toccata (suite)
Dédaignée par Mozart, sous l’influence de son rival Muzio Clementi* (toccata en si bémol pour piano) et de ses disciples, elle devient une page didactique en forme d’étude, destinée à vaincre l’une ou l’autre des multiples difficultés du piano, que l’on découvre avec passion. C’est, par exemple, l’étude du toucher, lorsqu’un chant suivi s’imbrique dans des traits exécutés aux deux mains (32 exercices en forme de toccata de l’élève de Mozart, Francesco Pollini), ou encore le travail des tierces et des sixtes enchaînées (toccata en ut op. 92, de Karl Czerny). On peut, néanmoins, déplorer que la finalité technique de ces œuvres, pauvres de réelle valeur musicale, en assèche quelque peu le contenu.
Mais, sous l’impulsion des grands pianistes romantiques, se réalisera l’équilibre synthétique de cette forme maintenant ambivalente ou des formes qu’on peut lui associer (un exemple parmi d’autres, le rondo final de la sonate pour piano en ut op. 24, de C. M. von Weber*). Ainsi, la juvénile toccata en ut pour piano de Schumann* (1830), avec ses deux thèmes, est-elle une page particulièrement habitée, bien qu’intégralement sous-tendue par la virtuosité.
Après cette œuvre grandiose, la toccata, à quelques exceptions près, disparaît de la littérature du clavier, pour réapparaître à la fin du siècle chez les pianistes (toccata en fa dièse op. 72 [1884] et 6e étude « en forme de toccata » du deuxième recueil d’études pour piano [1909] de Camille Saint-Saëns*) et surtout chez les organistes, dont elle devient l’apanage. Il faut dire qu’en cette période charnière ceux-ci touchent de somptueux instruments, propres à servir aisément la désormais brillante toccata. D’inégale valeur sont les toccatas de A. P. F. Boëly, de M. Reger, de Théodore Dubois, de Eugène Gigout, de Léon Boëllmann, de C. M. Widor, de L. Vierne, de Léonce de Saint-Martin, de Marcel Dupré, etc. Parallèlement, les grands compositeurs français du début de ce siècle donnent heureusement à cette forme quelques beaux fleurons qu’ils dédient au piano. Poétisée, la toccata, construite sur un ou deux thèmes, tout en gardant son caractère de « perpetuum mobile », retrouve son aspect premier de liberté et d’improvisation (Debussy, Pour le piano, 1901 ; Honegger, Toccata et variations, 1916 ; Ravel, le Tombeau de Couperin, 1917 ; Poulenc, Trois Pièces pour piano, 1928). C’est un staccato obstiné et rapide qui sous-tend intégralement la décorative toccata pour piano de Prokofiev (1912), colorée d’un langage harmonique profondément personnel.
Sous la désignation de toccatina ou de toccatella apparurent au long des xixe et xxe s. des compositions peu élaborées et techniquement très abordables, mais, cependant, débitrices de la grande forme qu’est la toccata.
P. G.