Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Atlantique (océan) (suite)

L’amplitude thermique est donc plus accusée qu’aux latitudes tropicales, mais une douceur printanière y règne cependant une grande partie de l’année (aux Açores, la température moyenne annuelle est de 18 °C ; aux Bermudes, plus ouvertes aux influences tropicales, elle est de 21 °C). La nuance subtropicale du climat apparaît également dans la rareté des cyclones et des dépressions nées sur le front polaire, la parcimonie des pluies (moins de 500 mm par an au point E), sauf sur les reliefs insulaires, la bonne visibilité, l’ennuagement restreint, l’absence de brouillards et le bleu profond des eaux, que ne troublent point les nuages de plancton. Ce caractère équivoque se retrouve dans les paysages insulaires, associant plantes tempérées et tropicales.

Comme la perte thermique par rayonnement est faible et l’évaporation moyenne, les eaux ont un bilan positif et sont superficiellement tièdes et salées (de 36 à 37 p. 1 000). Leur circulation témoigne également de la confrontation entre les influences polaires et les influences tropicales sous la forme d’un vaste mouvement tourbillonnaire dessiné de part et d’autre du front hydrologique subtropical, installé au contact des eaux chaudes et tempérées. Deux types de régions apparaissent : sur les marges orientales (régions des Açores, de Madère et du Cap) et sur les marges occidentales (région des Bermudes).

Dans le premier type, les eaux, en expansion vers l’est sous la poussée des vents d’ouest, sont affectées, au contact de l’Eurafrique, d’un mouvement de retour vers le sud aboutissant à faire disparaître le front subtropical : ce sont les courants du Portugal et du Maroc, réguliers (moins de 1 km/h), compliqués dans le détail par l’intervention de deux phénomènes :
1° Au passage devant le golfe de Cadix, les eaux sont sollicitées par l’appel de la Méditerranée, qui attire les couches superficielles franchissant le détroit de Gibraltar ; en échange, des eaux méditerranéennes plus lourdes pénètrent dans l’Atlantique en profondeur et s’y étalent largement en éventail. À la fin de l’hiver, quand l’évaporation est réduite en Méditerranée, le courant vers l’ouest est le plus important ; à la fin de l’été, l’apport compensatoire venant de l’ouest l’emporte. Ce système d’échanges saisonniers peut être nuancé par l’intervention de la marée (encore sensible dans le golfe de Cadix), du vent et des ondes internes ;
2° Au voisinage des côtes, les eaux sont relativement plus fraîches (13-14 °C au large du Portugal et 15-16 °C dans les eaux marocaines), car elles sont repoussées par des vents de terre. Au large du Maroc, cet upwelling est le plus intense en été (période sèche), avec formations de brouillards et rafraîchissement de l’air.

Une relation étroite existe entre l’abondance des prises de germon et la netteté de cet upwelling : les eaux ibériques et marocaines connaissent depuis plusieurs décennies un très remarquable essor de la pêche grâce à l’activité des Portugais et des Espagnols. Sur les côtes du Maroc, l’abondance de la sardine a permis l’implantation de pêcheries et de conserveries importantes à Safi et à Agadir. Au large du Cap, le cañon sous-marin favorise la remontée des eaux et l’établissement d’un fructueux secteur de pêche (notamment des crustacés), fréquenté par les navires du Cap, de Saint Helena Bay, de Saldanha Bay et de Hout Bay pour le compte de grandes sociétés exportatrices. La fonction d’escale du Cap ne cesse de grandir ; celle des Açores et de Madère a connu un relatif déclin avec la disparition des grands voiliers et l’abandon de la route traditionnelle des Indes. Ces îles ne sont utilisées comme escale aérienne qu’en hiver.

Dans la région des Bermudes, les eaux sont mues par un grand mouvement tourbillonnaire centré sur la mer des Sargasses, caractérisée par ses eaux chaudes (24 °C) et salées (plus de 37 p. 1 000). Cette mer tire son nom du rassemblement anormal d’algues brunes proches des fucus : certaines sont fixées sur des fonds rocheux, d’autres forment des radeaux flottants soutenus par des vésicules remplies d’air ; entraînées par le vent, elles s’amassent en longues traînes, qui finissent par s’échouer en d’épais coussins dorés au voisinage des côtes, où l’enchevêtrement des tiges gêne la progression des navires et a fait craindre l’échouage aux compagnons de Colomb.

Ce milieu insubmersible qui brise les houles est biologiquement original, car il offre un habitat à la fois planctonique et benthique. Poissons, crapauds, crustacés, mollusques aux étranges formes d’algues y vivent en commensaux. Sur les côtes des Bermudes se trouvent curieusement associés la mangrove, des atolls construits par les coraux, les vermets ou les serpuliens. Si les pêcheurs sont rares, l’archipel est devenu un grand centre touristique et commercial.

• B. Les marges occidentales. Celles de l’hémisphère Nord sont occupées par un grand système hydrologique axé sur le Gulf Stream, qui s’écoule en bordure du continent américain depuis le détroit de Floride jusqu’au seuil de Terre-Neuve. C’est un courant rapide et puissant (le second du monde), établi à la façon d’un front mettant en contact les eaux, tièdes et salées, du centre de l’Atlantique et les eaux, plus fraîches et moins salées, formées en bordure du continent. Il est donc remarquablement exprimé par un très fort gradient de température et de salinité. Son tracé est complexe, car il est soumis à des changements, périodiques ou non, tant en vitesse qu’en direction, prenant parfois l’aspect de véritables embardées. Dans le détail, il se révèle de plus en plus sinueux vers l’aval, où il se décompose en filets ondulants et accolés, voire en tourbillons presque autonomes.

Volumineuse masse d’eau chaude transportée sous des latitudes plus froides, le Gulf Stream est l’objet d’une intense évaporation, assurant un important transfert énergétique aux masses d’air qui le surmontent. Au large de la Floride, le réchauffement à la base permet la régénération des cyclones tropicaux en marche vers le continent. Au sud de Terre-Neuve, l’antagonisme des masses d’air continentales et maritimes assure l’intensité d’une frontogenèse dont les conséquences sont grandes pour le climat de tout l’Atlantique Nord. Enfin, le Gulf Stream est une efficace barrière contre les glaces qui dérivent dans le courant du Labrador et sont une constante menace pour la circulation maritime.