Strauss (Richard) (suite)
La Femme sans ombre (Die Frau ohne Schatten, 1919) s’étend sur trois actes. L’œuvre illustre une autre forme de baroquisme qui fait appel à deux univers différents : le féerique et le réaliste. Si, sur le plan musical, cet opéra est plus intéressant, plus lyrique surtout que son prédécesseur, son action, par contre, encombrée de mythes, de symboles, est assez hermétique ; d’où une certaine confusion de l’effet d’ensemble.
Dans Intermezzo (1924), Richard Strauss se met lui-même en scène dans ce qu’il a appelé une « comédie bourgeoise », qui a trait à une aventure réellement survenue dans sa vie intime : une confusion de noms alliée à une erreur de distribution postale déclenchera entre les époux Strauss une scène de jalousie qui, finalement, n’aura pas de conséquence. Dans Arabella (1933), c’est un père ruiné par le jeu qui, pour éviter de doter sa fille, décide de faire passer celle-ci pour un garçon ; d’où s’ensuivent des situations passablement scabreuses.
Quant à la Femme silencieuse (Die schweigsame Frau, 1935), il s’agit d’une adaptation par Stefan Zweig de la farce de Ben Jonson. Capriccio, pour sa part (1942), est présenté par le musicien comme une « conversation musicale » qui se déroule entre une jeune veuve et deux de ses soupirants, un musicien de tendance gluckiste et un poète, tenant pour Piccinni : allusion à la querelle qui agita la fin du xviiie s. français, ce qui motive le lieu de l’action et le style de la musique.
À considérer l’ensemble de son œuvre, Richard Strauss nous apparaît en premier lieu comme un maître de l’orchestration, qui a puisé ses enseignements chez Wagner et aussi chez Berlioz, à qui il a rendu hommage par la mise à jour, en 1909, de son Traité d’instrumentation, datant de 1844, en y faisant mention des nombreux perfectionnements réalisés depuis lors dans la facture instrumentale.
Pour ce qui concerne le langage musical, on ne peut dire que Strauss ait vraiment innové, ses audaces, ses dissonances ne s’intégrant pas (comme chez Wagner dans Tristan) en un tout cohérent. Toutefois, il palliera cette faiblesse de conception par une grande habileté à manier la citation musicale, à parodier (un peu comme le fit Stravinski à la même époque) les maîtres classiques, Mozart en particulier, et à exploiter une certaine forme de musique populaire, spécifiquement viennoise.
On notera également la curieuse évolution dessinée par sa pensée, d’abord nourrie de héros plus ou moins légendaires, d’aspirations philosophiques, métaphysiques par lesquelles il prolonge le romantisme, pour ensuite le dépasser par un expressionnisme violent. Et soudain, c’est une volte-face complète, orientée vers les sujets familiers, comiques, voire domestiques. Si bien que ce second Strauss apparaît presque comme un reniement du premier.
Compte tenu de ces données, Richard Strauss se profile dans l’histoire musicale comme un des grands compositeurs allemands chevauchant la fin du xixe s. et une bonne part du xxe.
Les principales œuvres de R. Strauss
Œuvres de jeunesse
De 1876 à 1886 : 2 quatuors, 1 symphonie, 2 concertos, 2 sonates.
Poèmes symphoniques
Aus Italien (1886). Don Juan (1888). Mort et transfiguration (Tod und Verklärung, 1889). Macbeth (1890). Till l’Espiègle (Till Eulenspiegels lustige Streiche, 1895). Ainsi parlait Zarathoustra (Also sprach Zarathustra, 1896). Don Quichotte (1897). Une vie de héros (Ein Heldenleben, 1898).
Œuvres lyriques
Guntram (1894). Salomé (1905). Elektra (1909). Le Chevalier à la rose (Der Rosenkavalier, 1911). Ariane à Naxos (Ariadne auf Naxos, 1912). La Femme sans ombre (Die Frau ohne Schatten, 1919). Intermezzo (1924). Hélène d’Égypte (Die aegyptische Helena, 1928). La Femme silencieuse (Die schweigsame Frau, 1935). Jour de paix (Friedenstag, 1938). Daphné (1938). L’Amour de Danaé (Die Liebe der Danae, 1940 ; 1re représ., 1952). Capriccio (1942).
Ballets
Les Feux de la Saint-Jean (Feuersnot, 1901). Crème fouettée (Schlagobers, ballet viennois, 1924).
Œuvres diverses
Sinfonia domestica (1903). Symphonie alpestre (Eine Alpensymphonie, 1915). Nombreuses œuvres chorales, ainsi que des œuvres de circonstance, comme Marche de parade pour la cavalerie (1905). Enfin, de 1882 à 1948, environ 150 lieder.
R. S.
C. Rostand, Richard Strauss (La Colombe, 1949 ; nouv. éd., Seghers, 1964). / O. Erhardt, Richard Strauss, Leben, Wirken, Schaffen (Olten, 1953). / N. R. Del Mar, Richard Strauss. A Critical Commentary on His Life and Works (Londres, 1962 ; nouv. éd., Philadelphie, 1969, 2 vol.). / H. Kralik, Richard Strauss, Weltbürger der Musik (Vienne, 1963). / D. Jameux, Richard Strauss (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1971).