Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
U

U. R. S. S. (Union des républiques socialistes soviétiques) (suite)

Un effort particulier porte sur l’Oural et la Sibérie occidentale. Des villes nouvelles sont créées, et l’émulation socialiste suscite l’apparition de dizaines de milliers d’ouvriers de choc, les oudarniki. En même temps, pour fixer la main-d’œuvre sur les lieux de travail, les autorités soviétiques prennent des mesures draconiennes destinées à combattre l’absentéisme ou les changements trop fréquents d’entreprises. On instaure un livret de travail et on lutte contre la détérioration des machines.

Le commerce privé et la petite industrie disparaissent durant cette période ; cependant, des coopératives (artel) subsistent dans quelques professions, par exemple dans l’industrie textile. L’Union soviétique se transforme profondément du fait des progrès de l’instruction et de l’urbanisation, conséquences de l’industrialisation.

Mais, parallèlement, la politique soviétique s’alourdit. Dans la tempête qui a secoué l’Union soviétique en 1930 et qui a menacé son existence même, la terreur s’est renforcée. Le rôle de la police politique (la Guépéou) s’est encore accru. Des camps de travail forcé ont été ouverts en grand nombre et l’on commence à utiliser la main-d’œuvre concentrationnaire pour la construction de grands travaux (par exemple le canal Staline, mer Blanche-Baltique, mis en service en 1933).

L’opposition aux méthodes de Staline grandit dans le parti lui-même et au sein de sa direction. L’affaire la plus sérieuse est celle de Rioutine, qui organise une véritable conspiration pour écarter Staline du pouvoir et élabore une plate-forme politique d’opposition. Un nombre important de dirigeants du parti refusent de suivre Staline sur la voie de l’aggravation de la terreur et d’approuver l’exécution de Rioutine ; sans remettre en cause l’orientation de 1930 (industrialisation et collectivisation des terres), ils souhaitent que l’on procède avec plus de lenteur et de calme. Le succès d’Hitler en Allemagne en janvier 1933 inquiète les bolcheviks en même temps qu’il constitue un échec sérieux pour le Komintern (l’Internationale communiste) et la politique de Staline. Celui-ci, sans renoncer à ses objectifs, doit reculer quelque peu. La plupart des anciens opposants reviennent alors de déportation et reçoivent des postes responsables. L’U. R. S. S. entre à la Société des Nations en 1934. Cette même année, la Guépéou est supprimée et remplacée par le Commissariat du peuple aux Affaires intérieures (NKVD).

Le XVIIe Congrès, du début de l’année 1934, marque un moment important dans la réalisation de l’union du parti, alors que s’accumulent les périls extérieurs (danger hitlérien et attaques japonaises) et que subsistent les difficultés intérieures. Les louanges à Staline abondent dans les discours, mais, derrière cette façade, nombreux sont les dirigeants qui souhaitent limiter les pouvoirs du secrétaire général, voire le remplacer à ce poste, comme Lénine l’avait conseillé douze ans auparavant. Les anciens opposants participent au Congrès et interviennent avec une certaine autorité. Staline, au terme du Congrès, reste secrétaire général, mais ses pouvoirs sont quelque peu limités.


Du XVIIe Congrès à la guerre (1934-1941)

À la suite du XVIIe Congrès, un nouveau dirigeant voit son étoile monter : il s’agit de Kirov (Sergueï Mironovitch Kostrikov [1886-1934]). Membre du Comité central depuis 1923 et du bureau politique depuis 1930, Kirov est secrétaire du parti à Leningrad quand il est élu secrétaire du Comité central au XVIIe Congrès : il devient ainsi le second de Staline et son successeur possible.

Le 1er décembre 1934, il est assassiné dans son bureau à Leningrad par un communiste du nom de Nikolaïev. Les raisons du crime sont obscures, mais nombre de circonstances qui entourent cet assassinat montrent précisément le rôle du NKVD. Il n’y a pas de preuves selon lesquelles Staline aurait été l’instigateur de l’attentat, mais le crime lui profite. À partir de décembre 1934, une vague de terreur s’abat sur l’Union soviétique, et d’abord sur le parti et ses dirigeants. Staline est débarrassé d’un rival dangereux et rejette la responsabilité du crime sur les adversaires de sa politique terroriste.

En cinq ans, de 1935 à 1939, des centaines de milliers de communistes trouvent ainsi la mort dans des conditions dramatiques. Certains d’entre eux sont traduits devant une haute cour siégeant à Moscou. Sous la pression de tortures physiques et morales (reconnues en 1956 lors du XXe Congrès du parti communiste par Khrouchtchev), les accusés — la plupart des dirigeants de la révolution d’Octobre — avouent des crimes imaginaires, rendant ainsi crédibles les accusations portées par Staline contre tous ceux qu’il fait arrêter et tuer, et cela d’autant plus que les complots de l’impérialisme contre l’U. R. S. S. sont une réalité. Zinoviev, Kamenev, Boukharine, et des dizaines de membres du Comité central de 1921 sont exécutés ; 98 des membres du Comité central élus au XVIIe Congrès (sur 139), 1 108 délégués au XVIIe Congrès (sur 1966), 5 membres du Politburo, des dizaines de secrétaires régionaux, des directions entières des partis communistes des républiques fédérées périssent dans ces années de terreur. De nombreux commissaires du peuple, des officiers supérieurs par milliers (dont Toukhatchevski*, V. K. Blücher [Blioukher], 13 commandants d’armée sur 15, 110 généraux de division sur 185) trouvent également la mort. Disparaissent aussi de nombreux responsables économiques, des intellectuels par milliers, des écrivains (Babel, Pilniak, Mandelstam), des historiens (Knorine), des philosophes, des juristes (Ievgueni Bronislavovitch Pachoukanis [1891-1938]), des spécialistes des sciences de la nature. Les camps de travail forcé reçoivent des milliers de déportés, qui sont utilisés à de grands travaux (construction de canaux, de voies ferrées, d’immeubles, extraction de matières premières, exploitation du bois). Faute d’informations précises du côté soviétique, on ignore le nombre de déportés et celui des victimes, et l’on ne peut émettre que des hypothèses, mais le chiffre de 10 millions de déportés (dont la moitié disparaîtront du fait des conditions de vie difficiles dans les camps) est un chiffre moyen et sans doute pas très éloigné de la réalité.