Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Undset (Sigrid)

Femme de lettres norvégienne (Kalundborg, Danemark, 1882 - Lillehammer 1949).


Fille d’un éminent archéologue norvégien, elle se passionne très tôt pour l’histoire du Moyen Âge. Son père meurt lorsqu’elle a onze ans ; elle grandit à Oslo, où, dès l’âge de seize ans, elle est contrainte de gagner sa vie comme employée de bureau. Pendant ses loisirs, elle consacre de longues heures à l’étude des légendes médiévales et des sagas. Mais elle se sent aussi des attaches profondes avec la capitale norvégienne et elle comprend les problèmes du monde contemporain tels qu’ils se posent à la ville. Elle épouse en 1912 le peintre Anders Svarstad ; ils divorceront en 1925.

Sigrid Undset est tout d’abord amenée à décrire ce qui l’entoure et expose surtout le relâchement des liens familiaux. Mais ce n’est pas la société qui, à son avis, est responsable : ce sont les individus eux-mêmes. Après Madame Martha Oulie (roman publié en 1907), dont l’héroïne est le modèle de la femme qui mérite son sort, et les deux nouvelles de l’Âge heureux, écrites l’année suivante, paraît en 1911 son premier chef-d’œuvre, Jenny. L’auteur y raconte la lutte tragique d’une femme qui cherche à réaliser (en vain) son rêve d’amour et elle fait de ce roman une étude psychologique très pénétrante.

Les nouvelles groupées sous le titre de Destins pauvres, publiées en 1913, sont le signe que les thèmes de la femme et du foyer, de la mère et de l’enfant sont ancrés dans son œuvre. À partir de Printemps (roman, 1914), c’est d’ailleurs l’enfant qui, de plus en plus, vient résoudre la question du bonheur, et notamment dans les nouvelles de 1918 : les Vierges sages. Les essais de Point de vue d’une femme (1919) retracent son évolution : si elle reconnaît un certain droit à l’émancipation, elle entend préserver les intérêts du foyer et des enfants.

Ce sont, dans l’ensemble, les mêmes conflits qui étayent les romans historiques, et le réalisme est d’autant plus frappant que le Moyen Âge n’a pour elle plus de secrets. Kristin Lavransdatter, qui paraît de 1920 à 1922, est une trilogie ayant pour cadre la Norvège du xive s. : le premier volume, intitulé la Couronne, évoque les jeunes années de Kristin et la lutte qu’elle mène contre son père pour épouser Erlend, l’homme qu’elle aime ; le deuxième, la Femme, traite des rapports et des heurts entre elle et son mari, tandis que le dernier, la Croix, apporte en conclusion l’image touchante de Kristin, qui, vieillie et humiliée, mais toujours forte, aide à soigner les malades souffrant de la peste dont elle-même sera victime. Les quatre tomes d’Olav Audunssøn, publiés entre 1925 et 1927, dont l’action se déroule à la fin du xiiie s., sont aussi l’histoire tragique d’un amour et d’un mariage, dominée par le personnage bien campé du héros. En 1928, l’œuvre de Sigrid Undset est couronnée par la remise du prix Nobel de littérature.

Cependant, sa conversion au catholicisme, dès 1924, est l’aboutissement logique de sa pensée. Non seulement ses nombreux essais, parmi lesquels il faut citer les deux séries d’Étapes, qui paraissent en 1929 et en 1933, ainsi que Saints norvégiens (1937), mais encore ses nouveaux romans contemporains reflètent ses convictions religieuses : Gymnadenia et le Buisson ardent, parus en 1930, qui sont également le récit d’une conversion ; Ida Elisabeth (1932), dans lequel une mère, pour le bien de ses enfants, se force à rester avec son mari, un être misérable ; l’Épouse fidèle (1936), qui reprend sous une autre forme, avec peut-être moins de fraîcheur artistique, l’histoire de la femme résignée, comme l’était l’héroïne de Printemps.

Dans Madame Dorthea (1939), Sigrid Undset décrit la fin du xviiie s. avec autant de pénétration que le Moyen Âge ou les Temps modernes. Ses portraits d’enfants y sont particulièrement attachants. Elle conte par ailleurs les impressions de sa propre enfance dans l’ouvrage autobiographique intitulé Onze Années (1934).

Entre-temps, elle prend ouvertement parti contre le nazisme dans une série d’essais et d’articles virulents. Quand, en 1940, les Allemands occupent la Norvège, elle doit se réfugier aux États-Unis. Sa fuite par la Suède et la Russie est au centre de Retour à l’avenir (1942) ; et en 1943 paraît un livre de souvenirs qui porte le titre de Jours heureux en Norvège. Sigrid Undset rentre en Norvège en 1945 où elle trouve la force de terminer son importante biographie de Catherine de Sienne, dont l’édition posthume est de 1951.

Romancière admirée, polémiste redoutable, elle a la franchise d’accepter la réalité telle quelle et le don de la reproduire dans un style narratif fécond et soutenu, élargissant ainsi l’horizon de la littérature norvégienne.

J. R.

 A. H. Winsness, Sigrid Undset ; une étude dans le réalisme chrétien (en norvégien, Oslo, 1949). / H. H. Moen, Notes sur les romans du Moyen Âge de Sigrid Undset (en norvégien, Oslo, 1950). / N. Deschamps, les Femmes dans les romans de Sigrid Undset (Université de Paris, 1962).

Ungaretti (Giuseppe)

Poète italien (Alexandrie, Égypte, 1888 - Milan 1970).


Le père d’Ungaretti, originaire de Lucques (Toscane), avait émigré en Égypte pour travailler comme manœuvre au percement du canal de Suez. Il mourut en 1890 d’un accident du travail. Malgré les maigres ressources de sa famille, Ungaretti eut une scolarité régulière, complétée par la lecture de Leopardi et des symbolistes français (Baudelaire, Mallarmé, Laforgue) ainsi que par la fréquentation des milieux cosmopolites d’Alexandrie, où il se lia d’amitié avec Enrico Pea (1881-1958), le pittoresque auteur de Moscardino (1922), qu’Ezra Pound traduisit en anglais.

En 1912, il quitte l’Égypte pour une brève visite à sa terre ancestrale, puis pour Paris, où l’accompagne un ami égyptien, Mohammed Sceab, qui se suicidera peu après et dont plusieurs poèmes (dans Il Porto sepolto et la Guerre) rappellent le souvenir. Il s’inscrit à la Sorbonne et suit les cours de Bergson au collège de France. Il devient l’ami d’Apollinaire et entre en contact à travers lui avec les principaux mouvements d’avant-garde artistiques et littéraires. À l’exposition futuriste de 1914 (à Paris), il fait la connaissance de Giovanni Papini, de Ardengo Soffici et de Aldo Palazzeschi, qui publieront ses premiers poèmes dans la revue futuriste florentine Lacerba (1915).