Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sun Yat-sen

Homme d’État chinois (province du Guangdong [Kouang-tong] 1866 - Pékin 1925). Sun Yat-sen est la forme coutumière cantonaise d’un nom dont la forme pékinoise serait Sun Yixian (Souen Yi-hien). La transcription phonétique de la forme cantonaise s’écrit traditionnellement Sun Zhongshan en pinyin, Souen Tchong-chan en E. F. E. O.



Les débuts

Sun Yat-sen naît dans une famille de paysans pauvres de la province du Guangdong (Kouang-tong). Après un début d’éducation traditionnelle, il rejoint son frère aîné à Honolulu en 1879, va à l’école anglaise et se convertit au protestantisme. De retour au village natal (1883), il brise les idoles du temple communal avant de s’inscrire au Queen’s College de Hongkong. Il effectue des études de médecine occidentale et se marie à l’ancienne mode. Dès 1885, il se donne pour tâche le renversement de la dynastie mandchoue et l’établissement de la république. Il participe alors à l’activité de sociétés secrètes et fonde en 1894 avec d’autres jeunes révolutionnaires cantonais un parti politique, l’« Association pour le redressement de la Chine », juste avant la défaite humiliante de la Chine devant le Japon (1895). Un premier soulèvement — contre le palais du gouverneur de Canton — échoue en septembre 1895. Sun échappe à la répression et se réfugie au Japon.

Il va aux États-Unis, puis en Grande-Bretagne, où il est kidnappé le 11 octobre 1896 par la police secrète mandchoue et libéré quelques jours plus tard grâce à l’intervention d’un ami anglais et l’appui de la presse. Le voici brusquement célèbre. Il visite l’Europe avant de rejoindre le Japon. Ce premier périple sera capital dans la formation de sa pensée politique.


Les Trois Principes du peuple et la révolution de 1911

En 1900, une seconde tentative de soulèvement échoue. Mais, cette fois, la paysannerie a soutenu le mouvement. Sun repart autour du monde. À son retour à Tōkyō en 1905, au moment de la victoire du Japon sur la Russie, il crée un nouveau parti, la Ligue d’union jurée (Tongmenghui [T’ong-mong-houei]), dont l’audience dépasse de beaucoup la première association et qui possède un véritable programme politique. Celui-ci est constitué par les « Trois Principes du peuple » : son « indépendance », sa « souveraineté » et son « bien être ». Le manifeste du parti fixait quatre objectifs immédiats à la révolution chinoise : chasser les Mandchous ; restaurer la Chine comme État national républicain, dans lequel l’égalité des droits politiques serait assurée grâce en particulier au Parlement et au président de la République ; enfin égaliser la propriété de la terre. Personne ne pourrait plus monopoliser la force de travail du peuple. Malgré les apparences, l’intervention active de la population ne dépassait guère les pétitions de principe et les membres du nouveau parti préféraient s’en tenir à une pratique de société secrète. D’autre part, les révolutionnaires mettaient plus l’accent sur la lutte antimandchoue que sur la lutte anti-impérialiste.

En 1907, Sun Yat-sen et ses amis préparent une série d’insurrections avec l’aide très hypothétique de la France ; une nouvelle tentative échoue en mars 1911, à Canton, où soixante-douze révolutionnaires perdent la vie. Sun repart pour l’Occident chercher subsides et encouragements. Il se trouve aux États-Unis quand, le 10 octobre 1911, éclate à Wuchang (Wou-tch’ang) le soulèvement qui va faire tomber le plus vieil empire du monde. Mais le succès de la révolution de 1911 tient moins à sa préparation par le Tongmenghui qu’au renversement inéluctable de l’équilibre des forces. Les membres du parti de Sun Yat-sen récoltent les fruits d’un grand mouvement qui secoue alors la Chine. Sun rentre au pays, non sans tenter d’obtenir en Grande-Bretagne et en France des soutiens politiques et financiers.


La première présidence de la République

Les délégués de toutes les provinces, dont la réunion prend le nom d’« Assemblée nationale », élisent Sun président provisoire de la République le 29 décembre 1911. Mais les membres du Tongmenghui forment une minorité au sein du premier gouvernement, et leur force militaire est pratiquement nulle. Au nord, le général Yuan Shikai (Yuan Che-k’ai*) fait la loi. Il bénéficie du soutien des notables et des puissances. Entre l’affrontement et l’effacement, Sun choisit : il laisse la place à son ambitieux rival, qui devient président de la République le 14 février 1912 et qui obtient l’abdication du dernier empereur mandchou.


La traversée du désert

En août, le Guomindang (Kouo-mintang) — parti national du peuple, plus souvent appelé parti nationaliste — remplace le Tongmenghui. Son programme se situe nettement en deçà de celui qui fut énoncé par Sun en 1895.

Celui-ci visite alors la Chine et rencontre Yuan Shikai, qui le nomme directeur général des chemins de fer. L’entente entre les deux hommes et les deux courants ne dure pas longtemps. Un conflit armé les oppose bientôt. La « seconde révolution » (1913) tourne court, et Sun est contraint de se réfugier au Japon. Son amertume est tempérée par un second mariage avec Song Qingling (Song K’ing-ling), la fille d’un membre de son parti, qui deviendra vice-présidente de la République populaire de Chine.

Pendant plusieurs années, le vieux révolutionnaire va reprendre, sans les approfondir, les idées d’antan et essayer de réorganiser son parti. Il revient à son rêve panasiatique au moment même où le Japon veut imposer à la Chine « 21 demandes » qui auraient abouti à faire pratiquement de celle-ci une colonie nippone. Le gouvernement de Tōkyō profite de l’absence des autres puissances et de son entrée en guerre contre l’Allemagne pour mener à bien sa politique expansionniste. Yuan Shikai accepte la majorité de ces « demandes » (mai 1915).

En Chine, où le président de la République tente de restaurer à son profit la monarchie, une nouvelle guerre civile éclate. La mort de Yuan en juin 1916 clôt le débat et ouvre une ère encore plus confuse d’anarchie militaire. Contre l’avis de beaucoup de Chinois et de Sun en particulier, qui souhaitent que leur pays reste neutre dans un conflit où les responsabilités entre impérialistes sont partagées, le gouvernement de Pékin choisit de passer du côté des Alliés en août 1917. Des « seigneurs de guerre » se constituent des petites principautés dans les provinces.