Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sikelianós (Ánguelos)

Poète grec (Leucade 1884 - Athènes 1951).


Il commença à Athènes des études de droit qu’il interrompit rapidement pour s’adonner exclusivement à la poésie. Ayant été doté par la nature d’une grande beauté et d’une extraordinaire énergie vitale, il vécut sa vie et son œuvre avec la même intensité. Le titre sous lequel ont été publiées en 1946-47 ses œuvres complètes — Vie lyrique — le résume parfaitement.

Partant de l’école dés partisans du démoticisme, il fit progresser les conquêtes formelles et linguistiques du dhimotikí (grec populaire vivant) et aboutit finalement au symbolisme, dont il devint le représentant le plus important en Grèce.

Dans son premier recueil, le Visionnaire (1909), l’influence de D’Annunzio est encore sensible. Dans les œuvres suivantes, qu’il s’agisse des grands textes comme Prologue à la vie (1915-1917), le Dernier Dithyrambe orphique ou le Dithyrambe de la rose (1932) ou bien de ses courts poèmes, son œuvre acquiert désormais une expression propre : celle d’un véritable déferlement lyrique que rien ne peut arrêter et qui brise les formes traditionnelles de son temps en recourant à un vers libre, symboliste jusqu’à l’allégorie.

Sa poésie est inspirée par une idéologie panthéiste selon laquelle une force secrète se trouve au cœur des choses et des idées dans un mouvement cyclique qui la fait renaître perpétuellement, une force finalement très proche de celles des anciens mystères d’Éleusis et du culte orphique. Ce qu’il faut souligner à propos de ce panthéisme, qui n’a rien de très original en lui-même, c’est la foi ardente que Sikelianós lui vouait, au point que, durant un long moment de sa vie, il se consacra au rétablissement à Delphes d’un Centre international de culte orphique, dont il voulait faire une sorte de centre culturel mondial. Ce panthéisme déborde de joie vitale, et l’on n’y trouve aucune trace de mysticisme métaphysique. Dans la poésie de Sikelianós, le monde brille d’une lueur toute fraîche ; deux de ses drames en vers, Dédale en Crète (1943) et la Sibylle (1944), expriment la même attitude spirituelle.

Dans ce symbolisme, la notion de « Grèce » acquiert une valeur secrète d’éternité : dieux, visages, événements de l’histoire et de la mythologie deviennent des signes universels de l’existence humaine. Par sa poésie, Sikelianós exprime donc cette notion de « Grèce éternelle » que les partisans de la langue démotique avaient déjà tenté de prendre à leur compte. On notera enfin qu’au terme de ce symbolisme Sikelianós est parvenu, à la fin de sa vie, de la notion abstraite du peuple à la réalité même du peuple de son pays : les années de l’occupation firent de lui une sorte de guide spirituel de la Résistance, et ce tournant vers l’engagement s’exprime dans deux poèmes dramatiques qui scellent son œuvre : le Christ à Rome (1946) et la Mort de Dhighenís (1947).

Il est indéniable que ce symbolisme absolu alourdit parfois son œuvre, et le débordement lyrique de ses grands poèmes le conduit souvent à l’emphase. La même constatation s’impose également pour ses deux derniers drames, qu’on ne peut considérer comme réussis du point de vue technique. Mais la lumière profuse qui envahit ses courts poèmes, l’inspiration qui préside à maint passage de ses grandes compositions lui confèrent la première place parmi les poètes lyriques de la Grèce moderne et garantissent la permanence de son œuvre.

D. H.

sikhs

Secte indienne.


« La religion ne consiste pas en de simples mots ; celui qui regarde tout homme comme son égal est religieux. La religion ne consiste pas à errer parmi les tombes ou dans les endroits de crémation ou à s’asseoir dans des attitudes contemplatives. La religion ne consiste pas à voyager dans les pays étrangers ou à se baigner dans les lieux de pèlerinage. Demeure pur au milieu des impuretés du monde et tu trouveras ainsi le chemin de la religion. » Cet extrait de l’Ādi Granth, le livre saint des sikhs, traduit bien la philosophie du sikhisme.

Fondée par Guru Nānak (1469-1538), originaire de Talwandi près de Lahore au Pendjab, la secte des sikhs (sikh = disciple) se présente comme une réaction contre les abus du brahmanisme, mais aussi de l’islām : excès d’idolâtrie, rituel trop rigide et surtout trop ostentatoire, caution religieuse donnée au système des castes dans ses aspects les plus discutables, sectarisme... ; les reproches furent nombreux, adressés aux deux grandes religions du sous-continent indien.

La « prédication » de Nānak se présente, comme le bouddhisme* et le jinisme (ou jaïnisme), en réaction aux excès de l’orthodoxie brahmanique et d’un certain sectarisme musulman. Elle annonce par sa largeur de vue, en affirmant par exemple que tout homme quelle que soit sa caste doit pouvoir essayer d’atteindre à la connaissance de Dieu, la religiosité simple et accueillante de Gāndhī.

Enfin, certains historiens, des Britanniques notamment, ont établi un synchronisme entre Nānak et son contemporain Luther, voyant dans les deux cas une réaction trop bien établie. Les mêmes historiens poussent d’ailleurs leurs conclusions plus loin : étant donné l’appartenance de Nānak au varṇa des kśatriya, ils concluent que cette réforme ne fut qu’un épisode de la rivalité entre brahmanes et kśatriya.

Nānak ayant ainsi posé les pierres de la nouvelle foi et, semble-t-il, sans rencontrer au départ d’opposition un tant soit peu importante, il se posa en 1538 le problème de sa succession. Elle fut aisée, car Nānak désigna Lehna pour prendre sa suite et non un de ses fils. Celui-ci devait prendre le nom de Guru Angād. C’est à lui qu’on doit la conception du Granth, le livre des sikhs. Pas plus que Nānak, Angād ne devait faire preuve de népotisme dans la désignation de son successeur : Amār Dās. De guru en guru, on peut poser les jalons suivants.

En 1575 fut construit le Temple d’or d’Amritsar, sorte de Mecque ou de Jérusalem des sikhs, sur un emplacement donné par Akbar (1556-1605).