Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Thomas Becket (saint) (suite)

 A. L’Huillier, Saint Thomas de Canterbury (Palmé, 1891-92 ; 2 vol.). / M. Demimuid, Saint Thomas Becket, 1117-1170 (Gabalda, 1909). / W. H. Hutton, Thomas Becket, Archbishop of Canterbury (Londres, 1910 ; 2e éd., Cambridge, 1926). / S. Dark, Saint Thomas of Canterbury (Londres, 1927). / E. Walberg, la Tradition hagiographique de saint Thomas Becket avant la fin du xiie siècle (Droz, 1929). / P. A. Brown, The Development of the Legend of Thomas Becket (Philadelphie, 1930). / R. Foreville, l’Église et la royauté en Angleterre sous Henri II Plantagenêt, 1154-1189 (Bloud et Gay, 1944) ; le Jubilé de saint Thomas Becket du xiiie au xve siècle, 1120-1470 (S. E. V. P. E. N. et Droz, Genève, 1959).

Thomas More (saint)

Chancelier d’Angleterre (Londres 1478 - id. 1535).


Thomas More naquit dans la cité de Londres. Ses parents, de petite noblesse, le placèrent de bonne heure dans la maison du cardinal John Morton, archevêque de Canterbury. Il fit ses études à Oxford et fréquenta John Colet et Érasme, qui l’encouragèrent dans la voie de l’érudition et de l’humanisme.

En 1499, il se crut appelé à la vie religieuse et, durant quatre ans, jusqu’en 1503, il mena près de la chartreuse de Londres la vie ascétique des moines cartusiens. Puis il abandonna toute idée de vocation et revint dans le monde, mais, jusqu’à la fin de sa vie, il demeura scrupuleusement fidèle à ses devoirs religieux. En 1504, il devint membre du Parlement ; mais, s’étant opposé aux demandes de subsides formulées par Henri VII, il entra en conflit avec la Cour et dut renoncer à jouer un rôle politique. Il se maria en 1505, se consacra à ses études, reçut en 1508 Érasme, qui dédia à son hôte son Moriae encomium.

La mort d’Henri VII en 1509 lui permit de revenir en faveur. Avocat à Lincoln’s Inn, Thomas More était nommé en 1510 shérif adjoint de Londres et fut remarqué par Henri VIII* et son ministre, le cardinal Wolsey. En 1515, il fut envoyé comme ambassadeur en Flandres et mena à Calais, en 1517, de longues négociations commerciales. À la suite d’une célèbre plaidoirie devant la Chambre étoilée, où il fit condamner la Couronne, le roi, qui assistait en personne au jugement, décida de prendre un si redoutable adversaire à son service.

Thomas fut donc fait maître des requêtes en 1518 et membre du conseil privé. Sa carrière fut, dès lors, rapide. Après avoir résilié sa charge de shérif adjoint et d’avocat, il fut créé chevalier en 1521, nommé sous-trésorier du roi et envoyé de nouveau comme ambassadeur en Flandres. Speaker de la Chambre des communes en 1523, sénéchal des universités d’Oxford et de Cambridge, il obtenait en 1525 la chancellerie du duché de Lancastre.

Henri VIII le prit bientôt en amitié ; il avait plaisir à débattre avec lui de théologie, d’astronomie et de mathématiques. Il lui rendait souvent des visites impromptues et s’invitait à sa table. Craignant l’inconstance de la faveur des princes, Thomas More essaya de décourager ces royales avances. En vain ; après la disgrâce du cardinal Wolsey, en 1529, Henri VIII le nommait chancelier d’Angleterre ; Thomas More était le premier homme de loi à être investi d’une si haute charge. Cette nomination était également la consécration de l’ascension d’une caste sociale jusqu’alors modeste et une concession de la Couronne au parti populaire, qui considérait que le nouveau chancelier était dévoué à sa cause. Comme chancelier, Thomas More se montra irréprochable. Il se refusa constamment à recevoir les « cadeaux » que la coutume autorisait et à favoriser les intérêts de ses amis et de ses parents. Considéré comme le plus grand humaniste anglais de l’époque, il avait déjà publié (sous le nom latinisé de Morus) son Utopie (1516), ouvrage inspiré de l’idéal platonicien : il s’y plaît à opposer à la société contemporaine un royaume d’utopie où seraient appliqués un système d’éducation rationnel et une règle de travail pour tous, chacun devant se sacrifier au bien commun. Dans le domaine religieux, il alla jusqu’à souhaiter l’égalité de tous les cultes et l’élection du clergé.

Cependant, à l’égard des « hérétiques », il se montra dans la pratique extrêmement dur, et l’ancien humaniste ne fit preuve d’aucune mansuétude envers les protestants. Il polémiqua en outre par ses écrits contre les idées de Luther et celles du réformateur anglais William Tyndale, traducteur de la Bible.

Henri VIII, en le nommant chancelier, avait compté sur sa docilité. Or, Thomas More ne prit aucune part à la loi du 11 février 1531, qui faisait du roi le chef suprême de l’Église d’Angleterre. Refusant de cautionner le mariage de ce dernier avec Anne Boleyn après son divorce avec Catherine d’Aragon, il sollicita du roi, pour « raison de santé », d’être relevé de sa fonction de chancelier. Henri VIII accepta sa démission le 16 mai 1532.

Le retour de Thomas More à la vie privée ne mit pas celui-ci à l’abri de la vindicte royale, surtout après son refus d’assister au couronnement d’Anne Boleyn. Diverses accusations lancées contre lui se révélèrent sans fondement.

En mars 1534, une loi obligeant à reconnaître la légitimité des héritiers du roi et d’Anne Boleyn ainsi que leur aptitude à hériter de la Couronne était édictée ; une autre imposait aux clercs de renoncer à obéir au pape et de reconnaître la suprématie religieuse du roi. Convoqué devant la cour de Lambeth, Thomas More refusa de prêter le serment de suprématie, comme contraire à sa conscience, et fut enfermé à la tour de Londres.

Il y resta quinze mois. Le 1er juillet 1535, il était traduit devant une commission spéciale, à Westminster Hall, pour être jugé. Condamné à mort, il fut décapité le 7 juillet 1535, et sa tête fut exposée sur le pont de Londres. Thomas More fut béatifié en 1886 et le pape Pie XI le canonisa en 1935.

P. P. et P. R.

➙ Anglicanisme / Utopie.

 W. H. Hutton, Sir Thomas More (Londres, 1895). / The Last Letters of Blessed Thomas More (Londres, 1924 ; trad. fr. Écrits de prison, Éd. du Seuil, 1953). / D. Sargent, Thomas More (Londres, 1934 ; trad. fr., Desclée De Brouwer, 1935). / P. Pirard, Saint Thomas More (Éd. du Chant d’oiseau, Bruxelles, 1946). / G. Hourdin, Un intellectuel sans vanité : saint Thomas More (Gabalda, 1958). / G. Marc’hadour, l’Univers de Thomas More (Vrin, 1963) ; Thomas More (Seghers, 1971). / A. Prévost, Thomas More et la crise de la pensée européenne (Mame, 1969).