Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Slovénie (suite)

L’histoire

Les tribus slovènes viennent s’établir dans les régions du nord-ouest de l’actuelle Yougoslavie au vie s. ; elles sont soumises alors à des dominations étrangères diverses : Avars, Bavarois et surtout Francs. Au début du viiie s., les Slovènes résistent aux Francs de Dagobert, puis sont inclus dans l’État de Samo, dont le centre est en Grande-Moravie.

Sous la pression renouvelée des Avars se constitue ensuite une principauté autonome avec un prince slovène à sa tête, l’État de Karantanija, dont le centre est Krnski Grad (auj. Karnburg, Carinthie). Les princes de Karantanija sont intronisés par une assemblée populaire qui se tient selon un cérémonial traditionnel sur le champ de Gosposvetsko polje (auj. plaine de Zollfeld). À cette époque, la société slovène compte encore des paysans libres et dispose d’une armée princière spéciale, les kosezi. Incorporés en 788 à l’empire de Charlemagne, les Slovènes participent, mais sans succès, à la révolte des Croates contre les Francs en Pannonie sous la conduite du Ljudevit Posavski (début du ixe s.). En 843, au traité de Verdun, qui partage l’Empire carolingien, ils sont rattachés à la Marche de l’Est, qui revient à la Lotharingie ; le prince slovène est remplacé par un comte franc ; les nobles Slovènes perdent leurs privilèges, leurs terres sont attribuées à des féodaux francs.

Les régions Slovènes ne sont pas occupées par les Hongrois lors de leur installation en Europe centrale ; la progression de ceux-ci vers l’ouest est d’ailleurs arrêtée par l’empereur Otton Ier, qui forme une Grande-Karantanija dans les régions frontières de l’est, mais au xie s., cette Grande-Karantanija est divisée en plusieurs régions : Carinthie, Styrie, Carniole.

En 1278, quand les Habsbourg s’implantent en Autriche, les Slovènes passent sous leur domination, sous laquelle ils resteront jusqu’en 1918 ; la révolte du comte de Celje contre leur pouvoir au xive s. échouera. Les régions Slovènes seront les seules dans les terres yougoslaves à rester hors de la domination ottomane, en dépit de multiples incursions des Turcs. Elles sont d’ailleurs soumises à une forte germanisation : les colons allemands s’établissent au sud des Alpes, tandis que la noblesse est germanisée, la langue slave demeurant surtout dans le peuple.

Les Slovènes ont été christianisés au viiie s. par des missionnaires envoyés par le patriarcat d’Aquilée, mais surtout par l’archevêché de Salzbourg et aussi par des moines irlandais. Au xvie s., la Réforme prend une extension importante en Slovénie, propagée en particulier par le pasteur Primož Trubar (1508-1586), en liaison avec des centres allemands tels que l’université de Tübingen. Mais les Habsbourg et l’Église catholique, en la personne de l’évêque de Ljubljana Tomaž Hren (1560-1630), s’opposent au mouvement ; les nobles devront adhérer à la foi catholique pour conserver leurs terres, les communautés protestantes disparaîtront et la majorité de la population revient au catholicisme. Cependant, la Réforme contribue au développement de la langue slovène, les réformateurs comme les contre-réformateurs ayant publié des textes en slovène pour répandre leurs idées ; une presse slovène est installée à Urach, près de Tübingen.

D’autre part, à cette époque, les paysans slovènes se révoltent contre leur asservissement et réclament le retour aux « droits anciens » : c’est l’Union paysanne de 1478, la rébellion de 1515, la participation à la révolte de Matija Gubec en Croatie en 1573. Au xviiie s., la germanisation se poursuit, mais, dans la période de despotisme éclairé de Marie-Thérèse et de Joseph II, un effort est fait pour développer l’économie et l’éducation ; des prêtres, des intellectuels amorcent un renouveau de la conscience slovène : le baron Žiga Zois est un mécène pour l’historien Anton Tomaž Linhart, le poète Valentin Vodnik, le philologue Jernej Kopitar ; à la fin du xviiie s. paraît le premier journal en slovène, les Ljubljanske novice.

En 1809, les régions Slovènes sont incorporées dans les Provinces Illyriennes, créées par Napoléon ; leur capitale est Ljubljana ; des réformes sont entreprises, la langue populaire est affirmée, mais la population demeure réticente, même si un poète comme Vodnik fait un poème de gratitude envers Napoléon (Illyrie ressuscitée).

Après la défaite napoléonienne, les Autrichiens reprennent le pouvoir ; l’illyrisme, mouvement de renaissance nationale slave, qui se développe en Croatie, a peu d’importance en Slovénie, mais, sous l’influence du grand poète slovène France Prešeren (1800-1849), le dialecte de Carniole est adopté comme base de la langue slovène, et son emploi officiel est revendiqué tout au cours du xixe s.

La révolution de 1848 entraîne des révoltes paysannes, tandis que la Société slovène, créée à Vienne, réclame la formation d’un royaume autonome de Slovénie et l’utilisation de la langue slovène ; mais la révolution est réprimée, et seule reste acquise l’abolition du servage ; les Slovènes demeurent divisés en plusieurs régions autonomes, chacune avec sa propre diète à l’intérieur de l’Autriche.

De 1849 à 1859, c’est le régime absolutiste du ministre A. von Bach. Mais, dans les années 1860, les Jeunes-Slovènes s’élèvent contre l’opportunisme des conservateurs et relancent le programme de la « Slovénie unifiée », en particulier lors d’assemblées de la population réunies dans les champs — les tabors.

À la fin du xixe s., on voit se développer un parti clérical catholique qui imprégnera toute la vie sociale ; à l’instigation du socialiste chrétien Janez Krek (1865-1917), tout un réseau de coopératives sera institué. Au début du xxe s., des Slovènes, les Preporodovci, s’opposent ouvertement à la domination autrichienne ; l’écrivain Ivan Cankar (1876-1918) se déclare favorable à l’union de tous les Slaves du Sud. Celle-ci se réalise en 1918, quand la Slovénie entre dans le royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes, dans lequel le parti du peuple slovène de Mgr Anton Korošec joue un rôle assez important.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Slovénie est divisée en zones d’occupation allemande, italienne et hongroise. En 1945, elle devient une république fédérée au sein de la Yougoslavie socialiste.

M.-P. C.

➙ Yougoslavie.