Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sous-marin (suite)

Les réalisations étrangères

L’ingénieur suédois Thorsten Nordenfelt (1842-1920) construit plusieurs sous-marins, qu’il livre aux États-Unis, à la Grèce et à la Russie : ces bâtiments naviguent exclusivement à la vapeur, qui, en plongée, est accumulée dans des réservoirs et alimente la machine. Le système présente l’inconvénient d’entretenir en plongée une température supérieure à 50 °C. Instable en immersion, ce type de sous-marin sera rapidement abandonné.

Les États-Unis se sont beaucoup intéressés à la navigation sous-marine. Pendant la guerre de Sécession, les essais des « Davids », canots submersibles équipés de torpilles, aboutissent à la réalisation du Hunley, véritable sous-marin de 10 m de long, propulsé à bras par un équipage de neuf hommes et qui disparaîtra en 1864, après avoir coulé la frégate nordiste Housatonic. En 1883 naît la Holland Torpedo Boat Company, dirigée par John Philip Holland (v. 1841-1914), dont le nom reste lié à l’histoire des sous-marins. En 1887 est lancé à Cadix le Peral, premier sous-marin à marche entièrement électrique, qui est abandonné, car il tient mal la plongée. En 1890-91, on réalise en Italie le Delfino (95 t), dont les essais, pourtant satisfaisants, ne seront pas poursuivis. En Angleterre, la Royal Navy refuse de s’intéresser à cette question en dépit des essais de trois petits sous-marins, les Campbell, Ash et Waddington, en 1886.


Les sous-marins en bronze : le « Gustave-Zédé » (1893)

Après les essais du Gymnote, on estime, en France, que les problèmes fondamentaux sont résolus. Romazotti présente alors un projet de sous-marin qui, adopté en 1890, portera le nom de Sirène, bientôt changé en celui de Gustave-Zédé. Long de 48 m, d’un diamètre de 3,20 m, ce sous-marin déplace 266 t, et un moteur de 750 ch doit lui permettre de marcher à 15 nœuds, qu’il n’atteindra jamais. Sa coque est en bronze, métal plus souple que l’acier et devant mieux résister en plongée. Les essais commencent en 1894, mais la tenue en plongée est médiocre, et il faut ajouter une paire de barres centrales et une barre avant. Le Gustave-Zédé navigue alors parfaitement et plonge plus de deux mille fois sans incident. En 1897, il est armé d’un tube lance-torpilles intérieur fixe et exécute en 1898 une série de lancements réussis contre un cuirassé au mouillage. En 1901, le président Loubet plonge à bord du Zédé avec le ministre Delcassé en rade de Toulon, ce qui vaut une bonne publicité au bâtiment. Au cours des grandes manœuvres navales de juillet, le Zédé, ayant été remorqué vers Ajaccio, où est mouillée l’escadre, parvient à placer une torpille sur le cuirassé Charles-Martel qui appareillait. Cette attaque réussie a un retentissement dans le monde entier et constitue la première alerte à la menace sous-marine.

Un autre projet, remanié par Romazotti et Darrieus, aboutit en 1897-98 à un sous-marin de 143 t, le Morse, dont le moteur, de 360 ch, doit permettre une vitesse de 12 nœuds. Les essais s’effectuent en 1900 : malgré quelques innovations, la vitesse (environ 7 nœuds en surface) reste faible, et le rayon d’action (90 milles) est insuffisant. Le sous-marin électrique ne peut pas s’éloigner de sa base et se trouve, de ce fait, réduit à la défense immédiate des ports. L’ingénieur Maugas fait ensuite construire à Rochefort quatre sous-marins de 184 t du type Farfadet, comportant un compartimentage interne pour augmenter la sécurité en plongée et équipé d’une hélice à pas variable permettant au moteur de tourner à une allure constante. L’histoire du sous-marin va connaître ses premières tragédies : en 1905, le Farfadet disparaît en rade de Bizerte, et, en 1906, c’est le tour du Lutin.


Un nouveau type de bâtiment, le submersible de Laubeuf

En 1895, le commandant Marie Joseph Baudry-Lacantinerie (1849-1913) publie une étude sur les torpilleurs submersibles, qui doivent être capables de naviguer correctement en surface, de réduire leur flottabilité en se rendant presque invisibles, de plonger instantanément et, se tenant à 2 m de profondeur, d’attaquer l’adversaire à la torpille. En 1896, un concours est ouvert pour l’étude d’un tel bâtiment ; quatre caractéristiques sont imposées : vitesse de 12 nœuds, rayon d’action total de 100 milles à 8 nœuds, dont 10 milles sous l’eau, deux torpilles, déplacement maximal de 200 t. Six projets sont présentés et le conseil des travaux, présidé par l’amiral Alfred Albert Gervais (1837-1921), adopte en 1897 les plans de l’ingénieur Maxime Laubeuf (1864-1939). Ce dernier, qui n’a jamais encore vu de sous-marin, s’inspire du principe suivant : le sous-marin ne sera pas constamment en plongée, mais, pour accomplir des missions lointaines, il devra pouvoir naviguer en surface, en tenant la mer aussi bien que les torpilleurs et avec la même autonomie. Mis en chantier en 1898, le submersible reçoit le nom de Narval. Laubeuf a imaginé de le doter d’une double coque : la première, extérieure pour la navigation de surface, est en gros celle d’un torpilleur ; la seconde, intérieure et inspirée de celle des précédents sous-marins, est construite pour résister à la pression de l’eau en plongée. Entre les deux sont logés les ballasts. Les sous-marins précédents, aux formes cylindriques, à très faible flottabilité, se trouvaient être de très médiocres bâtiments de mer : il leur aurait fallu un plus grand volume de coque émergé. Avec la double coque, Laubeuf résolut du même coup le problème des water-ballasts. En effet, comme la flottabilité du Narval est de 42 p. 100 et le tonnage de 200 t, il faut introduire 95 t d’eau environ pour la plongée, ce qui pose un problème de durée de remplissage. Laubeuf a fixé à 20 minutes le temps nécessaire à la prise de plongée, ce qui était raisonnable, car il faut éteindre les feux de la chaudière, obturer tous les panneaux, débrayer la machine à vapeur et mettre en route le moteur électrique. En fait, le temps de plongée du Narval sera ramené à 12 minutes, et, pour ses successeurs, on arrivera à 5 minutes et même en dessous pour le retour en surface.