Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Titien (suite)

L’art de Titien et son rayonnement

Dans la variété des manières successives, on discerne la continuité d’un métier peu spontané, réfléchi, fruit d’un long travail dont d’admirables dessins à la plume font connaître le point de départ. Contenu au début dans des formes arrêtées, puis de plus en plus libre, le maniement du pinceau joue un rôle qui n’avait pas encore eu autant d’importance dans l’histoire de la peinture. C’est lui qui fond, module ou oppose les couleurs dont l’accord, fait de l’équilibre des tons froids et des tons chauds (sauf dans la dernière période, ou ceux-ci prédominent), donne à la forme sa plénitude. Il ne faut cependant pas ramener la peinture de Titien à quelque chose d’uniquement sensoriel, malgré le regard voluptueux qu’il pose sur les êtres et sur les choses. Sa vision s’ordonne en compositions amples et dynamiques qui tranchent avec le cloisonnement traditionnel, évitent la complication maniériste et ouvrent la voie au baroque. Titien a su enfin plier son métier aux exigences du sujet et faire passer en celui-ci la flamme de l’esprit, qu’il s’agisse de portraits, de thèmes religieux ou de mythologie.

À Venise, de son temps, Titien a eu quelque influence sur des peintres secondaires, Palma il Vecchio (v. 1480-1528), Paris Bordone (1500-1571), Bonifacio De Pitati (1487-1553), et aussi sur le Tintoret et sur le Véronèse. Plus remarquable est cependant le rayonnement posthume de celui qui sera longtemps défini comme le porte-drapeau de la couleur face au dessin classique. Assimilé par l’académisme* de Bologne, l’héritage de Titien a joué un rôle capital dans la formation de Vélasquez*. Il apparaît essentiel aussi chez des maîtres de la couleur qui sont en même temps de grands portraitistes : Rubens*, Van Dyck*, Watteau*, Reynolds*, Renoir*.

B. de M.

 W. Suida, Tiziano (Rome, 1933). / H. Tietze, Titian, Leben und Werk (Vienne, 1936 ; 2 vol.). / R. Pallucchini, Tiziano (Bologne, 1953-54 ; nouv. éd., Florence, 1969 ; 2 vol.). / F. Valcanover, Tutta la pittura di Tiziano (Milan, 1960 ; trad. fr. Tout l’œuvre peint de Titien, Flammarion, 1970). / A. Morassi, Tiziano (Milan, 1964). / H. E. Wethey, The Paintings of Titian (Londres, 1969-1971 ; 2 vol.).

Tito (Josip Broz, dit)

Homme d’État yougoslave (Kumrovec, Croatie, 1892).



Les années de jeunesse et l’adhésion au socialisme

Josip Broz naît dans une famille de pauvres paysans croates. Il doit quitter l’école dès l’âge de douze ans pour travailler comme ouvrier agricole, puis comme métallurgiste dans les usines de Croatie, alors possession de l’empire d’Autriche.

En 1910, il adhère au parti social-démocrate et au mouvement syndicaliste. En 1913, il fait son service militaire dans l’armée austro-hongroise, devient sous-officier et, au début de la Première Guerre mondiale, est envoyé avec son régiment sur le front de Serbie. Il est alors emprisonné pour propagande pacifiste, puis relâché et renvoyé au front.

En mars 1915, il est fait prisonnier par l’armée russe et envoyé dans un camp de l’Oural. Il met à profit les événements de 1917 pour s’évader, se rendre à Saint-Pétersbourg, où, gagné aux idées bolcheviques, il participe aux luttes contre le gouvernement de Kerenski. Garde rouge en novembre 1917, il va prendre part durant trois ans à la guerre civile. Il combat en Sibérie contre les Russes blancs, puis rentre en Croatie en 1920.

Inscrit au parti communiste, il s’engage dans les luttes sociales qui secouent le jeune royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Le parti communiste étant interdit en Yougoslavie, Josip Broz mène le combat dans l’illégalité ; syndicaliste, il organise des grèves. En 1927, il est secrétaire de l’Union des travailleurs de la métallurgie, mais en 1928 il est arrêté et condamné à cinq ans de prison pour atteinte à la sécurité de l’État.

En prison, qu’il appellera plus tard l’« université communiste », il étudie le marxisme ; léniniste, il pense que seul un parti organisé peut mener à bien la révolution.

Après sa libération, J. Broz, qui prend le nom de Tito, voyage en Europe et en Yougoslavie pour le compte de la IIIe Internationale. Il vient à Paris, où il organise le passage des brigades internationales vers l’Espagne ; à Moscou, il assiste au VIIe Congrès de l’Internationale communiste et aux purges staliniennes contre les cadres du parti de son pays qui se sont réfugiés en U. R. S. S.


Le chef du parti communiste yougoslave et la lutte contre les nationalistes

Le parti communiste yougoslave étant débarrassé de ses éléments fractionnistes, Tito en devient le secrétaire général à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Dès l’attaque allemande contre l’U. R. S. S., il organise en Serbie occidentale des milices de partisans. De 1941 à 1944, il met sur pied une véritable armée de libération populaire qui regroupera près d’un million d’hommes à la fin des hostilités.

Chassé de Serbie par les Allemands, Tito se replie dans les maquis montagneux du Monténégro. Le combat contre l’envahisseur étranger se double bientôt d’une guerre civile entre les communistes de Tito et les nationalistes de l’armée régulière, les Četnici, commandés par le général Draža Mihajlović et soutenus par le gouvernement yougoslave légal, émigré à Londres. Mais la lutte des partisans prend un nouvel essor avec l’organisation politique du mouvement : à sa session de Jajce (Bosnie), le 29 novembre 1943, le Conseil antifasciste de libération nationale de la Yougoslavie — créé en 1942 par Tito — proclame la non-représentativité du gouvernement de Londres, s’attribue le pouvoir législatif et élit un Comité national qui prend la forme d’un véritable gouvernement provisoire. Tito, qui reçoit alors le titre de maréchal, est nommé président du Comité national.

Toutefois, dans un souci d’efficacité et sous l’influence des Alliés, qui le reconnaissent comme chef de la résistance yougoslave, Tito accepte qu’un accord de coopération soit conclu entre les représentants du Comité national et ceux du gouvernement légal. Mais, après la libération de la Yougoslavie, le maréchal reste le maître incontesté du pays : président du gouvernement formé en mars 1945, il réprime vigoureusement l’opposition intérieure et assure la victoire du Front populaire aux élections de novembre 1945. Le 29 novembre, la République fédérative populaire de Yougoslavie est proclamée. En 1953, à la suite de modifications constitutionnelles, Tito est élu président de la République, tout en restant président du gouvernement fédéral. Après la promulgation d’une nouvelle constitution en 1963, il assume la seule charge de président de la République, mais conserve la haute main sur la direction du parti communiste yougoslave, comme secrétaire général du parti (1937-1966), puis comme président de la Ligue des communistes de Yougoslavie (depuis le 4 oct. 1966). Le 16 mai 1974, il est élu, par le Parlement fédéral, président à vie de la République yougoslave.