Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
U

U. R. S. S. (Union des républiques socialistes soviétiques) (suite)

Chargé de l’« appareil du parti » et des nominations des dirigeants, il en profite pour asseoir encore plus son autorité au lendemain de la maladie de Lénine. Avec Zinoviev (Grigori Ievseïevitch Radomyslski, 1883-1936) et Kamenev (Lev Borissovitch Rosenfeld, 1883-1936), il constitue un triumvirat (une « troïka »). Dès 1923, une opposition se manifeste, qui prend le relais des groupes constitués à l’intérieur du parti dès 1920 (par exemple celui de l’« opposition ouvrière »). En octobre 1923, 46 militants responsables envoient une lettre publique au Comité central pour demander plus de démocratie et une politique économique plus énergique du point de vue de l’industrialisation. Trotski appuie ces demandes, et le Comité central reconnaît que l’on peut améliorer le fonctionnement démocratique du parti.

Staline promet d’être plus patient, quand, après la mort de Lénine, la veuve de ce dernier, Nadejda Kroupskaïa, communique au Comité central les actes rédigés par son mari et, en mai 1924, le XIIIe Congrès décide de le maintenir au secrétariat général du parti.

Dans les discussions qui se déroulent de 1924 à 1927, Staline, soutenu par N. I. Boukharine*, développe l’idée — populaire chez les paysans — qu’il faut « construire le socialisme dans un seul pays », ce qui signifie la paix à l’extérieur. L’échec de la révolution en Europe rend inévitable ce mot d’ordre. Contre Staline, l’« opposition », qui se renforce du fait du ralliement de Kamenev et de Zinoviev, ne peut que mener un combat d’arrière-garde et le perdre. Peu à peu, isolée dans le pays, elle est conduite à organiser un véritable parti dans le parti, ce qui facilite sa propre élimination. Trotski perd son poste de commissaire du peuple à la Guerre en 1925 et, en novembre 1927, il est exclu du parti, ainsi que Zinoviev et plusieurs dizaines d’autres militants responsables.

Le pouvoir de Staline sort renforcé de cette bataille interne, d’autant plus que la NEP est marquée par des succès économiques incontestables : l’agriculture revient à peu près à son niveau de 1913. La petite et la moyenne exploitation dominent dans les campagnes ; cependant, les paysans les plus à l’aise, les koulaks (du mot russe qui signifie « poing »), profitent plus de l’expansion agricole que les paysans sans terres et les ouvriers agricoles. L’industrie progresse également, plus lentement jusqu’en 1929, plus rapidement ensuite. L’arriération culturelle recule du fait des progrès de l’enseignement et de la lutte de masse contre l’analphabétisme.

Malgré ces succès, la situation de l’Union soviétique reste précaire. Sur le plan international, celle-ci continue à être isolée. Sur le plan économique, elle ne peut compter que sur ses propres forces. Sur le plan politique, le poids de la paysannerie moyenne demeure prépondérant : koulaks et nepmen se sont enrichis en profitant de la liberté de commerce.

Au XVe Congrès du parti communiste (1927) est décidé le développement de la collectivisation, qui entraîne des mesures sérieuses contre les profits des koulaks. Cependant, un grand nombre de petits ou moyens paysans prennent peur de mesures qui ne sont pourtant pas dirigées contre eux ; le blé disparaît des marchés, et le gouvernement soviétique est amené à prendre des mesures de plus en plus autoritaires.

C’est alors que Staline amorce un véritable tournant dans la politique jusqu’alors suivie par le parti. Il reprend largement à son compte les orientations proposées par l’« opposition » les années précédentes ; le rythme de l’industrialisation doit s’accroître, et l’accumulation socialiste primitive se réalisera grâce aux fonds prélevés sur l’agriculture. Cela implique une collectivisation accélérée des terres ; en effet, il n’existe alors qu’une faible proportion de kolkhozes (coopératives de production) et de sovkhozes (fermes d’État).

Le premier plan quinquennal (1928/29-1932/33), élaboré selon les directives du XVe Congrès du parti, est adopté en 1929 après de nombreuses discussions. Staline fera relever à plusieurs reprises les objectifs du développement industriel et de la collectivisation des terres.


Le Grand Tournant (1929-1934)

Cette orientation reçoit l’appui de la plupart des anciens opposants, à l’exception de Trotski. Par contre, de nombreux dirigeants, parmi lesquels Boukharine, président de l’Internationale communiste, Rykov, président du Conseil des commissaires du peuple, et Mikhaïl Pavlovitch Tomski (1880-1936), président du Comité central des syndicats, critiquent les méthodes utilisées pour collectiviser les terres et condamnent la terreur dirigée contre les paysans moyens ainsi que le pouvoir personnel de Staline.

Dans la seconde moitié de 1929, la collectivisation massive des terres est mise en œuvre. De proche en proche, des régions entières sont collectivisées, souvent par la force. Volontaire dans son principe, la collectivisation est, en fait, imposée à la plupart des paysans moyens. Le rôle de la police politique (la Guépéou [GPU] depuis 1922) est essentiel. Staline déclare, le 27 décembre 1929, que « le moment est venu de liquider les koulaks en tant que classe ». Des centaines de milliers de koulaks sont déportés avec leurs familles en Sibérie orientale, et de très nombreux paysans moyens prennent le même chemin. Les résultats sont catastrophiques : de nombreux paysans s’insurgent contre la terreur, tuent leur cheptel, et la production agricole connaît une baisse brutale.

C’est pourquoi le parti communiste condamne les excès de la collectivisation.

Le 2 mars 1930, la Pravda publie un article de Staline, « le Vertige du succès », dans lequel ce dernier reconnaît les excès de la collectivisation et demande que l’on cesse les abus. Les chiffres sont éloquents : au 1er mars 1930, 14 260 000 paysans (avec leurs familles) sont entrés dans les kolkhozes ; au 1er mai 1930, 5 999 000 seulement y sont restés. La collectivisation reprend au début de 1931, mais beaucoup plus lentement. En novembre 1931, cependant, 15 millions de paysans ont rejoint les kolkhozes avec leurs familles (soit 52,7 p. 100 des familles paysannes). Ce n’est qu’en 1937 que la collectivisation devient quasi totale (93 p. 100). Le statut modèle des kolkhozes, adopté en 1930, est modifié en 1935 ; il laisse aux kolkhoziens la jouissance d’un lopin de terre individuel (de 25 à 50 ares), qui permet aux paysans de produire 21,5 p. 100 de la production agricole totale du pays sur 3,3 p. 100 de la superficie cultivée en 1938 (dont 55 p. 100 des vaches et plus de la moitié des fruits et des légumes).

Néanmoins, la baisse de la production agricole est considérable, en particulier dans le domaine de l’élevage. Elle met l’Union soviétique au bord de la famine dans les années 1931 et 1932. Il y aura même des cas de disette grave dans certaines régions.

Quant à l’industrie, elle connaît des succès incontestables, du moins en ce qui concerne l’industrie lourde, car l’industrie légère piétine, encore que, dans l’ensemble, les résultats obtenus aient été quelque peu en retrait par rapport aux objectifs fixés par Staline. Le premier plan quinquennal, achevé en 1932, voit progresser la production énergétique et sidérurgique.