Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
U

U. R. S. S. (Union des républiques socialistes soviétiques) (suite)

Les armées blanches de Sibérie

Au lendemain du traité de Brest-Litovsk (3 mars 1918), il avait été convenu qu’un corps de 50 000 Tchèques, formé à la demande de Masaryk en Russie avec des prisonniers de l’armée autrichienne, serait transféré sur le front français via Vladivostok. Sur l’intervention des Allemands, les bolcheviks décident en mai 1918 de désarmer les Tchèques, ce qui oblige ceux-ci à se frayer un passage par la force sur le Transsibérien. Dispersés le long de la voie ferrée, ils sont rejoints durant l’été de 1918 par les Cosaques de l’Oural et diverses formations de Russes blancs, dont un détachement entre le 25 juillet à Iekaterinbourg (auj. Sverdlovsk), huit jours après le massacre du tsar et de sa famille. Ainsi se forme une armée hétéroclite de 120 000 hommes qui occupe Kazan en août. En novembre 1918, ces forces renversent le directoire socialiste d’Omsk et confient le pouvoir à l’amiral Aleksandr Vassilievitch Koltchak (1873-1920), ancien commandant de la flotte de la mer Noire dont Denikine reconnaît aussitôt l’autorité. En 1919, après avoir remporté des succès (janvier-mars), Koltchak doit faire face à une grande offensive de l’armée rouge commandée par Kamenev (avril), tandis que les Tchèques adoptent sur ordre du gouvernement de Prague une attitude de neutralité. L’amiral doit alors entreprendre un vaste mouvement de retrait en direction du Pacifique avec des troupes qui se décomposent de plus en plus. Abandonné de tous, il résilie ses fonctions le 4 janvier 1920, mais, livré par les Tchèques aux bolcheviks, il est fusillé à Irkoutsk le 7 février. Seuls quelques éléments de ses troupes atteindront Vladivostok, alors occupé par les Japonais.

L’armée blanche des pays baltiques

Ancien chef de l’armée du Caucase, le général Nikolaï Nikolaïevitch Ioudenitch (1862-1933) organise en Estonie en 1919 une petite armée dite du « Nord-Ouest » avec l’appui des Anglais. Après que les pays baltiques, devenus indépendants, eurent traité avec Lénine, Ioudenitch lance ses troupes dans une attaque désespérée contre Petrograd, dont elles atteignent la banlieue en octobre 1919. Violemment contre-attaque par l’armée rouge, il doit faire retraite précipitamment et repasser la frontière avec ses troupes, qui sont internées en décembre 1919.

L. A. et P. D.


La période de la NEP (1921-1929)

La Nouvelle Politique économique (Novaïa Ekonomitcheskaïa Politika [NEP]) est décidée en mars 1921 au Xe Congrès du parti bolchevik. Elle signifie l’abandon du « communisme de guerre ». Les réquisitions sont supprimées, le commerce intérieur devient libre, mais l’État garde le monopole du commerce extérieur. La petite industrie est dénationalisée, l’héritage — dans des limites précises — rétabli, et l’on décide même d’accorder des concessions aux sociétés étrangères qui en feraient la demande.

Lénine estime qu’étant donné la situation de la Russie soviétique en 1921 l’édification du socialisme sera une entreprise de longue durée. Il faut d’abord développer l’industrie sur une base moderne, créer une grande agriculture mécanisée et collective sur la base de l’adhésion volontaire des paysans aux coopératives de production, opérer une révolution culturelle qui doit se traduire par le développement de masse de l’enseignement et de la culture autant que par la transformation des attitudes et des mentalités. Or, la Russie de 1921 est un pays où l’arriération culturelle est très profonde et où prédomine une population de paysans moyens. Le prolétariat a presque totalement disparu, et les intellectuels, déjà peu nombreux avant la révolution, ont fui en masse le pays depuis 1917.

Pour affronter ces tâches complexes et de longue haleine, les bolcheviks ne peuvent guère compter sur l’aide extérieure. Les grands pays capitalistes continuent à boycotter l’Union soviétique : la France reconnaît l’U. R. S. S. en 1924, mais les États-Unis ne le feront qu’en 1933. Les grandes firmes étrangères refusent de profiter des concessions, et, tout autour de la Russie soviétique, un véritable « cordon sanitaire » est mis en place ; des régimes militaires violemment anticommunistes veillent aux frontières de l’Union soviétique. Seule l’Allemagne, mécontente du traité de Versailles, signe avec les soviets le traité de Rapallo (avr. 1922), qui ouvre la voie à une coopération économique et militaire entre les deux pays.

Maîtres du pouvoir et l’exerçant totalement, les bolcheviks n’en sont pas moins faibles. Ils sont 515 000 à la fin de 1921, après l’épuration qui a permis d’exclure les « carriéristes », mais la plupart des membres du parti ont adhéré après la révolution d’Octobre. Des bolcheviks d’avant février 1917 — ils étaient 24 000 environ —, il n’en reste plus guère que 10 000. Seulement 8 p. 100 des bolcheviks ont une éducation secondaire et 5 p. 100 une instruction supérieure. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, qu’on assiste en 1922 à un retour en masse des anciens fonctionnaires tsaristes.

Quant à la direction du parti bolchevik, elle reste faible et divisée, affaiblie encore plus par la maladie de Lénine. Frappé d’une première attaque en mai 1922, en partie rétabli en octobre 1922, ce dernier est définitivement paralysé en mars 1923 et meurt le 21 janvier 1924. Dans ses derniers textes publiés à l’époque ou destinés seulement aux dirigeants du parti et publiés après sa mort, on trouve une critique sévère du fonctionnement du régime soviétique et de l’appareil d’État, du parti et des dirigeants.

Selon Lénine, la Russie soviétique est un État ouvrier à déformation bureaucratique. « C’est le vrai type de notre ancien appareil d’État, écrit-il, le passé a été bouleversé et non aboli. » Quant au parti lui-même, il est également menacé par la bureaucratie. Pour préserver sa pureté, il avait été décidé que les postes dirigeants seraient réservés aux vieux bolcheviks. Lénine craignait en effet le danger d’une scission du parti et reprochait à de nombreux dirigeants leur attitude nationaliste « grand-russe » dans leurs rapports avec les nationalités non russes, par exemple avec les Géorgiens. Dans son « testament » (en réalité, des notes dictées à sa secrétaire à la fin de 1922), il propose d’enlever à Staline son poste de secrétaire général, car il le juge en partie responsable du développement de la bureaucratie et de cette politique nationaliste grand-russe. Tout en estimant les capacités de Trotski (« peut-être l’homme le plus capable du Comité central »), il déclare se méfier également « de son goût excessif pour le côté administratif des choses ».

Lénine écarté des affaires, la lutte pour la succession se complique en raison de l’acuité des problèmes politiques et de la difficulté persistante à résoudre les problèmes économiques et sociaux.

Staline, élu secrétaire général en avril 1922, à l’issue du XIe Congrès du parti communiste, cumule les fonctions : membre du bureau politique et du bureau d’organisation, commissaire du peuple aux Nationalités et à l’Inspection ouvrière et paysanne, il détient, selon l’expression de Lénine, un « pouvoir illimité ».