Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

automobile (suite)

La situation de l’industrie britannique est différente : les usines et les constructions se sont concentrées dans le vieux foyer industriel des Midlands, autour de Birmingham, ou dans les villes proches du bassin de Londres (comme Coventry et, dans une moindre mesure, Oxford). La vigueur et la diversification des industries mécaniques traditionnelles ont sans doute retardé ici le mouvement de rationalisation et d’intégration des fabrications.

C’est en Allemagne que le schéma d’implantation des nouvelles fabrications est le moins simple : les grands foyers d’industrie de la fin du xixe s. ne réussissent pas ici plus qu’ailleurs à attirer les nouvelles fabrications ; la Ruhr, qui ne tient qu’une place modeste, abrite surtout des constructions de matériel lourd ou spécialisé. Les firmes importantes sont plus sensibles aux avantages des foyers urbains indépendants, et s’installent à Munich, à Francfort, à Stuttgart, à Hambourg, à Brême, ou dans les métropoles qui commandent à distance le foyer westphalien (Cologne).

À la veille de la Seconde Guerre mondiale, l’industrie automobile est aux mains de vieilles nations industrielles qui disposent de marchés intérieurs de grande dimension. Des pays comme la Belgique, les Pays-Bas, la Suède n’ont pas encore démarré, car leur population n’est pas assez nombreuse, et d’autres comme l’Italie souffrent de l’étroitesse du marché intérieur, bridé par le faible niveau de vie. En U. R. S. S., les premières usines sont construites sur le modèle américain, à Gorki ; mais les fabrications de véhicules ne sont considérées comme prioritaires que si elles fournissent des camions ou peuvent effectivement offrir un intérêt stratégique.

Les conditions se sont modifiées depuis la Seconde Guerre mondiale. Il est toujours nécessaire à un pays de disposer d’un marché intérieur important pour se lancer dans les fabrications, mais l’augmentation des niveaux de vie a permis d’allonger la liste des nations qui entrent dans cette catégorie. Les pays de très haut niveau de vie comme la Suède ou l’Australie peuvent lancer des fabrications quand bien même leur population n’excède pas, ou excède peu, dix millions de personnes. L’Italie, le Japon ont déjà atteint le niveau à partir duquel la demande nationale s’accroît vite. La même transformation est en train de s’effectuer en Espagne. Elle s’esquisse dans certains pays latino-américains : en Argentine, au Brésil et au Mexique.

Les États-Unis concentraient les deux tiers des capacités de production à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Leur part dans le marché ne correspond plus qu’à 37 ou 38 p. 100 du total, cependant que l’Europe occidentale est en passe de les rejoindre avec plus de 30 p. 100. Le reste du monde ne fournit guère que 30 p. 100 (là-dessus, le Japon représente maintenant plus de 10 p. 100, et l’U. R. S. S., le Canada et l’Australie comptent pour autant).

La diffusion de l’industrie dans les nations qui étaient autrefois incapables d’offrir un débouché suffisant rencontre des difficultés. Lorsque l’habitude s’est prise d’importer les véhicules, la clientèle se disperse entre une multitude de marques, si bien qu’il est difficile de fabriquer en grande série. L’industrialisation ne peut guère se faire qu’à la suite de la mise en place de droits de douane protecteurs, ou à l’initiative des producteurs étrangers eux-mêmes. Le nombre des fabricants n’augmente guère dans le monde malgré la multiplication des pays où l’industrie est installée. Il a même tendance à décroître, dans la mesure où les industriels américains s’intéressent de plus en plus aux marchés extérieurs et s’y installent en force, imités, dans le tiers monde, par les grands producteurs européens. Les seuls noms réellement nouveaux depuis 1950 sont ceux des producteurs japonais, comme Toyota, Nissan, Toyo Kogyo ou Mitsubishi Jyukogyo.

À l’intérieur des nations, l’implantation des établissements se modifie. La concentration sans cesse plus poussée au sein d’entreprises géantes va de pair avec la dispersion des établissements. Les grands centres urbains ont moins d’attrait qu’il y a une génération. Ils souffrent de congestion, ce qui y entraîne une restriction des installations nouvelles. Par ailleurs, l’industrie est sortie de sa phase pionnière. L’attrait des foyers d’innovation disparaît. Dans la mesure où la structure de l’entreprise se renforce, elle est capable de mieux disperser ses forces sans perdre de son efficacité. La structure des marchés de sous-traitance se modifie. Ils deviennent abstraits, moins localisés, ce qui favorise la dispersion.

Les nouvelles possibilités d’implantation étaient déjà sensibles à la veille de la Seconde Guerre mondiale : Volkswagen n’avait-elle pas installé ses chaînes dans une région dépourvue de tradition industrielle, à Wolfsburg ? Depuis la guerre, l’évolution se précipite : l’automobile devient de plus en plus une fabrication de ville moyenne. L’évolution a été très loin en Grande-Bretagne, où la redistribution est générale. Elle est assez nette en France (Citroën à Rennes). Elle n’est pas encore ébauchée en Italie, où Turin continue à bénéficier presque seule des grandes installations. Elle ne s’imposait pas en Allemagne, où la concentration géographique n’avait jamais été aussi absolue. Chez les nouveaux fabricants, la diversité des implantations tient souvent à la multiplicité des firmes qui ont essayé de prendre pied sur le marché.

Durant les prochaines décennies, la suprématie des vieux foyers industriels de l’Europe et de l’Amérique du Nord s’amenuisera. Mais les caractères de la production resteront-ils les mêmes ? L’utilisation de nouveaux matériaux, les progrès de l’automatisation ne vont-ils pas bouleverser les conditions d’implantation ? Et les difficultés que fait naître l’utilisation massive de l’automobile n’entraîneront-elles pas de ces révisions déchirantes des techniques, que le secteur a jusqu’ici réussi à éviter ? Ce sont là des raisons qui incitent à la prudence lorsqu’on essaie de dire ce que sera demain la localisation de la construction automobile.

P. C.