Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Troie (suite)

Selon certaine tradition rapportée par Strabon, Énée, ayant échappé au massacre, aurait continué de régner sur la cité rebâtie, et ses descendants lui auraient succédé. Mais, par ailleurs, Strabon déclare que la nouvelle Ilion fut bâtie avec son temple d’Athéna à la fin du viiie s. av. J.-C., au temps de la domination lydienne. Alexandre le Grand agrandit la ville et instaura des jeux. Les Romains, et en particulier César, comblèrent la ville de faveurs en souvenir d’Énée, qui passait pour l’ancêtre des Romains.


Troie et l’archéologie

Les fouilles ont apporté de nouveaux éléments dans notre connaissance de la cité. Troie fut fondée vers la fin du ive millénaire ; on ignore l’origine des premiers colons, mais les poteries des plus profonds niveaux sont identiques à celles d’établissements voisins, de fondation plus ancienne, comme Kumtepe. Cette première ville offre dix niveaux d’habitat ; c’était une étroite place forte entourée de murs de terre renforcés par des tours carrées. On y rencontre déjà le type de demeure à mégaron, sans doute le palais du prince qui régnait sur la cité. Troie fut détruite par un incendie vers 2600, mais on ne trouve pas de solution de continuité avec Troie II. Cette cité s’entoura alors de remparts plus puissants, en briques crues sur fondement de pierre et pourvus de portes détendues par des tours. Les fouilles ont permis de discerner sept niveaux d’habitats, et c’est au dernier, Troie II g, que les fouilleurs américains attribuent les célèbres trésors d’or découverts par Heinrich Schliemann (1822-1890), cependant que le professeur M. Schaeffer situe ceux-ci au début de Troie III. La seconde ville fut détruite sans doute par un violent séisme vers 2300.

Il semble que Troie III ait eu plus d’importance que ne lui en attribuent les fouilleurs américains ; les murs de la cité furent entièrement reconstruits en pierre. Ce niveau est aussi caractérisé par l’apparition d’une poterie conique à larges anses verticales qui se répandit en Asie Mineure et dans certains sites égéens, appelée depas amphikypellon. La ville fut encore détruite violemment, bien que le niveau d’incendie ne fût pas généralisé. Dans Troie IV apparaît un nouveau confort dans des tours à coupole, permettant une meilleure cuisson de la nourriture.

La Troie V reste un établissement de moindre importance, à la charnière du bronze ancien et du bronze moyen (v. 2000).

Troie VI, qui dura de 1900 à 1350, vit la plus grande extension et la période la plus brillante de la cité, avec ses murs en pierres appareillées, ses tours carrées, ses portes à chicanes, ses demeures nombreuses et ses palais à mégaron. La poterie caractéristique, grise, aux arêtes vives, est dite « minyenne » et se retrouve en Grèce continentale. Une nécropole à incinération appartenant à cette période a été exhumée. La ville fut détruite par un violent séisme, et ses habitants la rebâtirent, mais cette Troie VII a perdit l’opulence de la ville précédente. Ses relations avec la Grèce sont prouvées par la présence de nombreux tessons de poterie mycénienne. Elle fut détruite vers 1250 selon Blegen, et c’est elle que la plupart des archéologues assimilent à la Troie qui a servi de modèle aux faits chantés par Homère. On pense que les Achéens l’ont détruite soit au cours d’une expédition de piraterie, soit pour s’assurer la maîtrise des détroits.

Troie VII b, où l’on trouve encore des poteries mycéniennes, a peut-être été occupée par une population venue des Balkans. La culture qu’elle représente se termine vers 1100 av. J.-C. Blegen a daté la ville de Troie VIII, occupée par des Éoliens, entre 700 et 350 et la ville gréco-romaine de Troie IX entre 350 av. J.-C. et 400 de notre ère.


Les fouilles de Troie

Les premières recherches étendues du site de Troie (en turc Truva) remontent au voyage que fit en Troade Jean-Baptiste Lechevalier (1752-1836) en 1785-86 ; il situa la ville près du village de Bounarbachi (Pınarbaşı). Selon l’Autrichien Johann Georg von Hahn (1811-1869), qui fit des sondages dans le site en mai 1864, il n’y aurait pas là les vestiges d’une ville homérique. C. Maclaren fut le premier à proposer de situer Troie sur la colline d’Hissarlık. Le vice-consul des États-Unis aux Dardanelles Frank Calvert, propriétaire d’une partie d’Hissarlık, avait creusé deux tranchées dans le site, lorsqu’en 1870 Schliemann entreprit des fouilles systématiques ; après une campagne préliminaire cette année-là, celui-ci conduisit trois campagnes, en 1871, en 1872 et en 1873. C’est au cours de celles-ci qu’il découvrit les célèbres trésors d’objets d’or. Il ne reprit les fouilles qu’en 1878 ; en 1879, pour la cinquième campagne, il s’adjoignit le naturaliste Rudolf Wirchow et Émile Louis Burnouf (1821-1907), directeur de l’École française d’Athènes. En 1882, pour la sixième année de fouilles, il s’adjoignit deux architectes, Joseph Millier et Wilhelm Dörpfeld (1853-1940), qui avait participé aux fouilles d’Olympie. Il conduisit en 1890 sa septième et dernière campagne avec Dörpfeld, qui, après la mort du grand mécène-archéologue, fit encore deux campagnes en 1893 et en 1894 aux frais de Sophie Schliemann. Enfin, en 1932, l’université de Cincinnati confia à une équipe dirigée par Carl William Blegen le soin de conduire une grande fouille stratigraphique de contrôle, qui s’étendit sur sept campagnes, jusqu’en 1938. Schliemann avait distingué sept villes et attribua la Troie homérique à Troie III, puis à Troie II. Dörpfeld a reconnu neuf niveaux et a situé dans la sixième ville la Troie homérique, que Blegen a reportée à Troie VII a.

Il convient de signaler que certains savants, comme Charles Vellay, n’ont jamais accepté l’assimilation d’Hissarlık à la Troie d’Homère.

G. R.

➙ Grèce / Homère.

 W. Dörpfeld, Troja und Illion : Ergebnisse der Ausgrabungen in den vorhistorischen und historischen Schichten von Ilion, 1870-1894 (Athènes, 1902). / C. Vellay, les Nouveaux Aspects de la question de Troie (Les Belles-Lettres, 1931). / C. F. A. Schaeffer, Stratigraphie comparée et chronologie de l’Asie occidentale (Londres, 1948). / Troy : Excavations conducted by the University of Cincinnati, 1932-1938 (Princeton, 1950-1958 ; 4 vol.). / C. W. Blegen, Troy and the Trojans (Londres, 1963). / G. Rachet, Archéologie de la Grèce préhistorique : Troie, Mycènes, Cnossos (Gérard, Verviers, 1969).