Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Surinam (suite)

 J. G. Stedman, Narrative of a Five Year’s Expedition against the Revolted Negroes of Surinam from the Year 1772 to 1777 (Londres, 1796, 2e éd., 1806, 2 vol. ; trad. fr. Voyage à Surinam et dans l’intérieur de la Guyane, F. Buisson, 1799, 3 vol.). / Encyclopaedie van Nederlandsch West-Indie (La Haye, 1914-1917). / M. Devèze, les Guyanes (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1968). / A. Carpenter et J. C. Lyons, Surinam (Chicago, 1970).

surréalisme

Mouvement littéraire et artistique du xxe s.


Le mouvement surréaliste


Une crise de civilisation

La Première Guerre mondiale mit en évidence le dérisoire de l’humanisme occidental. Celui-ci venait d’aboutir à une des plus grandes catastrophes de l’histoire. Ses valeurs ne résistaient plus à la réalité : il fallait les redéfinir. Il fallait redéfinir l’homme et le monde. Dada* réagit violemment. Il eut pour but de détruire ; le surréalisme prit la relève. Détruire d’abord, agir ensuite, tenter de susciter une re-naissance en tenant compte des grandes révolutions intellectuelles et politiques de l’époque, le freudisme et le marxisme, ne craignant pas de les associer tout en faisant appel à d’autres disciplines, comme l’ésotérisme. Les cloisons qui, jusque-là, séparaient les différents chemins de la connaissance étaient réduites à néant. Tous les moyens furent envisagés pour réviser de fond en comble l’homme malade de civilisation de ce début du xxe s.

Jusque-là, l’homme avait trouvé refuge dans l’art ou la religion pour éviter d’être confronté à une réalité qui se dégradait peu à peu ; à partir du surréalisme, l’écart établi entre la réalité et l’irréel, entre le possible et l’impossible fut nié. Pour la première fois, la volonté de réaliser le rêve dans le quotidien commença à voir le jour ; elle n’était plus le but de la littérature, mais la raison de vivre.

Dans cette perspective, le surréalisme avait été préparé de longue date. Chaque époque a eu ses marginaux qui ont considéré la littérature comme un pis-aller, seul lieu possible pour redorer le blason de la vie. À commencer par le marquis de Sade. Mais il faudra attendre la période romantique pour que soit mis au premier plan le rôle de l’« artiste » et de son imagination pour modifier la manière de vivre. Les surréalistes ont surtout reconnu comme des leurs les romantiques allemands Novalis*, Hölderlin* et surtout Achim von Arnim, qui, dès 1817, affirmait : « Nennen wir die heiligen Dichter auch Seher » (le poète devenait le voyant de la réalité telle qu’elle devait être). Les « petits romantiques » français (Pétrus Borel, Aloysius Bertrand, Xavier Forneret) et surtout Rimbaud* et Lautréamont* servirent de repères aux surréalistes. N’avaient-ils pas vécu la vanité de la création littéraire par le silence de l’exil ou celui de la mort ? Même s’ils ne voulurent pas de guide, les surréalistes eurent pour fanal ces chercheurs d’absolu dans la vie.


« Deux vagues dont tour à tour chacune va recouvrir l’autre. »

Bien avant la Première Guerre mondiale, les symptômes du malaise de la civilisation s’étaient déjà fait sentir dans l’art : le futurisme*, le cubisme* fustigèrent l’art dit « classique ». Pendant la guerre, les revues Nord-Sud, Sic réunirent, sous l’inspiration de Guillaume Apollinaire*, tous ceux qui mettaient en cause non seulement les formes artistiques, mais encore la réalité à proprement parler. C’est chez Guillaume Apollinaire qu’André Breton*, Philippe Soupault et Louis Aragon* se rencontreront. Ils créent ensemble, en mars 1919, la revue Littérature, ainsi nommée par dérision et qui fait paraître des Poésies de Lautréamont et, paradoxalement, des textes de Gide et de Valéry. Dans le même temps, Breton est entré en correspondance avec Tristan Tzara, qui, à Zurich, anime allègrement le mouvement dada. La lecture du Manifeste dada 1918 impressionne le petit groupe. La rencontre avec Tzara, qui vient à Paris, galvanise ses membres. Littérature prend un tour plus virulent. Mais, tout au long de sa période dada (1919-1922), la revue gardera un caractère qui lui est propre, ne serait-ce déjà que dans sa présentation apparemment classique. Dès 1919 étaient entrepris les premiers essais d’écriture automatique, dus à la collaboration de Breton et de Soupault, et qui paraîtront en 1920 sous le titre les Champs magnétiques. À partir de 1921, les surréalistes s’adonnent au sommeil hypnotique. Ces deux activités majeures sont une création spécifique. Breton, qui deviendra le chef de file des surréalistes, s’est d’ailleurs défendu d’être un émule de dada : « Il est inexact et chronologiquement abusif de présenter le surréalisme comme un mouvement issu de dada ou d’y voir le redressement de dada sur le plan constructif. La vérité est que dans les revues dada proprement dites, textes surréalistes et textes dada offrent une alternance continuelle. » Surréalisme, dadaïsme, « deux vagues dont, tour à tour, chacune va recouvrir l’autre ». La vague de fond surréaliste finira par recouvrir le tourbillon dada. Mais il n’empêche que dada a donné au surréalisme un style, une intransigeance qui, tout au long de sa longue histoire, lui permettront de garder la vigilance nécessaire pour ne pas s’égarer de sa ligne. Le fantôme dada n’est pas étranger à la rigueur, au radicalisme que Breton, sa vie durant, exigera pour lui-même et pour ses compagnons de route.

À la suite du « procès Barrès », qui a lieu le 13 mai 1921, Breton et ses amis rompent avec dada. À ceux de la première heure, Aragon et Soupault, se sont joints Paul Eluard*, Robert Desnos (1900-1945), Benjamin Péret (1899-1959). Ils s’engagent totalement dans l’expérience surréaliste, qui, à cette époque, est essentiellement une pratique : essais d’écriture automatique, jeux (le cadavre exquis), rêves éveillés, sommeils hypnotiques. Il est bien entendu que l’art et plus particulièrement la littérature ne sont pas le but de ces entreprises. Il s’agit de retrouver ce que Michel Carrouges a appelé les « données immédiates de la conscience » : il s’agit de briser tous les préjugés, les tabous qui font barrage, qui empêchent une prise directe de la réalité telle qu’elle est, tout en essayant d’oublier celle que la culture déforme et véhicule.