Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sensibilité [chez l’Homme] (suite)

Les autres modes de sensibilité

• On explore la douleur profonde que provoque la pression forte des masses musculaires, du tendon d’Achille, du mamelon, etc.

• Les sensations combinées ne sont étudiées que si les modalités élémentaires de la sensibilité sont intactes. Elles regroupent l’aptitude à discriminer deux stimulations tactiles simultanées, à localiser le point d’application d’un stimulus tactile (topognosie), à reconnaître des lettres ou des signes géométriques simples tracés sur la main (graphesthésie) et l’aptitude à la reconnaissance palpatoire d’objets placés dans les mains, yeux fermés, ou stéréognosie (l’astéréognosie est la perte de cette faculté).


Pathologie de la sensibilité


Principaux troubles sensitifs élémentaires

Il existe deux catégories de troubles sensitifs : les troubles accusés par le malade sont dits « subjectifs » ou « spontanés » ; les troubles mis en évidence par l’examen sont dits « objectifs » ou « provoqués ».

• Les troubles sensitifs subjectifs. Ils ne traduisent que rarement un déficit de la sensibilité nécessairement intense ou étendu : suivant les cas, le malade se plaint d’impression de « peau morte », de « carton », de « bois », de maladresse à la préhension des objets ou encore d’une perte de sensibilité aux traumatismes divers dans une partie du corps.

Plus souvent, le malade se plaint de paresthésies ou de douleurs. Les paresthésies sont des sensations anormales ressenties par le sujet, qui les compare à des fourmillements, picotements, sensations d’engourdissement ; lorsque ces sensations sont provoquées ou augmentées par le contact, on parle de dysesthésies. Les douleurs sont de caractères variables : elles sont continues ou en salves, ou fulgurantes (en éclair, très brèves, avec intervalles normaux entre les crises) ; elles sont déclenchées par divers facteurs, par l’attouchement d’une zone du corps (zone dite « gâchette ») ; leur siège, leurs irradiations éventuelles sont importants à connaître. La causalgie (gr. kausis, « chaleur brûlante ») se manifeste par des brûlures intenses, continues, associées à des perturbations régionales de la vascularisation et à des troubles trophiques. Bien qu’une douleur localisée évoque l’atteinte des fibres nerveuses desservant le territoire de son siège, il existe des douleurs localisées dites « projetées » qui peuvent, par exemple, provenir d’un viscère situé à distance (douleurs brachiales de l’angine de poitrine). Cela s’explique par la convergence des influx nerveux sensitifs et viscéraux sur le même neurone dans la corne postérieure.

• Les troubles sensitifs objectifs. L’hyperesthésie est la sensibilité accrue aux divers modes de stimulation. L’hyperalgie (ou hyperpathie) est définie par une douleur dont les caractères sont inhabituels et dont l’intensité n’a aucun rapport avec celle du stimulus ; la stimulation tactile la plus légère peut être ressentie comme douloureuse ; la douleur tend à diffuser vers les régions non stimulées et elle peut durer malgré l’arrêt de la stimulation. L’anesthésie est définie par l’absence de sensation. L’hypoesthésie correspond à une sensation atténuée dans la zone atteinte par rapport aux territoires normaux. La coïncidence d’anesthésie et de douleurs dans un même territoire cutané est appelée anesthésie douloureuse.


Principaux aspects topographiques des troubles sensitifs

Les lésions étudiées ne seront détaillées que dans les troubles de la sensibilité qu’elles engendrent.

• L’atteinte isolée du nerf, ou atteinte tronculaire, donne un déficit global de la sensibilité (qui correspond au territoire sensitif du nerf) associé souvent à une impression de peau « cartonnée » ou « morte » et parfois à des causalgies, des paresthésies.

• L’atteinte de plusieurs nerfs (multinévrite) se traduit par l’association des signes de plusieurs lésions tronculaires.

• Les lésions des plexus nerveux (réunion de plusieurs racines) se caractérisent par l’intensité des causalgies et des troubles sensitifs siégeant dans le territoire des racines nerveuses.

• L’atteinte d’une racine nerveuse donne une douleur de siège fixe, augmentée par la toux, l’éternuement, la défécation et par les manœuvres étirant la racine ; les paresthésies empruntent le trajet de la racine ; l’hypoesthésie correspond au territoire sensitif de la racine.

• Les polynévrites entraînent des troubles sensitifs bilatéraux, symétriques et distaux : paresthésies des extrémités, douleurs avec parfois hyperpathie et « anesthésie douloureuse » ; les troubles de la sensibilité proprioceptive peuvent dominer.

• Le syndrome cordonal postérieur est dû à une atteinte des fibres lemniscales dans le cordon postérieur de la moelle. Il est responsable de troubles siégeant du côté de la lésion et au-dessous de celle-ci : paresthésies, douleurs diverses (douleurs en étau), cénesthopathies ou impressions corporelles anormales plus gênantes que douloureuses (chaussette trop serrée par exemple), troubles de la sensibilité proprioceptive très marqués, signe de Lhermitte lors des lésions cervicales (sensation de décharge électrique parcourant la colonne vertébrale et les membres à la flexion du cou).

• Le syndrome spino-thalamique est dû à une lésion des voies extra-lemniscales dans le cordon antérolatéral de la moelle ; il est responsable, au-dessous de la lésion, d’une hypoesthésie ou d’une anesthésie thermo-algésique (pour la température et la douleur) de l’hémicorps opposé à la lésion, de douleurs souvent causalgiques à tonalité affective marquée avec parfois hyperpathie ; les sensibilités proprioceptive et tactile sont conservées.

• Le syndrome centromédullaire est dû à une lésion se développant dans la substance grise de la moelle et détruisant les fibres des sensibilités thermique et douloureuse qui passent en avant du canal épendymaire ; il entraîne une anesthésie thermo-algésique en bande, bilatérale. Ce syndrome se rencontre dans la syringomyélie*, affection où la moelle se trouve creusée en son centre d’un canal résultant d’un élargissement du canal de l’épendyme.

• Le syndrome de Brown-Séquard, dû à une hémisection latérale de la moelle, entraîne, au-dessous et du côté de la lésion, un syndrome cordonal postérieur et un syndrome spino-thalamique.

• Le syndrome thalamique est dû à une atteinte des voies sensitives au niveau du thalamus. Il entraîne une anesthésie de la moitié du corps (hémianesthésie) opposée à la lésion, complète et globale (atteignant tous les modes de la sensibilité) avec hyperpathie. Les paresthésies et les douleurs très intenses sont mal supportées, augmentées par les bruits, les émotions.

• Les lésions du cortex cérébral pariétal entraînent des troubles sensitifs dans l’hémicorps opposé qui portent surtout sur les sensibilités proprioceptive et tactile ; l’hémianesthésie est rarement totale. Les troubles caractéristiques des lésions du cortex pariétal portent sur l’organisation spatiale de la sensibilité et sur les sensations combinées.

C. V.

➙ Cerveau / Douleur / Moelle épinière / Nerveux (système) / Sensation / Tact.