Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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tourisme

Ensemble des activités économiques concernées par les déplacements de personnes dans le cadre de leurs loisirs.


Le tourisme est un phénomène récent, mais qu’annoncent certains traits des civilisations antique, médiévale ou moderne : les nobles romains allaient volontiers à Pompéi, à Herculanum, à Capri durant la belle saison gour profiter de la mer ; au Moyen Âge, les pèlerinages* sont souvent prétexte à découvrir des pays lointains, à s’initier à leurs mœurs, à leur culture ; dès la Renaissance, les habitudes du séjour d’agrément ou de la fréquentation des eaux réapparaissent ; on voit les jeunes gens de France, d’Allemagne, puis d’Angleterre, aller compléter leur formation par la découverte des paysages et des monuments italiens.


Naissance et développement du tourisme moderne

C’est en définitive du « grand tour » des jeunes aristocrates anglais au xviiie s. et des habitudes de déplacement qu’ils en gardent qu’il faut dater l’apparition du tourisme moderne, l’origine du mot le dit clairement. Dans le courant du siècle, la vogue des villes thermales se développe : Bath devient le centre des élégances anglaises, le beau John Nash y apprend la civilité à une société encore fruste, cependant que les deux Wood (George et John) créent un décor à la mesure du public que l’on cherche à attirer. D’autres villes d’eau suivent bientôt, Cheltenham par exemple. Dès la fin du xviiie s. et les premières années du xixe, les mœurs changent : on apprend à jouir des charmes de la mer ; Brighton se développe déjà. De plus en plus nombreux, les Anglais franchissent la Manche pour trouver des cieux plus cléments, des prix plus faibles, des paysages plus variés, plus héroïques. Ils mettent à la mode les montagnes, les Alpes et les Pyrénées, à l’égard desquelles la sensibilité avait profondément évolué à la suite de J.-J. Rousseau et des écrivains suisses ou français de l’époque. Ils inventent le séjour d’hiver au bord de la Méditerranée, dans les Rivieras ensoleillées ou bien encore dans les endroits humides qui leur rappellent leur pays, comme Pau, Biarritz déjà ou, dans un autre domaine, les grands lacs alpins.

L’exemple de l’aristocratie anglaise a été rapidement suivi en France et en Europe centrale : les romantiques s’engouent des montagnes, chacun veut faire son voyage aux Pyrénées ; ils s’intéressent aussi à tout ce qui rappelle le passé médiéval et se mettent à rédiger des guides qui indiquent ce qu’il convient de voir au cours des déplacements ; Charles Nodier, le baron Taylor, Abel Hugo signent les premiers ouvrages spécialisés ; Victor Hugo, Stendhal, Théophile Gautier, Alexandre Dumas, plus tard Taine, Mérimée, Fromentin nous entretiennent de leurs voyages, selon une tradition qu’avait inaugurée Chateaubriand. Le lancement des stations, le développement des nouvelles habitudes doivent beaucoup au second Empire, aux séjours préférés de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie ; Biarritz, Chamonix, Plombières en bénéficient, cependant que le duc de Morny lance Deauville. Dans les pays germaniques, la vogue des bains est grande, comme aussi celle des séjours au bord des lacs, en Bavière, en Autriche, en Suisse, mais aussi en Italie.

Le développement du tourisme est marqué de la sorte par des effets de contagion successifs : les classes riches de l’Europe continentale imitent l’aristocratie anglaise, avant que la petite bourgeoisie s’accoutume, au tournant du siècle, aux séjours d’été dans les villes d’eau ou dans les stations balnéaires. Entre les deux guerres mondiales, la consommation touristique se généralise : elle touche en France la plus grande partie des couches de la population urbaine à partir de 1936 grâce à l’instauration des congés payés ; après la Seconde Guerre mondiale, les effets de cette démocratisation se font mieux sentir encore : petit à petit, ceux qui n’avaient pas encore l’habitude des déplacements de loisir ou de vacances l’acquièrent, qu’il s’agisse des couches les plus modestes d’employés et d’ouvriers, des vieillards ou des paysans. La modestie des ressources des jeunes leur interdirait de participer au mouvement, en dehors du cas où ils se déplacent en famille, si les institutions et les mœurs ne les aidaient pas : les auberges de jeunesse, le camping, l’habitude de faire de l’auto-stop, l’octroi aussi de facilités et de réductions leur donnent une mobilité souvent étonnante.

Petit à petit, toutes les sociétés industrialisées sont affectées par cette transformation : au lieu d’avoir une morphologie unique, commandée par le travail et la vie familiale, elles en adoptent plusieurs successivement, celle de l’armée, du labeur, des responsabilités professionnelles, de l’apprentissage scolaire pour les jeunes, et celle des loisirs et de la détente. Selon le temps dont on dispose, on peut aller plus ou moins loin, 100 ou 200 km le week-end, mais à plusieurs milliers de kilomètres si on dispose de congés de quelques semaines, ou de quelques mois comme c’est le cas des enseignants ou des étudiants. Tout cela traduit l’impossibilité de réaliser en un ordre unique une ordonnance des gens qui leur permette d’accéder à l’ensemble des biens, des services et des consommations qu’ils désirent. L’urbanisation croissante permet de multiplier les opportunités de travail et de trouver des métiers plus adaptés aux moyens de chacun, mais elle prive du libre accès à la nature, au plein air et « ton-centre souvent une part importante de la population dans des aires sans caractère, tristes, monotones, où on ne se plaît guère une fois l’effort fini. On rêve aussi de s’évader en direction de villes plus agréables, plus coquettes, plus chargées d’histoire et de prestige.


L’offre et la demande touristiques

Pour l’économiste, le tourisme naît de ce que les lieux ont une utilité propre pour les gens qui y vivent, qui les visitent ou qui y séjournent. Les hommes cherchent à maximaliser une fonction personnelle d’utilité : pour y parvenir, il n’est d’autre moyen, lorsque l’utilité est attachée à certains lieux ou à des parcours qui permettent de découvrir des paysages et des environnements successifs, que de se déplacer. Il est donc normal, lorsque les revenus d’une population augmentent, de la voir essayer de satisfaire des besoins sacrifiés en situation de pénurie : c’est l’origine du tourisme contemporain.