Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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tourisme (suite)

Le tourisme nomade, tant qu’il demeure peu important, ne nécessite pas d’équipements spéciaux : les gens suivent les routes destinées à écouler le trafic général ; ils logent dans les hôtels ou dans les auberges qui tirent l’essentiel de leurs ressources du passage des voyageurs de commerce ou des déplacements familiaux. C’est ce qui fait sans doute le charme de ce genre de loisir : on a l’impression de découvrir des milieux qu’on ne perturbe pas, qui demeurent authentiques. À partir du moment où la fréquentation s’amplifie, les conditions changent, le tourisme commence à créer un paysage propre : il faut des hôtels plus vastes, plus nombreux, organisés pour répondre aux goûts d’une clientèle plus diverse, plus cosmopolite, si bien que les horaires et les habitudes ne doivent plus rien aux mœurs locales. Il faut également des terrains de camping, des routes plus larges, toute une série d’équipements sportifs : on se rapproche ainsi insensiblement du niveau de transformation du paysage que nécessite la création de régions touristiques de séjour.

À l’époque du chemin de fer, les zones de séjour étaient étroitement liées aux lignes, ce qui conduisait à des accumulations denses de touristes et à l’aménagement de villes ; nous y reviendrons. L’automobile a eu là aussi des effets profonds. Elle a permis de diffuser le séjour en faisant naître en particulier la vogue de la résidence d’été installée dans une vieille ferme à la campagne, où bien celle du chalet perdu dans la moyenne ou la haute montagne. Mais le développement de ces formes d’équipement diffus est toujours assez limité : malgré le snobisme, les propriétaires de fermes et de fermettes se lassent vite de leurs acquisitions. À partir du moment où ils ont achevé de restaurer et d’aménager le bâtiment en ruine acheté, ils ne savent plus que faire, le séjour n’a plus de but. Les enfants trouvent intolérable d’être contraints de rester durant de longues périodes dans un « trou » où ils ne peuvent rien faire, et s’ennuient faute d’équipements de loisir. La durée du séjour diminue, la fréquentation devient moins régulière : on revend la maison de campagne pour acheter un appartement ou un chalet au bord de la mer ou à la montagne ; si on n’en a pas les moyens, on passe quinze jours à la montagne ou à la mer et, une fois les finances déjà entamées, on se rabat sur la maison de campagne.

On assiste donc à une concentration des équipements de séjour sur certaines zones, mais elles sont plus larges que ce n’était le cas à l’époque du chemin de fer. On jouit parfaitement des avantages de la mer même si on loge à quelques kilomètres du littoral, surtout si on est placé sur une hauteur d’où la vue s’étend jusqu’au large.

En montagne, également, les secteurs d’accumulation s’étendent jusqu’à englober à la fois les vallées et les replats d’où il est facile de partir faire du ski, des randonnées et des escalades, et les localités qui possèdent des avantages moins évidents, mais où l’on bénéficie souvent de plus d’espace et de plus de calme.

• La troisième zone de fréquentation touristique autour des foyers d’où émane la demande s’ouvre beaucoup plus loin, au-delà de 1 500 ou 2 000 km, limite extrême de ce que l’on peut atteindre au volant de sa voiture lorsqu’on dispose d’un délai de quelques semaines. Seules, les îles bénéficient de ce type de fréquentation tout en étant plus proches.

Le tourisme que l’on peut pratiquer aussi loin de chez soi est moins divers que celui qui s’étend dans le second rayon ; il ne comporte que deux variantes possibles : le saut de ville en ville, que pratiquent, on Ta vu, les Américains en Europe, mais également les Européens en Asie méridionale ou du Sud-Est ; le séjour. La for-lune de ce tourisme lointain tient à ce qu’il permet d’accéder à des ensembles monumentaux et à des civilisations exotiques, mais surtout à ce qu’il autorise durant une bonne partie de l’année, l’hiver en particulier, les genres de vie qu’on ne peut pratiquer en Europe ou en Amérique du Nord que l’été. Ceux qui partent vont essentiellement consommer du soleil, de la chaleur et du farniente. Il n’est donc pas nécessaire de prévoir des zones de fréquentation étendues : un hôtel, un parc, la plage attenante et un club, une piscine suffisent. Pour ceux qui sont plus friands d’aventure, un village de paillotes construites parfois dans le style du pays, ou parfois aussi dans celui d’un paradis plus lointain, océanien par exemple, offre les séductions décisives. Tout cela nécessite évidemment des investissements massifs, mais concentrés sur de très petits espaces, fronts de mer, régions montagneuses par lois, proximité de grandes villes, de ruines ou de monuments prestigieux.

• La quatrième zone de fréquentation touristique est d’origine récente : elle est née avec le développement de l’aviation. Le touriste qui arrive ainsi dans une terre lointaine est particulièrement désarmé : il ne possède pas de moyen de locomotion, il ne parle pas toujours la langue du pays, ne connaît pas ses mœurs, a peur souvent de sa civilisation. Il ne peut se passer des services des organisations spécialisées qui lui fournissent le voyage, réservent les chambres et prévoient jusque dans le détail les distractions, les déplacements et les itinéraires lorsque le séjour ne se fait pas constamment au même point. Dans la mesure où les transports aériens à longues distances ne sont économiques que s’ils se font par avions de grande capacité, le tourisme devient l’affaire de sociétés capables d’affréter un « Jumbo » jet et de construire et gérer l’hôtel qui reçoit toute sa cargaison. De telles sociétés ont des moyens tels qu’elles ne dépendent généralement que très peu du milieu local : les cadres sortent d’écoles spécialisées et voyagent d’un établissement à l’autre ; ils sont parfois appelés à changer de continent et vivent dans un univers artificiel où les langues parlées sont celles de la clientèle, les menus, les horaires, ceux également auxquels les hôtes sont habitués chez eux.