Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

automobile (suite)

La concentration de l’industrie est aussi notable sur le plan géographique qu’elle l’est sur le plan financier : la construction est le fait d’un petit nombre de nations. Il s’agit de pays industriellement avancés, et dont le marché intérieur est important : une dizaine de pays effectuent l’essentiel des fabrications. On ne trouve ailleurs que des installations destinées à la fourniture de matériels spécialisés de véhicules lourds et au montage de voitures dont les pièces sont importées en partie ou en totalité.

Le dynamisme de l’industrie automobile est frappant. Il s’agit pourtant d’un domaine qui n’a pas connu de mutation technologique très brutale depuis le début du siècle. La conception générale des véhicules n’a pas changé. Les moteurs ont été améliorés, mais aucun modèle révolutionnaire n’a été utilisé à l’échelle industrielle jusqu’à ce jour ; on a parfois l’impression que les firmes les plus puissantes redoutent les modifications que la lutte contre la pollution risque de leur imposer. C’est peut-être ce relatif conservatisme qui a permis à l’industrie automobile d’offrir les conditions les meilleures à qui voulait diminuer les prix de revient : les investissements massifs nécessaires à la construction actuelle peuvent être amortis sans difficulté dans la mesure où ils servent durant de longues périodes ; les modèles se succèdent à un rythme rapide (tous les ans aux États-Unis), mais ils diffèrent plus par leur carrosserie, par leur allure générale, que par leur conception et par les pièces qu’ils incorporent. Les fabrications se poursuivent durant des années sans qu’il soit nécessaire de renouveler sans cesse l’outillage.


Historique de la production

La construction automobile a pris les caractères que nous lui connaissons aux alentours de la Première Guerre mondiale. Elle était née là où prospérait la carrosserie. Elle avait fleuri dans des capitales, Londres ou Paris, dans des villes aristocratiques comme Turin, ou dans des zones où la fabrication des véhicules avait un caractère industriel, cas de la région de Detroit aux États-Unis. Elle travaillait à façon, pour une clientèle aux goûts contrastés. Elle fabriquait très cher des voitures qui n’étaient jamais complètement standardisées.

Ford a bouleversé tout cela : par la standardisation et la fabrication à la chaîne, il a fait sortir l’automobile du stade artisanal. En abaissant les prix, il lui a ouvert des débouchés élargis, il en a fait un produit de consommation de masse. Les premières Ford type « T » sont sorties des ateliers en 1908. Dès avant 1914, l’utilisation de l’automobile commençait à se généraliser aux États-Unis, cependant que les industriels européens adoptaient les uns après les autres les méthodes de production américaines — ainsi en était-il en France de Berliet et Renault. La démocratisation de l’automobile apparaît en France et dans les pays voisins après la Première Guerre mondiale ; elle débute avec la fabrication du « Trèfle » de Citroën. Au moment de la crise, en 1929, aucun des pays d’Europe occidentale n’a encore de parc permettant une circulation dense. La récession et la guerre repoussent jusqu’aux environs de 1950 la grande vague de la demande.

Les vieilles structures artisanales disparaissent dès les années 20. De nombreuses petites firmes se regroupent ou font faillite, cependant qu’apparaissent des groupes géants. Ceux-ci ne contrôlent pas encore tout le marché : de moyens constructeurs indépendants se maintiennent, en Europe en particulier, en profitant d’une clientèle aisée qui accepte de payer cher des produits de bonne facture.

La concentration géographique va de pair avec la multiplication des chaînes de montage. Dans le prix du produit fabriqué, les matières premières ne comptent que pour une faible part, si bien que les régions productrices de produits métallurgiques n’attirent guère les usines. La proximité du marché n’apporte pas non plus d’avantage essentiel. Lorsque les pays sont petits, les frais d’expédition des véhicules fabriqués y sont toujours négligeables (1 p. 100 au maximum du prix de revient pour un pays comme la France). Dans des espaces de dimension continentale, comme les États-Unis, la situation est un peu différente. Il y a intérêt à monter les voitures près des zones de vente. Mais cela n’interdit pas de concentrer les ateliers de fabrication de pièces et de sous-ensembles, comme on le constate à Detroit.


Localisations actuelles de la production

Deux types d’environnement conviennent alors particulièrement bien aux fabrications automobiles : elles se localisent volontiers dans les très grandes villes, qui offrent à la fois un marché de main-d’œuvre qualifiée et un climat intellectuel favorable à l’innovation ; elles sont également attirées par les zones de construction mécanique, où elles trouvent des entreprises prêtes à pratiquer la sous-traitance sous toutes ses formes. Dans la mesure où la normalisation se généralise, les fabricants ont tous intérêt à s’adresser aux mêmes façonniers, qui peuvent abaisser leurs prix grâce à l’allongement des séries.

En France et aux États-Unis, les foyers qui avaient bénéficié les premiers de l’installation des usines concentrent presque toute la production. Detroit regroupe les trois principaux producteurs des États-Unis et domine également le marché canadien grâce à la succursale proche de Windsor. L’industrie automobile a tout suscité ou presque (la carrosserie, qui l’avait précédée, n’avait pas fait naître les fabrications mécaniques qui s’imposent désormais). Les constructeurs américains n’ont pas le choix : ils doivent s’intéresser aux divers aspects de la production et pousser l’intégration beaucoup plus loin que ne le font leurs concurrents européens.

En France, la situation est un peu la même pour les fabricants installés dans les grandes villes (à Paris, qui assure près des trois quarts des fabrications, à Lyon). Seule l’usine Peugeot de Sochaux échappe à ces problèmes, ce qui explique son évolution assez particulière, sa croissance initialement plus lente. La proximité de foyers de petite mécanique limite sans doute l’attrait de l’intégration, qui n’est systématiquement recherchée que par Renault.