Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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tourisme (suite)

On peut distinguer, pour les commodités de l’analyse, une demande et une offre de tourisme. La demande émane de populations ayant un niveau de revenu suffisant pour se déplacer lorsqu’elles disposent de loisirs et qui vivent dans des environnements où elles ne trouvent pas les conditions d’aménité, de paysage, d’air pur, de neige, de soleil ou d’ambiance historique et culturelle dont elles rêvent. Cela revient à dire que la demande provient pour l’essentiel des pays industrialisés d’Europe, d’Amérique du Nord et du Japon, ainsi qui ; d’élites encore très étroites dans l’ensemble des nations en voie de développement ; leur volume est cependant notable dans une partie de l’Amérique latine, Argentine, Brésil ou Mexique par exemple.

L’offre touristique est plus diverse : elle provient de pays ou de régions remarquables par leurs paysages, agréables par leurs climats, permettant de pratiquer des sports de plein air (la baignade, le ski, l’équitation sont les plus appréciés par la clientèle actuelle) ou intéressants par leurs monuments ou par leurs populations. En fait, l’offre touristique potentielle, très large, ne devient effective qu’à partir du moment où il existe des possibilités de déplacement et d’hébergement pour ceux qui désirent passer ou séjourner. L’offre touristique est donc complexe : elle est combinaison d’aptitudes naturelles ou historiques, d’équipements indispensables pour acheminer la clientèle et la loger et de services, car il faut nourrir et distraire ceux qui se présentent. On pense généralement au premier facteur, mais on néglige l’analyse des autres éléments de ce bien complexe : c’est une erreur ; rien ne le montre mieux que l’habitude qui se développe de plus en plus dans certains pays de créer des sites touristiques en dehors de tout gisement naturel ; en Angleterre, les camps de vacances offrent ainsi une atmosphère de kermesse dans des lieux sans attrait ; aux États-Unis, l’habitude s’est prise de parsemer les zones parcourues de reconstitutions de villages historiques ou exotiques qui ne doivent rien au milieu : on passe du village bavarois ou suisse à un ensemble sicilien ou océanien. À une autre échelle, Walt Disney a construit en Californie, puis en Floride des environnements totalement artificiels, ceux des Disneyland et Disney World. L’Europe continentale voit s’amorcer une évolution analogue : la multiplication des parcs nationaux ou régionaux a pour but de fabriquer une nature accessible à la foule des clients potentiels.


Les zones d’attraction touristique

Cette action pour modifier la localisation de l’offre, en créant des sites touristiques là où il n’en existe pas, tient aux contraintes qui naissent de la distance entre le lieu où vivent les touristes et les endroits où ils veulent et peuvent séjourner : il existe une disposition concentrique assez régulière autour des foyers d’où proviennent les touristes ; cette organisation n’est cependant pas toujours facile à lire, car elle est perturbée par l’inégale densité des sites et par l’évolution des moyens de transport qui a bouleversé plusieurs fois depuis un siècle l’ordre spatial des zones fréquentées.

• Le premier cercle autour des grandes concentrations urbaines est constitué par la zone qu’on peut atteindre durant le week-end. Elle peut avoir un rayon de quelques dizaines de kilomètres autour des villes moyennes, de 150 ou 200 autour des grands centres et dans les espaces équipés de voies rapides et d’autoroutes qui facilitent les déplacements. De nos jours, grâce à la voiture, tous les lieux qui se trouvent situés dans ces limites sont également accessibles ; l’espace entier est parcouru par ceux qui choisissent de se promener ; dans la mesure où l’on recherche davantage le calme et la solitude que des paysages grandioses ou des environnements marqués par une grande originalité, les densités de fréquentation et d’implantation des chalets et résidences secondaires sont souvent assez homogènes. Elles varient cependant si certaines parties du rayon accessible sont plus agréables : elles deviennent plus fortes le long des cours d’eau, des étangs, des lacs, dans les zones accidentées, dans les régions montagneuses où on respire bien. Leur répartition est cependant plus diffuse et plus régulière que ce n’était le cas avant la généralisation de l’automobile : la banlieue de week-end était alors plus étroite et s’ordonnait en doigts de gant le long des voies ferrées issues des grandes villes.

• Le deuxième cercle est beaucoup plus étendu : c’est celui qui est à portée des gens qui se déplacent par le train ou en voiture pour leurs vacances. Il a un rayon moyen de 700 ou 800 km autour des foyers de concentration du peuplement et peut exceptionnellement s’étirer jusqu’à 1 500 ou 2 000 km lorsque les voies de communication sont bonnes, les obstacles linguistiques ou politiques inexistants et les incitations nombreuses.

À l’époque où tous les déplacements longs se faisaient en chemin de fer, il n’était pas possible de parcourir sur de longues distances les espaces ruraux, les régions montagneuses ou les littoraux : on descendait du train en un point, on y faisait un séjour, une ou quelques excursions à pied. Si on aimait la diversité, il n’y avait d’autres solutions que de reprendre le train et d’aller trouver plus loin une base de départ. Le tourisme itinérant n’était guère commode en dehors de celui qui était motivé par la visite de villes : on prenait alors communément connaissance d’un pays en allant de cité en cité, en collectionnant les cathédrales, les musées, les monuments les plus frappants. L’avion conduit parfois aujourd’hui à des pratiques analogues, mais avec des bonds plus longs : qui n’a rencontré ces groupes de touristes américains qui « font » en huit jours l’Europe de Londres à Naples et de Stockholm à Lisbonne !

La généralisation des modes de transport individuels, de la bicyclette d’abord, puis de l’automobile, a transformé cette situation : le tourisme nomade a cessé d’être une forme secondaire et essentiellement urbaine de déplacement. Il est devenu souvent aussi important que le tourisme de séjour. Il en a résulté, comme à l’intérieur du premier cercle, une certaine diffusion des fréquentations : il est peu de régions d’Europe où on ne rencontre l’été de voitures de visiteurs partis à la découverte de pays qu’ils ne connaissent pas. Cependant, les flux ne sont jamais uniformes : les visiteurs affectionnent les secteurs où les paysages sont plaisants, animés, ceux aussi où la densité des centres urbains qui méritent un arrêt permet de varier les plaisirs du déplacement. Les constantes du climat pèsent également beaucoup dans les choix, et ce d’autant plus que le parcours est interrompu par des bains, par des promenades à pied qu’il n’est agréable de faire que par beau temps. Il y a donc, chez les touristes nomades, un héliotropisme remarquable. Beaucoup choisissent comme mode d’hébergement la tente ou la caravane ; l’attrait des climats ensoleillés s’en trouve renforcé.