinq sens lui ont procurées pendant la vie, les femmes qu’il a aimées. Une remarquable adaptation de l’Iliade, un roman commencé en collaboration avec Herman Teirlinck et finalement achevé par Van de Woestijne en 1928, De leemen torens (les Tours d’argile), soulignent la diversité du talent de l’écrivain. Également critique d’art et de littérature, il se révèle une personnalité de premier rang, un connaisseur objectif et subtil : Kunst en geest in Vlaanderen (l’Art et l’esprit en Flandre, 1911) est un recueil de critiques contenant d’une part des articles sur différents personnages flamands, dont Verhaeren, d’autre part des éléments autobiographiques d’où ressort la forte attraction qu’exerce la mer sur l’auteur, force purificatrice déjà apparue dans l’Ombre dorée. L’écrivain Albert Kuyle (1904-1958) dira à la mort de Van de Woestijne, rendant hommage à sa sombre splendeur : « Ne lui érigeons pas de statue, donnons son nom à un fleuve. »

W.-H. B.

 M. Gijsen, Karel Van de Woestijne (Anvers, 1921). / U. van de Voorde, Karel Van de Woestijne (Bruxelles, 1934).