Thomas d’Aquin (saint) (suite)
L’œuvre
Les œuvres de Thomas d’Aquin sont entièrement commandées par la pédagogie universitaire de son temps : lecture, d’une part, des textes accrédités en chaque discipline (ici la Bible, Denys, Pierre Lombard, Aristote) et, d’autre part, des « questions disputées », c’est-à-dire les rédactions des cours publics où un maître discutait devant ses pairs et ses étudiants des thèmes choisis. Ainsi avons-nous de Thomas d’Aquin, avec des commentaires de l’Écriture et des œuvres d’Aristote, une longue série de questions disputées, classées sous des titres généraux : la vérité, la puissance, le mal, les vertus, etc. Parmi ces questions, et en pointe dans ce très actif enseignement, se situaient des questions dites de quolibet, c’est-à-dire sur n’importe quel sujet, au gré non plus du maître, mais des auditeurs, qui jetaient sur le tapis leurs problèmes, depuis l’existence de Dieu jusqu’aux incidents récents de la vie politique et économique. Thomas d’Aquin a été sinon le fondateur, du moins le promoteur de ce genre littéraire, dont nous possédons dix séances, dont celle où il a subi les violentes attaques de ses adversaires.
Deux œuvres sont plus célèbres, quoiqu’elles relèvent de sa composition privée : Summa contra gentiles (Somme contre les gentils, 1258-1264), présentation d’ensemble de la foi chrétienne contre les philosophes païens, et Summa theologiae (Somme théologique, 1266-1273), exposé des débutants, dit-il, dont la valeur réside dans l’articulation générale plus encore que dans le détail des parties. À quoi il faut ajouter de nombreux opuscules de circonstance.
Saint Thomas devait mourir alors qu’il était en route pour le concile œcuménique de Lyon, grande opération de rencontre entre l’Occident et l’Orient, où il avait été appelé comme expert. On ne peut mieux évoquer ce théologien qu’en reprenant le texte de son ancien élève et biographe Guillaume de Tocco (v. 1238 - v. 1323), qui, dans une phrase de cinq lignes, reprend avec insistance le caractère de nouveauté de la doctrine, de la méthode, de l’inspiration : « Frère Thomas posait dans ses cours (les problèmes nouveaux, découvrait de nouvelles méthodes, employait de nouveaux réseaux de preuves ; et, à l’entendre ainsi enseigner une nouvelle doctrine, avec des arguments nouveaux, on ne pouvait douter que Dieu, par l’irradiation de cette nouvelle lumière et par la nouveauté de cette inspiration, lui ait donné d’enseigner, dès le début, en pleine conscience, en parole et par écrit, de nouvelles opinions. »
Les « triomphes » de saint Thomas d’Aquin, genre pictural répandu aux xive et xve s., ne représentent pas adéquatement le destin de ce grand maître de la théologie.
M. D.-C.
➙ Thomisme.
A. D. Sertillanges, Saint Thomas d’Aquin (Alcan, 1910 ; 2 vol.). / M. Grabmann, Thomas von Aquin (Kempten, 1914, 8e éd., Munich, 1949 ; trad. fr. Saint Thomas d’Aquin, Bloud et Gay, 1936). / E. Gilson, Saint Thomas d’Aquin (Gabalda, 1925). / L. Lachance, l’Humanisme politique de saint Thomas d’Aquin (Sirey, 1939, 2 vol. ; nouv. éd., 1965). / A. Walz, Santo Tommaso d’Aquino (Rome, 1945 ; trad. fr. Saint Thomas d’Aquin, Nauwelaerts, Louvain, 1962). / P. B. Grenet, le Thomisme (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1953 ; 5e éd., 1970). / M. D. Chenu, Introduction à l’étude de saint Thomas d’Aquin (Vrin, 1955) ; Saint Thomas d’Aquin et la théologie (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1959). / Saint Thomas aujourd’hui (Desclée De Brouwer, 1963). / S. Breton, Saint Thomas d’Aquin (Seghers, 1965). / J. Rassam, la Métaphysique de saint Thomas (P. U. F., 1968) ; Thomas d’Aquin (P. U. F., 1969). / D. E. Proton, Thomas d’Aquin (Éd. universitaires, 1969).