Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Surinam (suite)

L’histoire

La côte de la Guyane est aperçue en 1498 par Christophe Colomb, mais elle n’est pas explorée par les Européens avant la fin du xvie s. Des marins anglais comme Robert Dudley et Walter Ralegh visitent ce pays, alors peuplé par des tribus d’Indiens caraïbes, Arawaks et Tupis. Dans les premières années du xviie s., l’Angleterre y fonde des établissements pour la culture du tabac tandis que les Hollandais s’implantent sur les rives de l’Essequibo (1602) et de la Berbice (1627), sur le territoire de l’actuel État de Guyane*.

Vers 1650, des Anglais conduits par lord Willoughby viennent de l’île Barbade fonder sur le Surinam une colonie, qui jouit rapidement d’une grande prospérité grâce à la culture de la canne à sucre. Mais, au printemps de 1667, une troupe de Hollandais s’empare de la région, dont la possession leur est reconnue par les Anglais au traité de Breda (juill. 1667) ; cette cession est confirmée en 1674 par le traité de Westminster.

En 1682, les états généraux des Provinces-Unies donnent ce territoire en concession à la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales qui en confie l’administration à un gouverneur énergique, Cornelis Van Aerssen (1683-1688). L’arrivée de nombreux huguenots et l’introduction de la culture du café améliorent le sort de la colonie, dont les plantations de canne prospèrent grâce à la mise en place d’un système perfectionné d’irrigation (digues et canaux).

Après l’occupation des Pays-Bas par les armées de la Révolution française, la Grande-Bretagne s’empare de la Guyane hollandaise (1796) ; elle la restitue à la paix d’Amiens (1802) et l’occupe de nouveau de 1804 à 1816. À la suite de la convention de Londres (13 août 1814) et du deuxième traité de Paris (20 nov. 1815), elle rend le Surinam à la Hollande.

De 1828 à 1848, le Surinam et les Antilles hollandaises sont placés sous l’autorité d’un seul gouverneur résidant à Paramaribo, la capitale du Surinam. Mais les grandes plantations périclitent, essentiellement par manque de main-d’œuvre. L’abolition de l’esclavage en 1863 contribue au déclin économique de la colonie, qui, pour se ravitailler en main-d’œuvre, fait largement appel à l’immigration indienne (réglementée par un accord avec la Grande-Bretagne en 1870) et indonésienne. L’importance économique du Surinam est éclipsée par celle des colonies néerlandaises de l’Insulinde et plus tard par celle de Curaçao dont les raffineries traitent le pétrole du Venezuela. Après la Seconde Guerre mondiale, l’exploitation des gisements de bauxite donne un nouvel essor économique au pays.

Après avoir déclaré le Surinam partie intégrante de la métropole en 1948, les Pays-Bas y instaurent en 1950 le régime parlementaire et le suffrage universel. En 1954, ils lui donnent l’autonomie, la Constitution instituant la responsabilité des ministres devant un Conseil législatif élu tous les quatre ans.

La dépendance économique du Surinam à l’égard des Pays-Bas, qui aident le territoire à équilibrer son budget et absorbent annuellement environ 15 000 émigrés surinamais, fait longtemps obstacle à la révision du statut du Surinam dans le sens d’une indépendance totale. Le parti national républicain (P. N. R.), représentant des créoles, dont le leader J. Pengel dirige la vie politique surinamaise comme Premier ministre de 1963 à 1969, s’efface après les élections législatives de 1969 devant le parti « hindoustani » (Vatan Hitkari Partij, V. H. P.), plus conservateur. Mais l’agitation sociale (émeutes à Paramaribo en février 1973) et la victoire des progressistes aux élections de novembre 1973 conduisent la conférence réunie à La Haye en mai 1974 à prévoir l’accession du Surinam à l’indépendance avant la fin de 1975. En juillet 1975, le Surinam devient une république indépendante.

P. R.


La population

Le territoire, très peu peuplé à l’arrivée des Hollandais, connut une première immigration dès les xviie et xviiie s., composée à la fois de Français, d’Anglais, de Néerlandais et d’Allemands, qui développèrent les plantations de canne à sucre grâce à une main-d’œuvre d’esclaves importés d’Afrique.

Lorsque l’esclavage fut aboli en 1863, la colonie se peupla d’Asiatiques, venus particulièrement de l’Inde et de l’Indonésie. La population est encore fort peu nombreuse aujourd’hui : elle dépasse légèrement 400 000 habitants (le recensement de 1971 en ayant dénombré 385 000). Elle est très cosmopolite et comprend des groupes humains assez variés : 40 p. 100 de créoles, descendants des esclaves noirs, près de la moitié d’Asiatiques (dont 15 p. 100 d’Indonésiens) et des représentants des différents pays d’Europe. Elle est en augmentation rapide, non pas du fait de l’immigration, qui a pratiquement cessé, mais par suite d’une importante croissance naturelle. Elle est très inégalement répartie : l’intérieur du territoire est pratiquement désert et n’abrite que les tribus de la forêt ; les habitants se concentrent dans la plaine côtière et aux environs de la mer, particulièrement autour de la capitale Paramaribo, à laquelle il faut ajouter les habitants des deux villes voisines qui sont en symbiose avec elle, ce qui aboutit, pour l’ensemble, à une population de plus de 150 000 habitants (environ les deux cinquièmes de la population totale).


L’économie

L’activité essentielle fut pendant longtemps la monoculture de la canne à sucre, comme dans l’ensemble de la zone des Caraïbes et des plaines tropicales de l’Amérique du Sud. La décadence de cette activité de plantation a entraîné le développement d’une agriculture plus variée, fondée sur les produits de subsistance, particulièrement le riz, qui est devenu le premier produit agricole, mais aussi sur la culture des fruits, notamment de la banane, et sur quelques tentatives de plantation de café et de cacao. Toutes les activités agricoles se font dans la plaine côtière, très bien mise en valeur avec des systèmes de canaux de drainage imités des techniques pratiquées aux Pays-Bas. Mais la découverte, en 1938, de gisements de bauxite, exploités surtout après la Seconde Guerre mondiale, a fait du Surinam un territoire dont l’économie est essentiellement dépendante de l’exportation de ce minerai. En effet, celui-ci, exporté sous forme brute ou sous forme d’alumine, représente plus de 85 p. 100 des exportations du pays ; c’est la Suralco, une filiale d’une compagnie des États-Unis, l’Aluminium Company of America (Alcoa), qui exploite l’ensemble des gisements et qui traite une partie de la bauxite sur place pour la transformer en alumine dans des usines qui sont également sa propriété. C’est pour répondre aux besoins d’électricité de ses établissements industriels que la Suralco a participé à la construction sur la rivière Surinam du grand barrage de Brokopondo. Celui-ci, terminé en 1965, alimente maintenant une centrale électrique qui a aussi permis de multiplier l’utilisation de l’énergie électrique soit dans la vie urbaine, soit pour le développement, très modeste il est vrai, de quelques autres industries (usines de bois de construction, distilleries transformant la canne à sucre en rhum, auxquelles il convient d’ajouter une fabrique de cigarettes et quelques industries textiles). Toute cette activité industrielle ne constitue, en fait, rien de bien spectaculaire par rapport à l’importance primordiale de l’exportation brute ou semi-brute de la bauxite vers les États-Unis. Ceux-ci restent le principal client et fournisseur du Surinam, bien avant les Pays-Bas, en dépit des relations économiques privilégiées du territoire avec son ancienne métropole.

M. R.