Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

télévision (suite)

On a pu établir que, dans l’ensemble, une certaine catégorie de téléspectateurs (surtout dans la classe moyenne inférieure, parmi les vieillards et les jeunes enfants) est intéressée par la majorité des programmes, cependant qu’une autre catégorie (la classe moyenne supérieure, les intellectuels) se caractérise par des jugements très critiques. Une troisième catégorie (les cadres moyens, les habitants des grandes villes) accepte bien la plupart des émissions, mais les choisit avec discernement. Enfin, certains types d’émissions (les sports, la musique, les magazines) ont la faveur d’une catégorie déterminée du public. Dans presque tous les pays, ce sont les programmes de fiction (dramatiques, films, séries) qui recueillent le plus d’approbations.

Il est assez difficile de modifier les habitudes et les goûts du public. Cependant, à la longue, on peut constater quelques évolutions. Les émissions dites « culturelles », si elles sont bien présentées, peuvent, peu à peu, être mieux accueillies par un public d’abord réticent. C’est ce qui justifie une politique des programmes conçue dans le dessein d’élever le niveau intellectuel des usagers. On note que la télévision, dans les pays où elle est organisée selon le principe de la concurrence commerciale, accorde plus de place aux variétés et aux sports et moins d’importance aux magazines, aux émissions culturelles et aux informations qu’elle ne le fait dans le cadre du monopole d’État.


Les effets sur le public

Plusieurs travaux sociologiques ont été consacrés aux effets moraux, sociaux, culturels et politiques de la télévision. Celle-ci, dans l’ensemble, ne détermine pas des bouleversements aussi importants qu’on l’a cru souvent, d’abord parce qu’il se produit des phénomènes d’accoutumance et de saturation, et aussi parce qu’en général, en vertu de ce qu’on nomme l’attention sélective, les auditeurs sont intéressés surtout par ce qui est conforme à leurs goûts et opinions préalables, qui se trouvent ainsi plus souvent renforcés que modifiés. On a pu vérifier que la télévision ne rend pas les gens uniformément passifs, qu’elle n’accroît guère les tensions familiales, qu’elle ne contribue pas nettement à élever ou à abaisser les réussites scolaires des enfants. On a reproché au petit écran d’être responsable d’une augmentation de la violence dans les sociétés modernes. Mais, en réalité, il apparaît plutôt que, si les programmes de télévision font une grande place aux images de violence, cela ne transforme pas en délinquants les individus qui n’avaient aucune prédisposition à le devenir. Par contre, ces spectacles créent des effets d’accoutumance et d’insensibilité. Mais ils peuvent avoir aussi, parfois, des effets cathartiques, en offrant une issue imaginaire aux tendances agressives, grâce à des processus d’identification et de projection.

Dans le domaine culturel, la télévision n’est sans doute pas seule responsable d’une évolution vers l’audiovisuel, qui, toutefois, ne semble pas devoir mettre fin à la « galaxie Gutenberg », comme on l’annonce parfois, mais plutôt préparer une forme de culture diversifiée. Il n’est pas exact non plus de parler à ce propos de culture* de masse, si l’on entend par là que la télévision agit directement sur un public amorphe, non structuré. En réalité, les effets de la télévision s’exercent à l’intérieur des groupes sociaux distincts, et il est probable que l’ensemble des téléspectateurs sera de plus en plus diversifié.

Quant aux effets politiques, ils sont complexes et, en général, modestes en ce qui concerne l’immédiat. Par exemple, dans les campagnes préélectorales, les émissions de télévision déplacent un pourcentage restreint d’intentions de vote. Plus exactement, le petit écran amplifie les tendances préexistantes, qu’elles soient celles de la stabilité ou du changement, mais ne les crée que rarement. On constate d’autre part des « effets de boomerang », quand une propagande excessive cherche à heurter de front les opinions préalables des téléspectateurs. Les effets à long terme sont plus difficiles à évaluer, mais peut-être plus puissants. Oscillant entre le conformisme ou la contestation, selon les contextes politiques et les circonstances, la télévision peut donner une importance accrue à des tendances minoritaires ou bien développer un certain apolitisme. Enfin, elle contribue à la personnalisation du pouvoir, en donnant une audience prépondérante et directe à certaines personnalités.


L’avenir de la télévision

De nouvelles techniques apparaissent sans cesse qui modifient les conditions de réception et les effets de la télévision. D’une part, la reproduction des sons et des images s’améliore, avec, notamment, l’intervention de la couleur et peut-être, plus tard, celle du relief. Les appareils récepteurs deviennent plus maniables, plus minces, plus variés dans leurs formes. Les réseaux de diffusion, les chaînes se multiplient et proposent des choix plus larges entre des programmes variés. Cette diversification, qui entraîne un fractionnement des publics, est accentuée par la télédistribution par câbles coaxiaux, qui engendre, comme l’on dit, une « télévision de clocher » et permet non pas seulement des émissions adaptées à un public restreint, mais des échanges possibles entre les récepteurs et l’émetteur. Les vidéo-cassettes, en facilitant la conservation des émissions, fourniront à leurs utilisateurs la possibilité de projeter sur le petit écran le spectacle de leur choix au moment qui leur convient. En même temps, la diffusion des programmes par satellites, avec relais et peut-être, plus tard, sans relais, élargira l’audience des grandes chaînes au-delà des frontières, tout au moins pour certains types d’émissions. On peut donc prévoir que la télévision, dans le monde, aura un public de plus en plus vaste, mais aussi de moins en moins semblable à une « masse », car il aura à sa disposition un éventail très large de possibilités de réception.

J. C.

➙ Antenne / Communications de masse / Enseignement / Information / Onde / Radiodiffusion.