Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sikhs (suite)

Sous le successeur d’Akbar, Djahāngīr (1605-1627), le guru Arjun devait commettre une faute politique majeure en aidant financièrement, bien que dans de fort étroites limites, le prince Khusraw en rébellion contre l’empereur son père. Sans doute pensait-il que si Khusraw arrivait au pouvoir, il témoignerait de la même tolérance religieuse qu’Akbar. Toujours est-il que la faute était lourde. Son fils, le guru Har Govind, devait en payer la note : il fut emprisonné dans la forteresse de Gwālior, son père Arjun ayant refusé de payer l’amende dont l’avait frappé Djahāngīr.

Mais, et il s’agit d’un tournant fondamental dans l’histoire des sikhs, avec Har Gowind s’amorce la transformation des sikhs en une secte militaire ne refusant pas le combat contre les troupes du grand moghol Chāh Djahān (1628-1658). La répression ne se fit bien évidemment pas attendre et culmina sous Awrangzīb (1658-1707), qui plaça le guru Teg Bahādur devant une alternative simple pour ne pas dire simpliste : la conversion à l’islām ou bien la mort. Ayant essuyé un refus prévisible, l’empereur fit décapiter en 1675 Teg Bahādur, non seulement faisant de lui un martyr, mais provoquant chez les sikhs une hostilité qui n’allait jamais faiblir.

Le successeur et fils de Teg Bahādur, Govind Singh, dixième et dernier guru, devait accomplir une œuvre considérable. Il acheva de transformer les sikhs en secte guerrière (sous le commandement de serdārs [ou sardārs]) ; il précisa définitivement l’organisation, les coutumes et les rites de sa secte, ceux qui, à de rares exceptions, sont encore en vigueur de nos jours. Les sikhs doivent posséder ou respecter scrupuleusement les cinq K : kes, cheveux que l’on ne coupe jamais ; khanga, peigne ; kara, bracelet ; kirdan, épée ou khanda poignard et enfin kachh, pantalon s’arrêtant au genou. En tant que guerriers, la viande et l’alcool leur étaient autorisés ; par contre le tabac et toutes les drogues étaient formellement interdits. De nos jours encore, le visiteur étranger pénétrant dans un temple sikh se voit prié de déposer à l’entrée le tabac qu’il pourrait avoir sur lui.

Telles sont les étapes de l’évolution et les coutumes de ce peuple du nord-ouest de l’Inde qui, au xixe et au xxe s., allait s’identifier à l’histoire indienne en général, à celle du Pendjab* en particulier, jouant un rôle important dans la lutte contre les Anglais, lors de la mutinerie de 1857 et enfin dans le cadre du nationalisme indien.

J. K.

➙ Inde / Pendjab.

 J. D. Cunningham, A History of the Sikhs (Londres, 1849 ; nouv. éd., Delhi, 1955). / K. Singh, The Sikhs (Londres, 1953) ; History of the Sikhs (Londres, 1963-1966 ; 2 vol.).

Sikkim

Royaume de l’Himālaya, constituant, depuis 1974, un État « associé » à l’Inde ; 7 107 km2 ; 205 000 hab. Capit. Gangtok (Gāntok).



La géographie

Encastré entre le Népal et le Bhoutan, limitrophe du Tibet, le Sikkim est un État montagneux. Historiquement, il s’étendait du Grand Himālaya au bord de la plaine du Bengale ; mais, au milieu du xixe s., il fut amputé de sa frange montagneuse méridionale (région de Darjīling et Kālimpong), annexée au Bengale. Le territoire actuel appartient entièrement à la zone des nappes de charriage de l’Himālaya. Les paysages sont constitués par un réseau de larges vallées, qui s’ordonnent autour du cours d’eau principal, la Tīsta : c’est donc le réseau de la Tīsta et de ses affluents qui fait l’unité du Sikkim. Pays de montagnes moyennes surtout, il se sépare nettement du Népal, par la chaîne de Singalīla, et du Bhoutan, par la chaîne de Dongkya. Les altitudes s’élèvent vers le nord jusqu’au Grand Himālaya, qui culmine au Kanchenjunga (ou Kangchenjunga, 8 585 m). D’un climat assez pluvieux (Gangtok reçoit en moyenne 3 400 mm de précipitations), affecté par une longue saison humide de mai à septembre, le Sikkim est couvert de forêts étendues dont les formations variées traduisent l’étagement des climats himalayens. Aux paysages du Sud, caractérisés par des forêts exubérantes, s’opposent les paysages du Nord, avec des forêts de conifères (au-dessus de 3 000 m), des alpages (entre 3 600 et 5 000 m).

Jusqu’au xviie s., le Sikkim était resté une des régions non civilisées de l’Himālaya ; il n’avait qu’une population clairsemée, des Tibétains dans le Nord et des Lepchas, pratiquant la chasse et l’agriculture sur brûlis, dans le Sud. L’établissement de la monarchie sikkimoise, au xviie s., développa dans le pays le monachisme tibétain et attira quelques éléments ethniques du Népal. Mais le pays ne commença à se transformer qu’après 1889, date où l’immigration fut autorisée. Cette immigration fut surtout le fait d’éléments népalais hindouisés que l’on appelait des Gurkhās (par opposition avec les ethnies bouddhistes). Elle a eu des conséquences décisives sur les caractères du Sikkim. Le peuplement s’est trouvé profondément modifié, les Népalais devenant le groupe ethnique prédominant. Le nepālī, parlé par un tiers environ de la population, est la langue la plus importante du pays. L’hindouisme est la religion des deux tiers de la population ; le bouddhisme est devenu minoritaire, tout en restant religion officielle du Sikkim. L’immigration a eu aussi des conséquences économiques profondes, car les Népalais, qui étaient surtout originaires de la région de Katmandou, ont défriché la plus grande partie de l’étage tempéré chaud (entre 1 200 et 2 200 m) : le Sikkim méridional est devenu un pays d’agriculture intensive, les crêtes des montagnes restant généralement couvertes de forêts. Enfin, une immigration indienne, quoique limitée à quelques milliers d’individus, a joué un rôle très important en occupant des emplois du secteur tertiaire (commerce, administration).

Dans l’économie, le Nord est resté une région marginale avec sa population de culture tibétaine, clairsemée, habitant quelques villages tapis au fond des vallées glaciaires. La partie importante du Sikkim est le Sud. La population, qui est dense dans l’étage tempéré chaud, y est presque entièrement dispersée (trait d’origine népalaise) ; de petites maisons de boue ou de pierre, au crépi blanc ou ocre, sous une toiture de chaume ou de tôle ondulée, s’égaillent sur les immenses versants des vallées. Les paysans cultivent des parcelles aménagées en terrasses, suivant le système de la double récolte annuelle : en hiver, une récolte de blé ou d’orge ; en été, une récolte, beaucoup plus importante, de maïs, de riz sur quelques fonds de vallée. On rencontre quelques Lepchas, dont les habitations sont sur pilotis : ils ont évolué vers une forme médiocre d’agriculture. Le bétail est présent partout, mais peu abondant : volailles, porcs et vaches. De loin en loin, de rares villages sont des centres commerciaux et scolaires. La capitale, Gangtok (env. 10 000 hab.), construite à 1 712 m d’altitude, est une agréable petite ville aux maisons de bois, que domine le palais du mahārājā ; c’est le principal centre commercial. La vie urbaine s’est peu développée, parce qu’en réalité la capitale commerciale du Sikkim est Darjīling, en territoire indien.