Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

syndrome (suite)

• La connaissance de la cause est un critère essentiel pour définir la maladie et permettre son classement nosologique ; toutefois, il est souvent difficile, voire impossible de faire la distinction entre syndrome et maladie. Si l’origine indéterminée et la diversité des causes possibles sont les deux critères proposés pour définir le syndrome, de nombreux états décrits originellement comme syndromes sont maintenant, du fait des progrès de la médecine, rattachés à une cause précise. Ainsi, le syndrome de Down, ou mongolisme, est maintenant reconnu comme étant en rapport avec une anomalie chromosomique, la trisomie 21 (v. chromosome), et une tendance très nette se précise pour appeler trisomie 21 ce qu’on désignait précédemment sous le nom de mongolisme. C’est néanmoins l’usage qui fait loi, et le terme de syndrome est souvent conservé, notamment lorsque celui-ci est accolé aux noms du ou des médecins qui l’on décrit (syndromes à noms propres).

• Un syndrome peut n’être qu’une réaction normale de l’organisme à certaines agressions, sans être un état pathologique. Ainsi, l’exercice musculaire forcé entraîne une hyperglycémie (augmentation du taux du sucre sanguin), une accélération du pouls, une augmentation de sécrétion des hormones surrénales, qui entrent dans le cadre du syndrome général d’adaptation de Selye, et, dans le cas présent, ce syndrome ne constitue pas un état pathologique, alors que ce sera le cas après un violent traumatisme, une opération chirurgicale, etc. Ainsi, l’augmentation du nombre des globules rouges (polyglobulie) qui survient lors d’un séjour prolongé en haute altitude est un syndrome physiologique traduisant simplement la réponse de l’organisme à une privation partielle d’oxygène.

La diversité des syndromes est extrême du fait des multiples combinaisons de symptômes que peuvent engendrer les causes pathologiques, et nous n’avons évoqué ici que les plus couramment observés.

On comprend que leur connaissance approfondie et leur bonne interprétation soient nécessaires pour établir un diagnostic. Toutefois, un syndrome n’a de valeur que dans la mesure où ont été justement appréciées l’existence et l’importance des symptômes ou signes qui le constituent.

J. B. et C. V.

➙ Maladie / Symptôme.

 H. Durham, Encyclopedia of Medical Syndromes (New York, 1960). / P. Hombourger, Nomenclature des maladies et syndromes à noms propres (Delalande, Courbevoie, 1963).

Synge (John Millington)

Auteur dramatique irlandais (Rathfarnham, près de Dublin, 1871 - Dublin 1909).


À ce passionné de nature, de musique, de langues, le destin ne laisse qu’une brève existence pour devenir l’un des grands chantres de son pays. Membre du Dublin Naturalists’ Field Club de 1886 à 1888, il est étudiant sans enthousiasme au Trinity College de Dublin (1888-1892) ; l’amour du violon le conduit en Allemagne (1893) pour y parfaire ses connaissances musicales, et seule une excessive timidité, dont il parle dans son Etude Morbide, or Imaginary Portrait (1899), l’empêche de jouer dans les concerts. Très attiré par les langues, Synge séjourne souvent à Paris dès 1894. Il s’essaie aussi à écrire. Mais il faut la suggestion de Yeats* d’aller visiter les îles Aran, en 1898, pour qu’il découvre enfin cette rude terre de l’Irlande et ses hommes de la dure glèbe, dont il va associer la langue à la littérature et les histoires aux grands mythes universels. Ce barde de l’Irlande est l’un des rares écrivains tranquilles de la littérature irlandaise. L’intérêt profond de Synge pour son pays et l’identité de celui-ci ne passent pas par la politique, malgré une brève affiliation en 1897 à l’Irish League de Maud Gonne et son amitié avec Yeats — avec celui-ci et lady Gregory il assume la direction de l’Abbey Theatre à partir de 1904. Synge ne chante pas non plus en poète le paysan irlandais, sa terre, son âme, et Poems and Translations (1909) ne représente pas le meilleur de son œuvre. Il manque la lyre d’Ossian à « The Mergency Man », à « In Kerry », à « Danny », typiquement irlandais de cadre et d’esprit, et même au vigoureux « A Wish » dédié à l’actrice Molly Allgood, avec qui Synge se fiance secrètement en 1907. Comme à beaucoup d’auteurs irlandais, le théâtre offre à Synge son vrai moyen d’expression. Mieux même que l’essai, genre dans lequel il débute avec « Under Ether » (1897), impressions autour d’une opération chirurgicale (il mourra de la maladie de Hodgkin) et où il témoigne de ses allées et venues dans les comtés, avec « A Story from Inishmaan » (The Ireland Review, 1898), « In the Congested Districts » de Connemara et de Mayo (12 essais dans le Manchester Guardian, 1905), « The Vagrants of Wicklow », « In West Kerry » (The Shanachie, 1906 et 1907) ; The Aran Islands (1907) reste le modèle le plus réussi d’une perception délicate du grand thème des mouvements de la vie des paysans intimement liés à ceux de la nature et participant sans le savoir à la grande tragédie cosmique, forme caractéristique de son théâtre.

À mi-chemin entre le symbolisme de Yeats et le réalisme d’un Padraic Colum se situe l’art de Synge, évitant naturellement l’écueil où, d’après lui, s’enferre Emily Lawless, dont la Grania (1892) ignore, dit-il, la vraie paysannerie des îles Aran qu’elle prétend peindre. Ses pièces, qui puisent le plus souvent au cœur même de la réalité des hommes du terroir, n’en soulèvent pas moins, comme The Shadow of the Glen (1903) ou The Playboy of the Western World (1907) — l’une de ses meilleures —, un véritable tollé, mêlant les accusations, désormais classiques, d’impudeur, d’irrévérence et d’outrage à la nation. Mais, dit-il dans National Drama : A Farce (vers 1902), « la bonne œuvre d’art se passe que vous tentiez de démontrer qu’elle n’est pas nationale ». Riders to the Sea (1904), sur le monde des pêcheurs, The Well of the Saints (1905), The Tinker’s Wedding (1909), sur celui des nomades, complètent le portrait de ce peuple à la fois expansif et renfermé, fruste et détenteur d’une des plus vieilles cultures. Ses personnages, où dominent les femmes, courbent le dos aux éléments, telle la vieille Maurya. Jouets de leurs impulsions, comme les Nora, Sarah, Pegeen, en même temps qu’en état de perpétuelle rébellion, ils méconnaissent les conventions avec la vieille Mary Byrne et vivent dans le rêve intérieur des Doul. Superstition et christianisme se mêlent, comédie et lyrisme aussi, qui font valoir l’imagination celte exaltée et poétique incarnée par Christie Mahon. Le thème de la mort, qui hante Synge, domine partout et surtout dans la prenante histoire de Deirdre of the Sorrows, la tragédie qu’il ne peut terminer. La langue paysanne, imagée, vivace, lyrique ou crue, devient par le talent de Synge outil littéraire.

D. S.-F.

 D. H. Greene et E. M. Stephens, J. M. Synge, 1871-1909 (New York, 1959). / S. Cornier, J. M. Synge et Arne Garborg, l’homme et son milieu naturel : agressivité, passivité et harmonie (Université de Caen, 1971). / R. Skelton, The Writings of J. M. Synge (Londres, 1971).