Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Troie

En gr. Troia, v. d’Asie Mineure.



Troie homérique

Troie était située à l’extrémité nord-ouest de l’Anatolie, à peu de distance de l’Hellespont (Dardanelles), dans une plaine basse, accidentée par de petites collines, entre le Scamandre et le Simoïs. Elle nous est connue en particulier par les deux poèmes homériques, l’Iliade et l’Odyssée, par les auteurs anciens et par les fouilles archéologiques. Dès l’épopée homérique, elle porte indifféremment les deux noms de Troie ou d’Ilios ; cependant, le nom de Troie a été étendu à toute la région environnante (Troade), tandis qu’à l’époque grecque et romaine la nouvelle cité porte en général le nom d’Ilion, en particulier dans les inscriptions et les monnaies ; exceptionnellement, on trouve la forme poétique Troja.

L’Iliade et l’Odyssée sont les deux plus anciens documents qui nous fournissent les éléments sur Troie ; l’Iliade relate un épisode du siège que les Troyens auraient soutenu contre les Achéens venus de Grèce. Troie y est décrite comme une vaste cité aux larges rues, aux hautes portes et aux belles tours. Elle est ceinte de bons murs aux pierres bien taillées. Homère mentionne la porte « dardanienne » et surtout les célèbres « portes Scées », dominées par la « Grande Tour », où se réunissent les anciens de la ville. Le palais du roi Priam est « splendide » et vaste, abritant le roi et sa femme Hécube, ses cinquante fils et leurs épouses, esclaves et serviteurs. La ville est dominée par une citadelle sacrée, la sainte « Pergamon », où s’élève le temple d’Apollon avec son « adyton » (saint des saints). Dans la partie haute de la cité se trouve aussi le temple d’Athéna, où est enfermé le Palladion, statue de la déesse que dérobèrent Ulysse et Diomède, enlevant ainsi à la cité l’effigie magique qui la protégeait.

L’archéologie a permis de constater qu’en cette description Homère s’était référé aux cités de son époque et nullement à la Troie achéenne, où il n’existait guère de temples ; de plus, si les fouilles ont bien révélé Troie dans le site d’Hissarlik, on se trouve face à une étroite forteresse aux ruelles tortueuses, où le vaste palais homérique se réduit à une médiocre demeure « à mégaron ».


L’histoire de Troie

Les auteurs grecs postérieurs à Homère ont conservé de nombreux éléments légendaires grâce auxquels on peut établir une histoire en partie mythique de Troie.

Dardanos, fils de Zeus et d’Électre, fille d’Atlas, vint de Samothrace en Anatolie, où il fonda Dardanie sur les flancs de l’Ida (Kazdağ), montagne dominante au sud de la Troade. De Batièia, nymphe de l’Ida, petite-fille du Scamandre, il eut Ilos et Erichthonios. Ce dernier, maître de riches pâturages, épousa Astyoché, fille du Simoïs, qui lui donna Tros, héros éponyme des Troyens, qui eut trois fils : Ilos, Assaracos et Ganymède. Celui-ci, enlevé par Zeus, devint échanson des dieux, tandis que des deux premiers furent respectivement issues la branche troyenne, à laquelle appartiennent Priam et Hector, et la branche cadette dardanienne, dont les héros les plus connus sont Anchise et Énée. Ilos, s’étant rendu en Phrygie, remporta le prix de la lutte lors des jeux institués par le roi, qui fit don au vainqueur de cinquante jeunes gens et autant de jeunes filles ainsi que d’une vache multicolore, qu’il lui ordonna de suivre afin de bâtir une ville à l’endroit où elle s’arrêterait, afin de se conformer à un ancien oracle. La vache s’arrêta sur l’Atê phrygienne, où il érigea Ilion. D’autre part, Zeus envoya du ciel à Ilios le Palladion, statue divine en bois, en signe de faveur.

De ces éléments, O. Keller a conclu qu’Atê, fille de Zeus, qui était pour les Grecs la personnification du mensonge, serait une déesse phrygienne assimilée à Athéna, mais rattachée au dieu phrygien Attis ; il rapproche le mythe de la fondation d’Ilion à divers mythes indo-européens selon lesquels les animaux sacrés indiquent les lieux de fondation de villes ou de temples et il interprète cette vache comme le symbole d’Atê, déesse de la Lune ou de la Nuit, et les couples de cinquante jeunes gens comme les cinquante semaines de l’année. Ilos engendra Laomédon, qui eut cinq fils (Tithon, Lampon, Clytius, Hicetaon et Podarcès) et trois filles (Hésioné, Cilla, Astyoché). C’est sous son règne que Poséidon, aidé d’Apollon, ceignit la ville de remparts. Mais Laomédon ayant refusé de payer aux dieux leur salaire pour ce travail, Poséidon suscita un monstre auquel on devait sacrifier Hésioné. Héraclès, passant en Troade, proposa d’échanger la victime avec les chevaux de Laomédon, qui refusa ensuite de payer le prix convenu. Pour se venger, Héraclès organisa une expédition avec l’aide de Télamon : la ville fut prise, et Héraclès permit à Hésioné de sauver un de ses frères en l’achetant comme esclave tandis qu’il mettait à mort Laomédon et ses autres fils. Hésioné désigna Podarcès, qui prit le nom de Priam (formé, dit-on, sur le verbe priasthai, signifiant « acheter »).

Priam épousa Hécube, fille de Cissée, dont il aurait eu cinquante fils, dont les plus célèbres sont Pâris, Hector, Hélénos, Troïlos, Deiphobos, et douze filles, parmi lesquelles Cassandre, Polyxène, Créüse.

Pâris fut élevé avec des bergers sur le mont Ida. C’est là qu’il porta le célèbre jugement sur la beauté des trois déesses, Athéna, Héra et Aphrodite ; à la suite de quoi, Aphrodite lui permit d’être aimé de la plus belle des femmes, Hélène, fille de Léda et de Tyndare, épouse de Ménélas, roi de Sparte. Pâris enleva Hélène et la conduisit à Troie, ce qui fut cause de l’expédition des Grecs contre la cité, qui fut prise après un siège de dix ans grâce au cheval de bois rempli de guerriers que les Troyens introduisirent imprudemment dans leur cité, croyant que les Achéens avaient abandonné ce témoignage de piété après avoir levé le siège de la ville. Celle-ci fut détruite ; la plupart de ses habitants avaient péri pendant le siège ou lors du sac ; les autres furent emmenés en esclavage.