Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Action française (suite)

L’Action française, qui se pose en réaction contre l’anarchie politique créée, selon elle, par le parlementarisme républicain, exerce une influence considérable sur une portion importante de la société française. Les milieux catholiques, conservateurs, antisillonnistes, antimodernistes, fortement marqués par la politique anticléricale de la République, sont sensibles à la place d’honneur que Maurras réserve à l’Église romaine dans l’édifice harmonieux de la France monarchiste.

La guerre de 1914-1918 porte à son zénith l’Action française, qui représente un patriotisme sans réticence et dénonce toutes les formes de défaitisme. Dans les dix années qui suivent la victoire, une grande partie de la France de droite et catholique est, de fait ou de cœur, avec l’Action française.

Cependant, le pape Pie XI, inquiet de l’emprise de l’Action française sur les chrétiens, décide d’agir. Comme Léon XIII au temps du ralliement, il se sert d’abord d’un prélat pour faire connaître sa pensée. Le 27 août 1926, l’Aquitaine, bulletin religieux du diocèse de Bordeaux, publie ce qui est censé être la réponse du cardinal Andrieu, archevêque de Bordeaux, à une question posée par un groupe de jeunes catholiques au sujet de l’Action française ; le prélat y condamne, d’une façon assez malhabile, la manière dont les dirigeants du mouvement utilisent l’Église romaine tout en rejetant son « divin message ». L’Action française s’étant rebiffée, Pie XI fait mettre à l’Index les œuvres de Maurras et le journal l’Action française. En 1928, une série d’ordonnances épiscopales exclut des sacrements les adhérents de l’Action française — ce qui provoque des drames de conscience.

Cette condamnation — dont Pie XII relèvera le mouvement en 1939 — a pour effet de troubler les catholiques et de favoriser l’essor de la démocratie chrétienne. Mais si elle freine le développement de l’Action française et la diffusion de son journal, elle réduit peu le prestige de Charles Maurras, maître à penser d’une nouvelle et brillante génération d’intellectuels. (Robert Brasillach, Thierry Maulnier).

Lors des événements de février 1934, dans la lutte contre le Front populaire (1936-1938), dans la campagne contre la menace d’une guerre qu’elle voit venir et qu’elle veut conjurer (1938-1939), l’Action française joue un rôle important. Quant à Maurras, sa sortie de prison (1937) et son élection à l’Académie française (1938) sont l’occasion de manifestations triomphales.

La disparition de la IIIe République, son ennemie, en juin 1940, redonne vigueur à l’Action française, qui adhère avec enthousiasme au régime de Vichy. Cependant, le mouvement reste fidèle à son nationalisme intégral : son anglophobie ne le détourne pas de son hostilité à l’égard de l’hitlérisme. Cela ne suffit pas pour sauver l’Action française lors de la Libération. Le 8 septembre 1944, Charles Maurras est arrêté à Lyon, où il s’est installé en 1940 ; depuis le 24 août, le journal l’Action française a cessé de paraître ; l’idéal qu’il représentait et qu’il défendait depuis trente-six ans sera repris quelques années plus tard par l’hebdomadaire Aspects de la France.

P. P.


Les chefs de l’Action française


Jacques Bainville

(Vincennes 1879 - Paris 1936). Il se détache, jeune, de l’idéal républicain de sa famille ; par Barrès, il entre en relation avec Maurras. Brillant chroniqueur de politique extérieure de l’Action française, il fonde et dirige la Revue universelle (1920-1935), dont il veut faire l’instrument d’une « fédération intellectuelle du monde par la pensée française ». Parallèlement, il poursuit une carrière d’historien exaltant la continuité de la politique des rois de France et dénonçant le menaçant impérialisme allemand (Histoire de deux peuples, 1915 ; Histoire de trois générations, 1918 ; Histoire de France, 1924 ; Napoléon, 1931 ; la Troisième République, 1935). Son entrée à l’Académie française (1935) est saluée par la France de droite comme une consécration de l’Action française et de son rayonnement.


Léon Daudet

(Paris 1867 - Saint-Rémy-de-Provence 1942), fils d’Alphonse Daudet. Il apporte au mouvement d’Action française et au journal dont il est le fondateur (1908), le rédacteur en chef (1908-1917), puis le codirecteur avec Maurras (1917-1942), les ressources d’un talent fait de familiarité, de truculence et de causticité et qui anime ses discours, ses articles, ses essais (Au temps de Judas, 1920 ; le Stupide xixe siècle, 1922) et ses romans (les Morticoles, 1894), où la peinture sociale tourne vite à la satire. D’une longue collaboration à la Libre Parole de Drumont, Daudet garde un antisémitisme virulent. Le sommet de sa carrière se situe entre 1914 et 1923 : après s’être fait, durant la Grande Guerre, l’adversaire acharné des « défaitistes » (Malvy, Caillaux), il représente Paris à la Chambre bleu horizon (1919-1924) : il y incarne un antibriandisme efficace et joyeux. La mort violente et mystérieuse de son fils Philippe (24 nov. 1923) l’affecte profondément et le voue désormais à des polémiques âpres et douloureuses. (Acad. Goncourt, 1897.)


Charles Maurras.

V. l’article.


Maurice Pujo

(Lorrez-le-Bocage, Seine-et-Marne, 1872 - Ferrières-en-Gâtinais 1955). Directeur de la revue l’Art et la vie, il entre dans la vie politique au moment de l’affaire Dreyfus, mais il quitte rapidement l’Union pour l’action morale et, avec Vaugeois, jette les bases de l’Action française. Chef des Camelots du roi (1908), il s’engage, quoique réformé, en 1914. Rédacteur en chef (1917-1943), puis codirecteur (1943-1944) de l’Action française, il est arrêté à Lyon en même temps que Maurras (sept. 1944). Le 27 janvier 1945, il est condamné à cinq ans de prison ; libéré, il collabore à Aspects de la France.


Henri Vaugeois

(Laigle 1864 - Lyon 1916). Professeur de philosophie au collège de Coulommiers, patriote de tradition jacobine, il abandonne la Ligue de la patrie française pour fonder avec Maurice Pujo (1899) le Comité d’action française. Sous l’influence de Maurras, cet homme de gauche se convertit au royalisme (1901). Codirecteur de l’Action française bimensuelle, animateur avec Dimier de l’Institut d’action française, il se montre partisan de la guerre civile. En 1928 paraît la Fin de l’erreur française, anthologie de ses principaux articles.