Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Spartacus (suite)

 H. M. Fast, Spartacus (New York, 1951 ; trad. fr., Éd. « J’ai lu », 1961). / A. W. Mischulin, Spartacus. Abriss der Geschichte des grossen Sklavenaufstandes (trad. du russe, Berlin, 1952). / W. L. Westermann, The Slave System of Greek and Roman Antiquity (Philadelphie, 1955). / J.-P. Brisson, Spartacus (Club fr. du livre, 1959). / P. Oliva, Spartakus (en tchèque, Prague, 1960).

Sparte ou Lacédémone

En gr. Spartê ou Lakedaimôn, cité des Lacédémoniens, qui fut, à l’époque archaïque et classique de la Grèce, la grande rivale d’Athènes. (La ville moderne est la capitale du nome de Laconie.)



Introduction

Lacédémone eut des panégyristes exaltés ou prudents : elle parut être véritablement le type de l’État qui mérite que, sans en tirer vanité, on meure pour son service et pour obéir aux lois ; elle aurait réalisé l’égalité parfaite entre tous les citoyens, abolissant entre eux toute compétition d’intérêt personnel pour unir toute leur activité au seul service désintéressé de la collectivité. Pieux mirage !

Remarquable, Sparte l’est surtout par le fait qu’une minorité de privilégiés sut, à l’aide d’une Constitution dont l’immobilisme était la principale vertu, imposer des siècles durant son pouvoir à une masse énorme de serfs qui la nourrissaient. Elle l’est aussi par son repliement sur elle-même, sa xénophobie, qui fit son mystère et qui put la faire croire admirable, faire oublier les convulsions qui rythmèrent une histoire où les intérêts privés surent parler plus haut qu’il ne semble et l’affaiblir assez pour qu’elle n’ait pu survivre à ses défaites.

Au centre de la Laconie, dans la petite vallée de l’Eurotas, Sparte n’était pas une ville à proprement parler : réunion de villages, elle n’eut jamais pour rempart que la poitrine de ses enfants. Son territoire, quoique fertile, était insuffisant pour nourrir un État puissant, et il fallut conquérir à l’ouest de la haute barrière du Taygète les riches plaines de la Messénie. La mer était loin ; le seul port convenable, Gythion, était à près d’une journée de marche vers le sud.

Les Spartiates, seuls citoyens de plein droit, ne furent jamais très nombreux : au temps de leur plus grande splendeur (à la fin des guerres médiques), ils n’alignèrent jamais plus de 5 000 soldats sur le champ de bataille. L’État englobait aussi les périèques, des hommes libres, vivant sous leurs propres lois dans des centres urbains soumis à Sparte, tel Gythion, mais qui n’avaient aucune prise sur la politique générale de la cité. Les plus nombreux dans la cité étaient les hilotes, esclaves attachés au sol, propriété de l’État ; ils cultivaient pour les citoyens des lots de terre (klêroi), dont ils gardaient une part de fruits ; jouissant de certains droits (celui de fonder une famille notamment), constituant sinon des communautés, du moins des groupes, ils étaient méprisés, mais craints, car leurs révoltes ne se comptaient pas ; quelque dangereux qu’ils pussent être, ils furent appelés parfois à compléter dans l’armée les rangs que les périèques et les citoyens ne pouvaient pas remplir ; ce recours à des hommes armés qui défendront le système même qui les opprimait sera de plus en plus fréquent à l’époque classique, quand la classe privilégiée verra décroître ses effectifs. Si l’on peut comparer leur statut à celui, notamment, des pénestes de Thessalie, il faut bien dire que notre ignorance est complète sur son origine : il serait vain, en particulier, de continuer à se fonder sur des théories aussi inconsistantes que celles qui voudraient que les hilotes soient les descendants de la population primitive du Péloponnèse, que les Doriens auraient, à leur venue, réduits.

Nul texte ne peut nous éclairer sur la mise en place de l’organisation sociale spartiate : les témoignages de l’archéologie sont inexistants. L’histoire en Laconie ne commence qu’à la fin du viiie s. av. J.-C.


Naissance de Lacédémone

La cité fut enfantée par la guerre. Une génération, durant toute la seconde moitié du viiie s. av. J.-C., se sacrifia à la conquête de la Messénie et à la réduction au statut d’hilote de ses habitants. Puis les Spartiates s’opposèrent en des luttes intestines, dont l’aboutissement fut le départ des vaincus (les Parthéniens — « Fils de vierges » —, appelés ainsi parce qu’ils auraient été les fils des jeunes Spartiates que le départ des soldats aurait empêchées de contracter un mariage légal) : ceux-ci s’en allèrent fonder Tarente (v. Grèce d’Occident) ; ce fut la seule participation de Lacédémone à l’effort de colonisation, sans doute parce que, à l’inverse de ce qui se passait alors dans d’autres cités, Sparte sut trouver très vite une sorte d’équilibre constitutionnel.

La cité découvrit tout d’abord, avec la victoire, la prospérité. Ce fut pour un temps le centre intellectuel et artistique du monde grec : Terpandre vint de Lydie à Sparte ; inventeur de la lyre, il y enseigna les principes de la musique ; le poète Alcman y résida, ainsi que Tyrtée. Les découvertes archéologiques témoignent du développement d’une civilisation brillante et raffinée. La seconde guerre de Messénie (682-668 av. J.-C.) vint briser cet élan. Les hilotes récemment soumis se révoltèrent ; réfugiés sur le mont Ithôme, ils tinrent longtemps en haleine les troupes spartiates, que, peut-être, trop de bonheur n’avait pas préparées à une telle lutte. L’État se réforma.

Depuis la fin du viiie s. av. J.-C., sans que faiblisse vraiment le pouvoir des deux rois, il existait à Sparte une assemblée populaire ; l’oracle de Delphes en avait demandé lui-même l’installation par une rhêtra (« parole de l’oracle »), dont Plutarque a cru pouvoir nous donner le texte : « Fonde un sanctuaire de Zeus Scyllanios et d’Athéna Seyllania ; distribue les tribus de trente personnes avec les chefs suprêmes ; de saison en saison, réunis l’apella (l’assemblée du peuple) ; ainsi consulte et dissous, mais le peuple aura le pouvoir de contredire et de décider. » (Vie de Lycurgue.)