Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sensibilité [chez l’Homme] (suite)

• Dans le tronc cérébral.
1. Les fibres des cordons postérieurs s’articulent à la partie basse du bulbe avec des cellules nerveuses (second neurone ou deutoneurone) dont les axones croisent la ligne médiane pour former le ruban de Reil, ou lemniscus médian (d’où le nom de « système lemniscal »), qui va se terminer au thalamus.
2. Les fibres du faisceau néo-spino-thalamique rejoignent le lemniscus médian au niveau de la protubérance annulaire et se terminent au thalamus.
3. Les fibres du faisceau paléo-spino-thalamique se terminent directement au niveau du thalamus ou dans divers noyaux de la substance réticulée du tronc cérébral, le relais étant pris par des fibres qui gagnent des deux côtés de nombreuses structures nerveuses.

• Entre le thalamus et le cortex cérébral.
Les fibres du lemniscus médian s’articulent avec les cellules du troisième neurone sensitif dans le noyau postérolatéral du thalamus. Il y existe une disposition somatotopique précise, mais la représentation des différents territoires sensitifs du corps n’est pas proportionnelle à leur volume ou à leur surface ; ceux qui jouissent d’une grande capacité discriminative (main, bouche par exemple) sont dotés des volumes de projection les plus importants (comme au niveau du cortex cérébral).

Les fibres issues du thalamus se terminent pour la plupart au niveau de l’aire sensitive primaire située dans le cortex pariétal, en arrière de la scissure de Rolando ; cette aire recueille donc la sensibilité de toute la moitié opposée du corps ; la somatotopie pour les sensibilités tactile et proprioceptive y est très précise (fig. 2). Quelques fibres issues du thalamus se terminent dans une aire sensitive secondaire située au fond de la scissure de Sylvius : la disposition somatotopique y est très imprécise et elle reçoit de nombreuses sensations issues du même côté du corps.

Les cellules du thalamus prenant le relais des fibres paléo-spino-thalamiques appartiennent à des noyaux non spécifiques ; leurs axones se terminent dans l’ensemble du cortex associatif (et surtout dans le cortex frontal).

• Interaction entre les systèmes lemniscal et extra-lemniscal.
Bien que ces systèmes soient différents par leur situation, leur morphologie, leurs articulations et leurs projections terminales, on admet que le système lemniscal exerce sur les voies de la douleur un double contrôle. Le premier se situe au niveau de la moelle : il est effectué par les collatérales nées des fibres G. C., qui, en s’articulant avec les interneurones de la corne postérieure, exercent une action inhibitrice sur les influx véhiculant la douleur. Le deuxième se situe au niveau de l’encéphale, où les centres reçoivent des voies lemniscales des influx qui les informent sur l’activité des fibres radiculaires (des racines) et transmettent, en retour, à la corne postérieure, par des voies mal connues, des messages facilitateurs ou inhibiteurs (fig. 3). Ce double contrôle est possible grâce à la différence des vitesses de transmission des deux systèmes (lemniscal et extra-lemniscal). Il permet aussi d’expliquer les variations de seuil et de perception douloureuse en fonction de l’attention et certains types de douleurs permanentes rebelles consécutives à des lésions des voies sensitives (zona par exemple).


Cas particuliers

• La sensibilité de la face.
Elle est essentiellement assurée par les fibres sensitives de la 5e paire crânienne (ou nerf trijumeau). Les corps cellulaires des protoneurones sont situés dans le ganglion de Casser (homologue des ganglions rachidiens). Les fibres radiculaires issues de ce ganglion se divisent, après leur pénétration dans le tronc cérébral, en branches ascendante ou descendante. La branche ascendante véhicule les sensibilités proprioceptive et tactile : elle s’articule avec les cellules nerveuses du noyau sensitif supérieur du nerf trijumeau dans la protubérance. Les deutoneurones issus de ce noyau croisent la ligne médiane et vont rejoindre le lemniscus médian controlatéral pour gagner avec lui le thalamus. La branche descendante véhicule les sensibilités thermique et douloureuse : elle s’articule avec les cellules du noyau bulbo-cervical du trijumeau ; les deutoneurones issus de ce noyau croisent la ligne médiane et rejoindraient au niveau de la protubérance le lemniscus médian ; leur trajet jusqu’au thalamus est mal connu.

• La sensibilité viscérale ou intéroceptive.
Les stimuli sensitifs viscéraux sont représentés par la douleur et la dilatation au niveau des artères, la distension ou l’irritation au niveau des viscères. Les récepteurs annexés aux artères et aux viscères sont appelés intérocepteurs. Les influx sensitifs gagnent la corne postérieure de la moelle, puis empruntent les voies de la douleur, c’est-à-dire le faisceau spino-thalamique latéral. Le transfert des neurones intéroceptifs aux neurones extéroceptifs au niveau de la corne postérieure explique que les douleurs viscérales puissent être référées à la peau.


Exploration clinique de la sensibilité


La sensibilité tactile

Elle peut être mesurée de façon précise par un instrument (compas de Weber ou esthésiomètre), ou simplement appréciée à l’aide d’un tampon de coton qui parcourt la peau. Son exploration doit tenir compte de la richesse d’innervation qui va, par exemple, de 135 points tactiles par centimètre carré pour l’extrémité des doigts à 5 points par centimètre carré pour la cuisse.


La sensibilité douloureuse

Elle est explorée par une aiguille qui pique les téguments comparativement à la perception seulement tactile provoquée par le tampon de coton.


La sensibilité thermique

Elle est étudiée grâce à deux tubes emplis l’un d’eau chaude (non brûlante), l’autre d’eau glacée, que l’on applique sur la peau.


La sensibilité proprioceptive

• Le sens des positions et des mouvements (kinesthésie) est exploré par l’aptitude du sujet à maintenir une attitude en dehors de tout contrôle visuel (station debout, pieds joints), à apprécier la position des différents segments de membres, à apprécier les déplacements passivement imposés, à réaliser les mouvements finalisés (mettre le bout de l’index sur le nez par exemple), à évaluer un poids tenu dans une main par rapport à un poids de référence situé dans l’autre main (baresthésie), à reconnaître par le palper des objets disposés dans la main (forme, consistance, poids).

• La sensibilité vibratoire (pallesthésie) est souvent rattachée à la sensibilité proprioceptive : elle s’explore à l’aide d’un diapason appliqué par le manche sur les saillies osseuses superficielles.