Tito (Josip Broz, dit) (suite)
Le socialisme selon Tito
L’originalité du régime voulu par Tito consiste dans la recherche d’une voie spécifique pour parvenir au socialisme.
Dans le domaine interne, l’État demeure soumis au régime du parti unique et tout-puissant qui prône la collectivisation. Mais celle-ci est modérée en ce qui concerne l’agriculture ; à partir de 1950, l’autogestion* doit favoriser le développement de l’économie et de l’initiative individuelle. C’est, selon Tito, l’« application spécifique » à la Yougoslavie des principes du marxisme. En 1965, une réforme économique jette les bases d’une économie de marché socialiste ouverte aux influences économiques venues de tous les horizons.
La rupture avec l’U. R. S. S. et la politique de non-alignement
En politique étrangère, la farouche volonté d’indépendance nationale de Tito face à tous les blocs l’oppose rapidement aux Soviétiques. La rupture avec l’U. R. S. S. de Staline est consommée dès 1948. Accusé de révisionnisme, le régime de Tito est attaqué avec violence par les staliniens et par l’ensemble des partis communistes européens. De son côté, Tito réprime durement toute manifestation de sympathie à l’égard de l’U. R. S. S.
Cette politique conduit Tito à se rapprocher des démocraties occidentales. En 1951, il libère l’archevêque de Zagreb, Mgr Stepinac, emprisonné depuis 1945, et conclut en 1954 un accord avec l’Italie au sujet de Trieste. La Yougoslavie bénéficie en retour d’une importante aide économique de la part des États-Unis et des pays occidentaux.
Après la disparition de Staline, Tito se rapproche de nouveau des dirigeants soviétiques (visite de Khrouchtchev à Belgrade en 1955, de Tito à Moscou en 1972, etc.), mais sans jamais s’aligner sur les positions du Kremlin. En politique étrangère, en effet, Tito est devenu un des chefs de file du mouvement neutraliste et de la politique de non-alignement (conférences de Belgrade en 1961, du Caire en 1964, de Lusaka en 1970). Pour mener celle-ci à bien, le maréchal entreprend de nombreux voyages à travers le monde.
Le combat pour l’unité
Au fil des années, Tito doit lutter en Yougoslavie contre plusieurs tendances centrifuges ou centripètes. En 1954 déjà, Milovan Djilas, le « numéro deux » du régime, est condamné à dix ans de prison pour avoir voulu secouer l’autorité du parti. En 1966, le vice-président Aleksandar Ranković est écarté à son tour, mais cette fois pour excès de « centralisme », tandis que le professeur Mihajlo Mihajlov est condamné pour avoir suivi les traces de Djilas.
À partir de 1970, Tito essaie par tous les moyens de renforcer le pouvoir de l’État fédéral, menacé par les forces nationalistes, centrifuges. C’est surtout en Croatie que ces éléments sont actifs ; mais, à partir de 1971, ils s’étendent à d’autres républiques fédérées (Serbie, Slovénie). Aussi des poursuites atteignent-elles de nombreux dirigeants croates, serbes et slovènes.
La réussite de Tito n’en reste pas moins exemplaire et originale, tant sur le plan du socialisme autogestionnaire que dans le domaine politique et diplomatique.
P. P. et P. R.
➙ Autogestion / Yougoslavie.
J. Mousset, Tito inconnu (Éd. du Chêne, 1945). / B. Lazitch, Tito et la révolution yougoslave (Fasquelle, 1957). / M. E. Naegelen, Tito (Flammarion, 1961). / M. Bekić, Tito et les écrits de ses contemporains (en serbo-croate, Zagreb, 1965). / V. Vinterhalter, la Vie de Josip Broz (en serbo-croate, Belgrade, 1968). / G. Mollet, le Socialisme selon Tito (Seghers, 1971). / V. Begović, Tito (en serbo-croate, Belgrade, 1972).