Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

transferts sociaux (suite)

Par ailleurs, les réactions psychologiques des individus tendent à se transformer. Chaque personne interrogée au cours d’une enquête de ce genre prétend que le groupe auquel elle appartient est plus défavorisé que les autres, tant dans le moment présent que par comparaison dans le temps ; de plus, chacun tend chaque jour davantage à comparer son sort à celui du voisin plutôt qu’à celui qu’il avait dans le passé ; ce « dérapage » est facilité par le fait que le développement des loisirs* a accentué les différences sociales : alors que l’un ne prend pas de vacances (près de la moitié des ménages français en 1974), d’autres disposent de bateaux de plaisance ou s’offrent des croisières luxueuses etc. D’un côté, il y a toujours des pauvres ; de l’autre, les riches paraissent encore plus riches.

• Si les différences sociales sont — au moins psychologiquement, sinon réellement — plus sensibles qu’hier dans les pays développés, elles sont effectivement de plus en plus considérables entre les pays développés et les pays en voie de développement. Au début de ce dernier quart du xxe s., le niveau de vie des populations des pays développés paraît s’accroître régulièrement, alors que le niveau de vie des populations des pays non développés tend à diminuer régulièrement ou, au mieux, à se stabiliser à un niveau très bas. Dès maintenant, les pays développés confient à des travailleurs immigrés les tâches les plus dures ou les plus sales (près de 2 millions en France, près de 4 millions en Allemagne en 1974) ; cette population immigrée — trop souvent exploitée par les uns et par les autres — provoque de nouveaux transferts sociaux qui sortent du cadre national pour entrer dans le cadre international au même titre que les diverses politiques de coopération* formulées par les pays développés. Il ne s’agit plus seulement d’un point de vue moral, mais de l’intérêt même des populations des pays développés : comment imaginer qu’aux environs de l’an 2000 près de 6 milliards de pauvres puissent accepter de côtoyer sans explosion 1 milliard d’individus relativement nantis ?

• Les politiques sociales et fiscales, enfin, ne sont pas les seules à opérer des transferts sociaux : l’inflation* joue un rôle important en cette matière ; en fin de compte, les dirigeants politiques des États connaissent assez bien les résultats sociaux des modifications accélérées des prix* à la consommation et même de certains profits ; en période d’inflation il est préférable d’être l’emprunteur que le prêteur, et c’est pourquoi on évoque parfois l’intérêt d’une indexation* de l’épargne*. Des économistes ont essayé de pousser les recherches plus loin en ce qui concerne les actifs des ménages : il est distingué entre les actifs dont les prix s’ajustent plus ou moins en fonction de l’inflation (biens fonciers et immobiliers, métaux précieux et [mais c’est plus discutable] actions) et les actifs dont la valeur nominale tend à rester fixe (épargne liquide, obligations non indexées et biens d’équipement ménager) ; un patrimoine semble d’autant mieux protégé contre l’inflation que la part des biens à prix ajustable y est plus grande.


Le « budget social » de la France

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les techniques de la comptabilité* nationale se sont généralisées dans la plupart des pays. En France, les « comptes de la nation » comportent une partie « sociale » ; c’est, en principe, cette partie sociale qui est présentée par le document annuel appelé « budget social de la nation ». Le budget social de la nation n’est en rien un « budget » au sens précis de ce terme ; il est composé de tableaux publiés (chaque année depuis 1958) à titre de pure information en annexe au « projet de loi de finances » soumis au Parlement.

Le contenu de ces tableaux, qui a varié à plusieurs reprises, donne prise à de nombreuses critiques. Il ne peut, en aucun cas, être considéré comme retraçant véritablement l’ensemble des transferts sociaux. C’est ainsi qu’y figurent des dépenses de caractère électoral (prestations aux rapatriés et secours aux victimes des calamités naturelles) et que n’y figurent pas davantage les dépenses concernant l’enseignement, la formation culturelle, les loisirs ou la jeunesse que les dépenses d’équipement supportées par les collectivités publiques en matière sanitaire, sociale et culturelle. Tel qu’il est présenté, le « budget social » permet, cependant, de calculer l’évolution des dépenses et des recettes qu’il mentionne par rapport à l’évolution des ressources nationales, notamment l’évolution relative, les unes par rapport aux autres, de ces mêmes dépenses et recettes.

Dans les grandes lignes, on peut dire que les dépenses du « budget social », en progression constante, représentent près du quart du produit intérieur brut (P. I. B.) : 22 p. 100 en 1972, 22,45 p. 100 en 1973 et 23,09 p. 100 en 1974. Assurés (y compris les non-salariés cotisant pour eux-mêmes) et employeurs financent plus des trois quarts du « budget social » : 76,42 p. 100 en 1972, 76,24 p. 100 en 1973 et 77,13 p. 100 en 1974. De 1973 à 1974, les cotisations des assurés se sont accrues de 19,23 p. 100, celles des employeurs de 13,60 p. 100, le produit des taxes affectées de 12,57 p. 100 et l’apport direct de l’État de 7,08 p. 100.

En ce qui concerne les comparaisons internationales, elles restent difficiles du fait des différences de législation et des différents procédés de comptabilisation publique. La Communauté économique européenne (C. E. E.) et l’Organisation des Nations unies (O. N. U.) s’efforcent de préconiser l’adoption de plans uniformes de comptabilité nationale, cependant que les chercheurs de l’O. C. D. E. s’efforcent de tirer des divers documents nationaux des éléments valables de comparaison pour les pays adhérant à cet organisme.

Les transferts sociaux figurant dans les tableaux du « budget social » français sont d’ordre très varié. Y trouvent place tous les transferts opérés par les divers régimes obligatoires de sécurité sociale (sans qu’il soit tenu compte des très grandes inégalités régnant entre les prestations de ces divers régimes, notamment en matière d’assurance vieillesse), les transferts opérés par des conventions collectives — dont les unes sont interprofessionnelles, d’autres professionnelles et d’autres encore catégorielles —, les transferts opérés par suite de certaines décisions des pouvoirs publics : suppléments familiaux de traitement aux fonctionnaires et aux agents de certaines entreprises nationales, aide sociale, formation* professionnelle, logement* (subventions au logement des étudiants, des personnes âgées, des travailleurs étrangers ; primes accordées à la construction et bonifications d’intérêt ; cotisations de 1 p. 100 exigées des employeurs ; subventions pour la résorption des bidonvilles), réductions de tarifs accordées aux familles pour les transports*, bourses d’enseignement, œuvres sociales universitaires, aides aux anciens combattants, aux victimes des guerres et aux rapatriés, secours aux victimes des calamités naturelles, diminution des recettes fiscales imputables au quotient familial.