Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Strauss (les) (suite)

Quant aux opérettes viennoises, qui ont fait le tour du monde, les principales d’entre elles sont encore à l’affiche des grandes scènes lyriques et forment le répertoire de base du théâtre An der Wien, où, de 1871 à 1897, elles furent généralement créées : Indigo (1871), la Chauve-Souris (Die Fledermaus, 1874), Cagliostro in Wien (1875), Une nuit à Venise (Ein Nacht in Venedig, 1883, Berlin), le Baron tzigane (Der Zigeunerbaron, 1885), etc.

Joseph (Vienne 1827 - id. 1870), frère du précédent, était destiné par son père à la carrière militaire, mais il préféra devenir architecte avant de se consacrer finalement à la musique. Ayant remplacé son frère malade à la tête de son orchestre en 1853, il fonda ensuite sa propre phalange, mais ne cessa de partager les activités de son frère, lorsque celui-ci était indisponible, soit dans les bals de la Cour, soit dans la direction des concerts. On a conservé de lui près de 300 œuvres légères : valses, polkas, opérettes et quadrilles, qui ont joui d’une célébrité presque égale à celle des œuvres de son frère.

Eduard (Vienne 1835 - id. 1916), frère des deux précédents, abandonna rapidement la diplomatie, vers laquelle on le poussait, pour s’orienter vers la musique. Harpiste de talent (il avait été l’élève d’Antonio Zamara), il partagea très rapidement les charges de son frère Johann, notamment à Pavlovsk (1865), puis comme chef d’orchestre des bals de la cour de Vienne (1870). Il fit de très nombreuses tournées en Europe, au Canada et aux États-Unis avec un succès toujours égal. Plus de 200 œuvres : valses, polkas, galops, pots-pourris, marches... forment l’essentiel de ses compositions.

Johann III (Vienne 1866 - Berlin 1939), fils du précédent, après avoir fait ses humanités en étudiant concurremment le piano, le violon et la composition, occupa différents postes officiels et revint à la musique en 1894, lors de son mariage avec Maria Hofer, fille d’un imprésario viennois. Chef d’orchestre et concertiste apprécié, il fit également de nombreuses tournées qui le conduisirent jusqu’aux États-Unis. De son activité de compositeur émerge surtout l’opérette le Chat et la souris (d’après E. Scribe, par F. Gross et V. Léon), représentée au théâtre An der Wien le 23 décembre 1898.

G. F.

➙ Valse / Vienne.

 M. Kronberg, König Walzer (Leipzig, 1938 ; trad. fr. Johann Strauss, la grande valse, Éd. de France, 1939). / G. Knosp, Johann Strauss, la vie d’une valse (Schott, Bruxelles, 1941). / H. E. Jacob, Johann Strauss, Vater und Sohn (Hambourg, 1953 ; trad. fr. les Strauss et l’histoire de la valse, Corrêa, 1955). / H. Fantel, les Strauss, rois de la valse (Buchet-Chastel, 1973).

Strauss (Richard)

Chef d’orchestre et compositeur allemand (Munich 1864 - Garmisch 1949).


Son père, corniste émérite à la cour de Munich, était connu pour sa farouche opposition à Wagner, ses grandes admirations étant réservées à Mozart, à Haydn et à Beethoven. Sans doute admettait-il à la rigueur Mendelssohn, Schumann ou Brahms ; mais les œuvres des « nouveaux », Liszt, Wagner, n’avaient pas droit de cité dans le cercle familial, où l’on faisait pourtant beaucoup de musique.

Le jeune Richard (dont les dons exceptionnels se révélèrent assez tôt) demeure donc longtemps confiné dans l’atmosphère des classiques. Ce n’est qu’en 1882, à l’âge de dix-huit ans, qu’il obtient la permission d’assister à Bayreuth à la première représentation de Parsifal, donnée en présence de Wagner. Pendant un séjour à Berlin, il rencontre pour la première fois Hans von Bülow, à qui une amitié solide et fructueuse le liera bientôt. Bülow a déjà dirigé une Sérénade de Richard à la cour de Meiningen, où il fera engager celui-ci comme chef suppléant en 1885, avant de lui céder la première place à la fin de l’année. À la même époque le jeune Strauss fait la connaissance d’Alexander Ritter, neveu de Wagner par alliance ; grâce à ce chef célèbre, à ses leçons et à ses conseils, il comprend l’importance de Liszt et de Wagner dans l’histoire de l’art, et découvre ainsi des horizons qui jusqu’alors lui sont demeurés cachés.

D’un bref voyage en Italie en 1886, il rapportera le poème symphonique Aus Italien, généralement considéré comme sa première œuvre originale. Il est ensuite nommé troisième chef d’orchestre à Munich, aux côtés de Hermann Levi et de Franz Fischer. La même année se situe son second séjour à Bayreuth, où il assume la charge de répétiteur au piano et s’enthousiasme pour Tristan. À Munich, ses fonctions l’amènent à s’occuper non seulement de l’orchestre, mais aussi des chœurs, des solistes, des décors, des costumes. Ainsi Strauss prend-il conscience des problèmes du théâtre, ce qui l’incite, dès 1888, à esquisser son premier opéra, Guntram, dont la composition l’occupera durant cinq années. Dans le même esprit, il écrira plusieurs poèmes symphoniques : Macbeth (1886-1890), puis Don Juan (1888) et Mort et transfiguration (1889), deux œuvres maîtresses qui détermineront sa réputation.

Il a vingt-quatre ans lorsqu’il termine son Don Juan, de style très schumannien par l’élan de son thème initial, sa fierté, son éclat aussi, qui fait songer à celui de la « marche aux fiançailles » de Lohengrin. Quant à l’épisode central, c’est Berlioz qu’il évoque, tout cela manifestant un don indiscutable en dépit de certaines redites. On notera la fin tragique du héros désabusé, vaincu au terme de sa recherche effrénée de l’idéal féminin.

C’est un semblable pessimisme que l’on retrouve dans Mort et transfiguration (Tod und Verklärung), tout en remarquant que le sujet (celui d’un poème de Ritter) ne fut imaginé qu’après coup, la musique une fois écrite, laquelle apparaît directement influencée par le poème symphonique de Liszt Tasso, lamenta et trionfo. Cette partition se distingue des œuvres précédentes par une grande économie d’éléments thématiques, alors que l’auteur y fait appel à un matériel instrumental étendu.