Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sous-marin (suite)

Le Narval commence ses essais en 1899 et a, dès le début, une tenue de navigation parfaite en plongée grâce à ses caisses d’assiette et de réglage ainsi qu’à ses deux paires de gouvernail de profondeur, placées, l’une à l’avant, l’autre à l’arrière. Contrairement au Gymnote et au Gustave-Zédé, le Narval est équipé d’un double appareil moteur : pour la surface, une machine à vapeur, inspirée de celle des torpilleurs, avec une chaudière tubulaire chauffant au pétrole ; en plongée, deux moteurs électriques donnant au total 86 ch alimentés par 158 accumulateurs Fulmen (il faut plus de 7 heures pour les recharger). Sur la ligne d’arbre, une hélice à trois pales de 1,20 m de diamètre tourne à 450 tr/mn. En surface, le rayon d’action atteint 600 milles à vitesse économique ; en plongée, le Narval peut parcourir 70 milles à 5 nœuds. Le kiosque, s’élevant à 2,20 m au-dessus du pont, permet de naviguer en demi-plongée pour pouvoir disparaître rapidement sous l’eau. Le Narval est armé de quatre torpilles de 450 mm en tubes carcasse type Drzewiecki, qui ne peuvent être lancées qu’en plongée. L’inconvénient de ce système est de faire séjourner la torpille dans l’eau de mer, qui détériore ses mécanismes délicats. Les essais du Narval (1899-1900) sont une réussite totale : marchant 10 nœuds en surface et 5 nœuds en plongée, le submersible se rend par mauvais temps de Cherbourg à Brest et tient parfaitement la mer. À cette époque, Holland expérimente aux États-Unis le Plunger et le Holland IX, propulsés en surface par des moteurs à essence, dont la faible puissance limite grandement l’intérêt. Les Anglais commandent 5 sous-marins du type Holland, mais aucun d’eux ne donne satisfaction. De l’avis de tous les spécialistes de l’époque, le Narval est de loin en avance sur tous ses concurrents. Pour les petits tonnages, le sous-marin à coque unique conserve quelques avantages sur le submersible à double coque, permettant notamment des installations intérieures plus spacieuses. Toutefois, le Narval sera le premier véritable sous-marin de combat.


Les successeurs du « Narval »

On pouvait croire que l’on allait concentrer les efforts des ingénieurs sur ce type de submersible. Il n’en sera rien. En 1902, Laubeuf construit l’Aigrette, de 178 t en surface et de 253 t en plongée. Équipé d’un moteur Diesel — importante innovation —, ce bâtiment, avec un rayon d’action de 1 300 milles à 8 nœuds, représente la formule du sous-marin classique, qui restera valable jusqu’à l’apparition du réacteur atomique du Nautilus en 1954. Mais, imbu des idées de la jeune école, le ministre C. Pelletan, donnant sa faveur aux bateaux de très faible tonnage, suspend la construction des submersibles pour revenir aux petits sous-marins. Cela vaudra à la marine française la floraison d’une trentaine de toutes petites unités (type Naïade, de 68 t) de valeur militaire très médiocre. En 1904, il faut se décider entre les différents types existants : on procède à des essais comparatifs entre le Z, sous-marin de Maugas, et l’Aigrette, le submersible de Laubeuf, dont la supériorité est nettement démontrée. La cause est enfin entendue, et l’on poursuit la construction des submersibles avec deux séries de 18 unités (type Pluviôse, Papin et Monge, de 450 t). Désormais, le submersible, dont l’appellation sera très souvent confondue avec celle du sous-marin, va grandir en dimensions et en tonnage. On voit entrer en service l’Archimède, de 580 t en surface et de 800 t en plongée, mais, de façon inexplicable, la marine construit encore le Mariotte, sous-marin à coque unique, et le Charles-Brun, bâtiment à chaudière accumulatrice de chaleur, avant de se tourner définitivement vers la solution du moteur Diesel pour la surface et du moteur électrique pour la plongée.


Prévisions d’emploi des sous-marins

À la veille de la Première Guerre mondiale, les discussions d’écoles attribuent aux sous-marins la possibilité de remplir un certain nombre de missions :
— attaque de l’adversaire en haute mer ;
— protection des côtes amies ;
— barrage d’un détroit ou d’un passage resserré ;
— action sur les côtes et les ports adverses ;
— intervention dans les combats d’escadre.

Les performances des sous-marins français ne permettent pas à ceux-ci de remplir toutes ces missions par suite de leur manque d’endurance à la mer. Dans la marine britannique, au contraire, le développement de l’arme sous-marine s’est fait avec plus de continuité, ce qui a évité des échantillons multiples. Les sous-marins des séries « D » (500 t) et « E » (650 t), équipés de moteur Diesel robuste, donneront satisfaction pendant toute la Première Guerre mondiale.

Quant aux Allemands, ils ne mettent en chantier leur premier « U-Boot » qu’en 1905. Ils ne semblent, d’abord, pas beaucoup s’intéresser à la nouvelle arme, puisqu’en 1908 ils n’ont que 4 sous-marins contre 60 à la France et 68 à l’Angleterre ; les premiers sous-marins allemands à moteur Diesel (du « U-19 » au « U-22 ») n’entreront en service qu’en 1913.


L’arme sous-marine entre les deux guerres

• En France, la flotte sous-marine de 1918-19 est à bout de bord. Dès le retour de la paix, l’état-major propose une série d’améliorations expérimentées sur 17 unités jusqu’en 1924. La commission d’étude des sous-marins élabore par ailleurs les caractéristiques des futurs bâtiments en s’inspirant des meilleurs modèles allemands de 1918. Ces progrès, toutefois, ne porteront que sur des détails : la puissance et le tonnage des sous-marins vont croissant, mais leurs organes principaux ne subissent pas de modifications importantes. Les sous-marins de l’époque 1920-1939 ne sont que des extrapolations de ceux de la Première Guerre mondiale et dérivent plus ou moins du type imaginé par Laubeuf. C’est l’ingénieur général Léon Roquebert qui peut être considéré comme le père de cette flotte sous-marine. Après les « Requins » (1 000 t) et les « Sirènes » (600 t), il conçoit les « Pascal » de la série des 1 500 t et enfin donne le jour à la plus audacieuse réalisation technique de l’époque, le Surcouf, de 2 900 t en surface et de 4 300 t en plongée. Ce sous-marin géant pour son temps est armé de deux canons de 203 mm et peut mettre en œuvre un petit hydravion stocké dans un hangar étanche. Ce modèle exceptionnel ne devait pas être reproduit en raison des difficultés de son emploi. Entré en service en 1932, le Surcouf disparaîtra dix ans plus tard dans la mer des Caraïbes au cours d’une collision accidentelle.