Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

spin

Propriété importante des particules élémentaires.


Le mot vient du verbe anglais to spin, qui signifie « filer » en parlant de la laine et, par suite, « tourner sur soi-même » comme une quenouille ou comme une toupie. En effet, tout se passe comme si les particules élémentaires étaient animées en permanence d’un mouvement de rotation sur elles-mêmes.

En mécanique, on caractérise un solide en mouvement de rotation par son vecteur moment cinétique, ou moment angulaire, dirigé suivant l’axe de rotation et dont le module σ = Iω est le produit du moment d’inertie I par la vitesse angulaire ω. On définit encore pour un système quelconque de masses m, situées aux points et animées de vitesses le moment cinétique par la somme de produits vectoriels Et ce vecteur obéit à des lois fondamentales, particulièrement à la loi de conservation pour un système isolé. Les expériences de physique atomique et nucléaire ne s’interprètent que si l’on attribue aux particules élémentaires (électrons, protons, neutrons) un vecteur-moment cinétique intrinsèque , qui est indépendant de leur mouvement de déplacement dans l’espace. On peut l’interpréter de manière imagée en comparant la particule à une toupie et on l’appelle moment cinétique de spin ou bien spin tout simplement.

Mais il ne faut pas accorder trop d’importance aux représentations imagées, qui sont incapables de décrire complètement les propriétés de la matière à l’échelle atomique, et en particulier celles du spin. On mesure généralement dans les expériences la projection sz du vecteur spin sur un axe particulier Oz ; cette projection peut prendre seulement deux valeurs opposées :

(ℏ = h/2 π est la constante de Planck h divisée par 2 π). Lorsque deux particules sont en interaction, au cours d’une expérience de collision ou bien à l’intérieur d’un système atomique complexe, leur comportement est profondément changé selon que les projections de leurs spins sont égales (on dit que les spins sont parallèles) ou opposées (on dit que les deux spins sont antiparallèles).

Un noyau d’atome est un système complexe formé par l’association de plusieurs protons et de plusieurs neutrons, et l’on sait maintenant le briser dans des expériences de physique nucléaire. Mais, dans toutes les études sur la structure de l’atome, le noyau peut être considéré comme une particule unique et indivisible, et c’est pourquoi on utilise par extension l’expression spin nucléaire pour désigner le vecteur moment cinétique de l’ensemble du noyau. La projection Iz du spin nucléaire peut prendre des valeurs plus variées que les deux valeurs imposées au spin électronique sz ; mais le nombre des valeurs possibles est, néanmoins, étroitement limité. On caractérise chaque noyau par la valeur maximale de la projection Iz de son spin et, dans le langage courant, on utilise fréquemment l’expression spin nucléaire pour désigner cette valeur maximale de la projection Iz.

Un système atomique complet est formé d’électrons qui tournent autour du noyau ; pour calculer son vecteur moment cinétique, il faut additionner vectoriellement les divers moments cinétiques des éléments qui le composent : 1o spin nucléaire  ; 2o spin de chacun de ses électrons ; 3o moment cinétique orbital dû au déplacement de chacun des électrons sur son orbite. Les règles de composition des moments cinétiques propres à la mécanique quantique permettent d’expliquer dans tous les cas le moment cinétique global de l’atome dans chacun de ses états. Ce moment cinétique global est obtenu en additionnant des moments cinétiques de spin et des moments cinétiques orbitaux, et, contrairement à certains abus de langage, il ne faut pas utiliser le terme de spin pour le désigner.

On sait que les charges électriques qui tournent à l’intérieur d’une spire de cuivre rendent celle-ci équivalente, du point de vue des interactions électromagnétiques, à un aimant dont le moment magnétique est parallèle à l’axe de la spire, c’est-à-dire à l’axe de rotation des charges électriques. On ne s’étonnera donc pas que les mouvements de rotation internes à chaque particule la rendent aussi équivalente à un petit aimant djmt le vecteur moment magnétique est parallèle à l’axe de rotation, c’est-à-dire au spin À chaque spin est donc associé le moment magnétique qui lui est proportionnel ; la constante de proportionnalité γ est appelée rapport gyromagnétique et est caractéristique de chaque type de particule. Le rapport gyromagnétique des spins électroniques est négatif (c’est-à-dire que les vecteurs et sont de sens opposés) et vaut le double du rapport gyromagnétique orbital associé au déplacement de l’électron sur son orbite. Le rapport gyromagnétique du spin du proton est positif et est environ mille fois plus petit que celui de l’électron.

Ces propriétés magnétiques permettent d’effectuer des expériences très directes sur les spins des particules : en effet, sous l’action d’un champ magnétique spatialement inhomogène, des moments magnétiques opposés sont soumis à des forces opposées qui dévient leurs trajectoires dans des sens opposés. Ou encore, en soumettant les spins à l’action simultanée d’un champ magnétique homogène et d’une onde électromagnétique de fréquence appropriée, on parvient à les retourner (changer en – ) ; c’est le phénomène de résonance magnétique.

B. C.

➙ Particules élémentaires.

Spinoza (Baruch de)

Philosophe hollandais (Amsterdam 1632 - La Haye 1677).


« Je suis tout étonné, tout ravi ! J’ai un prédécesseur et lequel ! Je ne connaissais presque pas Spinoza [...]. Ma solitude s’est transformée du moins en duo. » Cet aveu vient de Nietzsche (lettre à Franz Overbeck, 1881). Que le penseur révolutionnaire et contestataire par excellence ait reconnu le sens et la portée du spinozisme dans son caractère de modernité, voilà qui justifie l’aversion scandalisée des contemporains de Spinoza et l’enthousiasme suscité par sa philosophie aujourd’hui. En plein xviie s. sont rédigées, mais interdites de publication, éditées, mais sans nom d’auteur, des thèses ayant même valeur qu’un acte politique : renversement blasphématoire de toutes les structures de la conscience et de la société, profession de foi athée, lutte contre toutes les formes d’aliénation et de superstitions (religieuse et politique), entreprise de démystification et de libération des individus (sauvegarde des passions, méfiance vis-à-vis de l’imagination et des fictions), dénonciation de toute perversion idéologique, de toute forme de violence et de tyrannie, condamnation des abus de langage, polémique contre le non-engagement — telles sont les armes de combat du philosophe qui veut faire le salut de l’humanité en établissant par « la béatitude, c’est-à-dire notre liberté », le royaume de Dieu où régneront les hommes.